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mardi 31 août 2010

Un avion d’aide humanitaire précède l’arrivée de Rafael Correa

Haïti-Amsud-Reconstruction

Un avion d’aide humanitaire précède l’arrivée de Rafael Correa
Le Président de l’Equateur et de l’UNASUR vient s’assurer de l’utilisation efficiente de l’assistance sud-américaine post-séisme

lundi 30 août 2010,

Radio Kiskeya

Le gouvernement équatorien a annoncé l’envoi à Port-au-Prince d’un avion rempli d’aide humanitaire quelques heures avant l’arrivée lundi soir du Président Rafael Correa pour une visite de 24 heures centrée sur l’apport post-séisme à Haïti de son pays et de l’Union des nations sud-américaines (UNASUR) que dirige également le chef de l’Etat équatorien.
Dans un communiqué rendu public à Quito et relayé par EFE, la secrétairerie nationale de gestion des risques a indiqué qu’un appareil de la Force aérienne équatorienne (FAE) a atterri dimanche dans la capitale haïtienne avec à son bord sept tonnes d’aide incluant des aliments non périssables et des matériels d’hébergement.
Il s’agit de la septième cargaison d’aide humanitaire envoyée depuis le séisme du 12 janvier par les autorités équatoriennes qui avaient déjà acheminé en Haïti 445 tonnes de matériels et produits divers par voie aérienne et maritime.
Rafael Correa qui, pour sa deuxième visite à Port-au-Prince, en quelques mois, arrive en compagnie notamment du principal responsable de la secrétairerie nationale de gestion des risques, Gustavo Sànchez, doit s’entretenir avec le Président René Préval et les membres du corps de génie militaire équatorien déployés sur le terrain.
MM. Préval et Correa doivent tenir une conférence de presse conjointe mardi matin au Palais National (siège de la présidence).
Dans une interview à la télévision publique Ecuador-TV, le vice-chancelier équatorien, Kintto Lucas, souligne que l’UNASUR a été, au lendemain du tremblement de terre ayant dévasté Haïti, la "première instance multilatérale à s’être solidarisée de façon effective avec le pays en apportant de l’argent et en entreprenant diverses formes d’activités".
Selon le responsable, de l’enveloppe de 100 milions de dollars que les douze Etats sud-américains membres de l’union avaient promise, 65 millions ont été débloqués pour être consacrés à la réalisation de travaux définis conjointement avec le gouvernement haïtien.
La catastrophe de janvier a officiellement fait 300.000 morts, 300.000 blessés, 1,5 million de sinistrés et causé des dégâts économiques d’une ampleur sans précédent. spp/Radio Kiskeya

http://www.radiokiskeya.com/spip.php?article6994

Commentaire
Beau geste du gouvernement et du peuple équatoriens qui n'ont pas manqué (bien avant cette visite du président Rafael Correa) d'alléger la misère de plusieurs familles dans les circonstances tragiques que nous connaissons. Espérons que le gouvernement gèrera le tout avec l'équité que la situation exige. Et que contrairement au riz (et à bien d'autres produits reçus des amis d'Haïti) qui avait traversé la frontière pour être vendu en République Dominicaine, cette aide puisse vraiment atteindre son objectif.

Justice/Parquet/Immigration : le RNDDH qualifie d’abus d’autorité l’arrestation d’un policier affecté auservice d’immigration

Le Réseau National de Défense des Droits de l'Homme (RNDDH) a dénoncé ce qu’il qualifie « d'action irresponsable et irréfléchie » du commissaire du gouvernement,

Me Auguste Aristidas qui avait fait procéder en milieu de semaine à l'arrestation d'un policier affecté à la sécurité du bâtiment du Service d'Immigration et d'Emigration sous prétexte que celui-ci avait interdit l'entrée aux services d'un civil armé qui l’accompagnait. Le policier a été condamné à trois mois de prison ferme, à la perte de ses droits civils et politiques pendant 6 mois et il est aussi révoqué de l'Institution policière. Pierre Espérance, le directeur exécutif du RNDDH juge scandaleux l'argument "outrage à la Magistrature" évoqué par le commissaire et le juge pour sanctionner le policier. "Excès de zèle", c'est la seule explication à la mesure, a indiqué M. Espérance au micro de Jean-Monard Métellus. Me Samuel Madistin a lui-même indiqué qu'il n'y a pas lieu de parler d'outrage à la Magistrature vu que M. Aristidas n'était pas dans l'exercice de ses fonctions au moment des faits. Le juriste soutient aussi que le policier n'a commis aucune faute grave et que personne ne peut lui prouver le contraire.

http://www.caraibesfm.com/index.php?id=6773


Commentaire
Si les policiers ne peuvent plus accomplir leur devoir comme cela se fait dans toute société civilisée sans que certains s'estiment au dessus de leurs propres lois, que faire? Donner carte blanche aux délinquants réels ou potentiels ?

Haïti sous la menace de l'ouragan Earl

Lundi, 30 août 2010 15:48

La tempête tropicale Earl qui est devenue, un ouragan au cours de la journée de samedi, menace Les pays de la région caribéenne notamment Haïti, a annoncé le Centre National des Ouragans, (NHC).
Dans le même temps l'l'ouragan Danielle qui était considéré comme dangereux par des expert américains, s'est fortement affaibli au cours des dernières heures, selon le Centre national américain des ouragans (NHC) qui indique que , la tempête tropicale Earl se déplace à une vitesse de 33 km/h vers le nord-ouest avec des vents en rafales allant jusqu'à 95 km/h.
Elle a déjà touchée les îles Sous-le-vent; dans la nuit de dimanche à lundi. Une alerte "tempête tropicale" a été émise pour les îles de la région comme Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Antigua, Barbuda.
Rappelons que la saison cyclonique qui a débuté depuis le 1er juin s'annonce très active, les prévisions établissant que 15 tempêtes et 4 cyclones pourraient menacer la zone cette année.

EJ/Radio Métropole Haïti
http://www.metropolehaiti.com/metropole/full_une_fr.php?id=18201

Commentaire
Il ne nous reste qu'à souhaiter que cet autre malheur ne vienne pas aggraver ceux qui se sont déjà installés dans ce pays. A quel danger ne se trouve-t-il pas exposé maintenant, ce pays ? Mais surtout, que les autorités fassent de leur mieux pour accélérer le processus de reconstruction. On se demande même si la reconstruction doit obligatoirement passer par une phase de raccommodements à la va-vite sous prétexte que la vraie reconstruction suivra. Les autorités haïtiennes tel qu’elles ont toujours fonctionné ne changeront jamais ce qui aura été fait de façon intérimaire. Tout risquerait de se perpétuer, comme la misère, sans aucune possibilité de changement postérieur. Ce ne serait vraiment pas la première fois.

Mirlande Manigat, une femme de tête

Son chignon strict, elle le porte depuis des années. Ses verres larges lui collent au visage comme une seconde peau. Ses tailleurs se suivent et se ressemblent tant sa garde-robes, pourtant aux couleurs diversifiées, lui permet de projeter la même image en tout temps, en tout lieu. Madame la professeure Mirlande Hyppolite Manigat est si sérieuse, si concentrée, si réfléchie que l'on s'étonne de l'entendre partir dans un rire, un vrai et grand rire. Portrait insoupçonné de l'ancienne Première dame qui postule pour le poste de président de la République cette année.
Haïti: Mirlande Hyppolite Manigat est avant tout, dans l'imaginaire populaire, la femme de Leslie Manigat, l'immense intellectuel. Si, à l'occasion des prochaines élections, elle n'avait pas dévoilé son âge, 70 ans, on aurait cru que le maître l'a séduite au berceau. Non. Il y a seulement dix ans d'écart entre les deux Manigat.
S'aimant d'un bel et tendre amour depuis longtemps, 40 ans de mariage au compteur, leur symbiose est parfaite. Brillante, professeure des Universités, intellectuelle, comme lui, elle vaut bien son mari sur la balance, même si elle a quelques livres en moins. Le professeur publie avec une boulimie que la constitutionnaliste ni personne ici ne peut suivre.
Elle ne fut sénatrice que le temps qu'a mis son mari à être président de la République en 1988, de février à juin. Elle a refusé de son plein gré, insiste-t-elle, d'être à nouveau sénatrice en 2006 après que son époux eut perdu dans des conditions particulières les présidentielles de février 2006 face à René Préval.
Cet abandon de son électorat, elle ne le renie pas, mais aujourd'hui s'en excuse auprès de ceux, nombreux et de toutes tendances, qui avaient pendant des heures tout bravé, fait la queue, pour être sûrs d'avoir, au moins, un bon sénateur au Grand Corps. En vain. Fidèle à son mari - qui peut le lui reprocher ? - Mme Manigat esquiva la victoire avait-on cru à l'époque.
Aujourd'hui, enfin, elle explique pourquoi : des premiers décomptes à la publication des résultats du premier tour des sénatoriales, le Conseil Electoral Provisoire d'alors escamota plus de soixante mille de ses votes. Elle flaira un piège. On va la bloquer, pense-t-elle, en l'obligeant à aller au second tour bien qu'elle eut assez de voix pour passer haut la main dès le premier tour.
« A insister, je prenais le risque de finir battue. Il y avait une machine mise en place pour cela. Je crois que quelque part, il se disait - on va l'envoyer au second tour et on va la couler -. Je ne voulais pas prendre une troisième gifle après les expériences désastreuses de 1995 et de 2000», affirme celle qui, aujourd'hui, revient au-devant de la scène pour demander le suffrage populaire et accéder à la magistrature suprême.
Sur Radio Caraïbes, récemment, elle a demandé pardon pour son abandon. « Leslie n'a pas fait pression sur moi. C'est mal nous connaître que de penser que nous avons de telles relations. C'est ignorer la qualité de mes relations avec Leslie », souligne-t-elle avec force.
«J'ai fait ce que j'avais estimé devoir faire, je ne le regrette pas, mais je ne referai pas la même chose. Cette fois, j'irai jusqu'au bout », promet la candidate.
Depuis des années, le couple Manigat symbolise la politique haïtienne. Victoires et défaites les retrouvent toujours côte à côte, avec de fidèles alliés subjugués par leurs parcours, le souffle et la constance dans l'envie de servir la nation qui les anime.
Le professeur Manigat a transmis à sa femme les rênes du parti, le Rassemblement des Démocrates Nationaux Progressistes, (RDNP) qu'il avait créé, et c'est sa femme qui est aujourd'hui engagée dans la course. Pourra-t-elle sortir de l'ombre ?
Mirlande a tous les atouts pour briller seule, dit d'elle un ami du couple.
Née à Miragoâne le 3 novembre 1940 d'un père officier de l'Armée d'Haïti qui prendra sa retraite au grade de colonel, et d'une mère femme au foyer, la jeune Mirlande suit les déplacements de son père de garnison en garnison.
C'est à six ans qu'elle s'installe avec sa mère, d'abord à la rue Pavée, puis à Martissant. Fontamara n'existait pas encore à l'époque. Martissant, c'était la campagne.
Ses vacances scolaires se déroulent un peu plus loin sur la route du Sud, à Petit-Goâve jusqu'au 15 août, ensuite direction Miragoâne. Ses souvenirs, Madame Manigat en parle avec une douce nostalgie.
« Ce fut une enfance heureuse, notre famille de la classe moyenne n'avait pas de gros moyens, mais je n'ai jamais été dépourvue de quoi que ce soit. »
Très tôt, son père forme sa sensibilité sociale. Dans le milieu où ils vivent à Martissant, ils sont plus aisés que leurs voisins. Le père Noël ne passe jamais chez les Hyppolite, marquant la volonté du père militaire de ne pas froisser les autres enfants du quartier.
Tonton Noël ne passe pas, car il ne peut pas être injuste, explique-t-il à ses enfants. Personne dans la famille n'a le droit de ne pas aimer ce qu'il y a dans son assiette. Il y a tellement d'enfants qui n'ont pas le choix devant la nourriture, qui en sont même privés, argumente-t-il.
Deux phrases du colonel Hyppolite restent gravées dans la mémoire de sa fille :
« Mes enfants, vous serez toujours heureux si, au lieu de regarder vers ceux qui ont plus que vous, vous regardez vers ceux qui ont moins que vous, qui sont la majorité dans notre pays » ; « Mes enfants, ayez toujours les moyens de vos désirs ».
« Cela nous assommait », confie Mirlande Manigat, qui a donné rendez-vous au Nouvelliste à 7 heures du matin et nous reçoit dans le salon de sa maison à Marin en Plaine.
Ces principes ont fait leur chemin. « J'ai eu conscience que j'étais une privilégiée du savoir et de la vie. J'ai appris à ne pas désirer quelque chose si je n'ai pas les moyens de me le procurer, et j'ai transmis cette façon de voir à ma fille unique.»
Dans cette famille unie de cinq enfants, la vie se déroule sans problème. Carmelle Bernadel, la mère, se dévoue totalement au bien-être de son clan, et Mirlande Manigat à qui nous avons demandé de la décrire, trouve les mots justes pour dire : « Caro, comme on appelait affectueusement ma mère, n'avait pas fait beaucoup d'études, n'a jamais travaillé de sa vie, mais a su tenir son foyer. Elle n'était pas malheureuse, elle était effacée, simple, comme cela était le cas à l'époque. Elle et mon père ont vécu ensemble mariés pendant 63 ans. »
Le colonel a cependant le temps d'aller voir ailleurs : il aura cinq enfants d'autres lits. Ce n'est que devenue une grande fille que Mirlande découvrira sa famille élargie. Mme Manigat mère entretiendra de bonnes relations avec eux et disait toujours : « Oswald est un vagabond, les enfants ne sont pas responsables. » Une bonne formule, simple et claire, pour entretenir l'harmonie dans un couple, dirait-on, s'il n'y avait pas des féministes qui lisent Le Nouvelliste.
Mirlande, après avoir brillamment achevé ses études de la première classe du primaire à la philosophie à l'Institution Ste-Rose de Lima, la plus prestigieuse école de filles du pays, veut s'orienter vers la médecine.
Elle est incitée en cela par le Dr Raoul Pierre-Louis qui habite son quartier et qui l'y encourage. Sept élèves de Ste-Rose de Lima se présentent au concours. Tout le groupe échoue. Cinq décideront, après une préparation approfondie, de revenir l'année d'après et seront reçues. Mirlande, orgueilleuse, fais une croix sur sa passion. Du groupe, seule le Dr Claudette Anglade Carré restera professer en Haïti.

La brillante bachelière se dirige alors vers l'Ecole normale supérieure et y passe trois ans, puis part pour Paris où de brillantes études l'emmènent à la faculté de droit où elle ne reste pas. Ce n'est pas sa tasse de thé. Elle fait une licence d'histoire à la Sorbonne, un diplôme en relations internationales à Sciences-Po et décroche, en 1968, son doctorat en sciences politiques à la Sorbonne.
« Il m'arrive d'avoir la nostalgie de ne pas être médecin. Mais j'ai eu tant de satisfactions avec ma profession », lâche, un brin de regret dans la voix, Mirlande, heureuse grand-mère dont la plus grande de ses petites-filles (elle en a trois) entre à l'université cette année.
Qu'en est-il de vos amours, Madame?
Il y a de ces questions que l'on n'ose pas poser à une honorable candidate à la présidence et professeure à l'allure si austère, sauf si on a été, sept ans durant, directeur de Ticket Magazine.
«Leslie a été mon prof à l'Ecole normale. Dès cette époque, j'étais amoureuse de lui. On s'est retrouvés à Paris et nous nous sommes mariés le 5 septembre 1970. Notre fille, Béatrice, est née en 1971 (le 5 juin 1971), c'est-à-dire 9 mois plus tard. N'en déduisez rien », lâche dans un rire une Madame Manigat jamais aussi femme qu'à cet instant de confidence.
Leslie passera des années à taquiner sa femme sur le fait qu'ils sont mariés partout, sauf en Haïti. Et que sitôt revenu dans son pays, il va se mettre à chercher épouse. Leslie Manigat a passé une bonne partie de sa vie en sursis. C'est un condamné à mort par contumace qui dispense des cours et écrit des livres. Déchu de ses droits civils et politiques par le régime de Duvalier qui y a mis toutes les formes, personne en Haïti ne reconnaît comme légal son mariage.
A Paris, il y a toute une brochette de belles têtes qui animent une vie sociale et intellectuelle magnifique, les Manigat en font partie. Le professeur est un gourmet qui a bon appétit en ce temps béni de la fin des années 60 et du début des années 70, que les moins de 60 ans ne peuvent même pas imaginer. Madame aime faire à manger, mais pas le ménage. La couture est son passe-temps préféré, quand elle ne s'enferme pas avec ses livres ou les devoirs de ses étudiants.
« En 1974, nous sommes partis pour Trinidad pour être plus près d'Haïti. Personne de notre entourage n'a compris. On y a passé 4 ans. Puis on s'installa au Venezuela qui nous a offert à tous deux un poste d'enseignant. Toujours là, tout près, dans cette mer des Caraïbes où baigne Haïti, avec un pied en Amérique du Sud. On y a passé 8 ans, et c'est là que le RDNP a été fondé », raconte Mirlande Manigat, qui se rappelle de ces temps tourbillonnants qui voient le professeur mener belle carrière universitaire, publier articles et livres et bâtir le parti qui se veut l'instrument idéal pour libérer Haïti. Les Manigat reçoivent beaucoup et leur aura s'étend dans toute la diaspora.
« C'est au Venezuela que la chute de Duvalier nous a agréablement surpris. »
Le retour en Haïti se fera avec prudence, puis assurance, jusqu'à l'ascension au pouvoir en 1988 de Leslie François Manigat. Madame est sénatrice de la République. L'exercice du pouvoir se révèle vite plus compliqué que ce que racontent les livres d'histoire.
« Concilier ma vie d'épouse, de mère, de sénatrice et de Première dame fut un exercice délicat d'équilibre », avoue aujourd'hui Madame Manigat.
L'expérience est de courte durée. De turbulences en attentats manqués contre leur personne, de l'obstruction parlementaire au gel de la fonction publique encore fidèle aux généraux qui ont transmis du bout des doigts le pouvoir, arrive le coup d'Etat du 19 juin 1988 qui met fin à la première expérience d'exercice civile du pouvoir depuis la chute des Duvalier.
« Le deuxième exil a été plus dur que le premier. Leslie était parti en 1963 comme exilé sous Duvalier, moi comme étudiante partie pour trois ans (maximum 5 ans). La vie a voulu que je me marie avec Leslie et que nous restions ensemble en exil. Voilà qu'alors on pense que cette période est dépassée, qu'il nous faut repartir », retrace la voix cassée Madame Manigat qui a écrit un témoignage, non encore publié, sur cette période de sa vie.
Cet exil se déroule en Suisse et aux Etats-Unis d'Amérique avant le deuxième retour mouvementé en 1990. Le gouvernement d'Ertha Pascal Trouillot et le CEP font barrage. Impossible pour le professeur de briguer un deuxième mandat de suite. La raison d'Etat met entre parenthèses le fait que son premier mandat a été interrompu par un coup d'État.
La politique reprend son cours, les Manigat se remettent à la production intellectuelle. Les élections se suivent, les échecs aussi. Les percées louverturiennes ne sont plus possibles ni souhaitables.
Au fur et à mesure que le professeur s'installe dans son rôle de patriarche de la politique d'opposition, sa femme consolide son image d'intellectuelle, de professeure d'université, de constitutionnaliste consultée par tous les médias et dont l'opinion est respectée.
Arrive la débâcle de 2006. Leslie Manigat, incapable de rattraper l'avance de René Préval, la mort dans l'âme, assiste à l'intronisation de celui qui ne l'a pas battu au finish mais dans la rue grâce au déferlement de ses partisans qui imposent sa victoire.
Cette défaite est amère. Les Manigat se retirent. Monsieur de la politique, Madame d'un poste de sénateur qui paraît à porter de main. Dans la foulée, Mirlande Manigat devient Secrétaire générale du RDNP.
«Leslie s'est retiré et ne participe plus aux réunions du Comité Exécutif National du RDNP. On ne les organise plus chez moi, comme c'était le cas depuis des années. Je prends les décisions seule. Avec certaines, il est d'accord. Pour d'autres, qu'il ne partage pas, Leslie me dit que c'est à moi de voir. Et j'assume tout pour le parti ».
De son parcours de professeur qui la ravit au plus haut point, Madame Manigat n'a que de bons souvenirs et exprime le voeu de dispenser son enseignement même si elle occupe la plus haute des fonctions.
De nos jours, elle remarque cependant que les étudiants l'abordent de plus en plus pour parler de leur drame personnel. Bien sûr, ils s'inquiètent de l'avenir, veulent trouver un travail, mais il y a aussi des cas de détresse intime qu'ils lui soumettent.
« Le dernier en date est celui d'une jeune fille courtisée par son beau-père venue me demander conseil : « Dois-je le dire à ma mère ? », m'a-t-elle demandée ?
Et la politologue, très sensible à la question féminine, de se rendre compte que le droit constitutionnel ne sert à rien devant un tel dilemme. On croirait que c'est la mère, la femme d'expérience qui doit alors répondre. Oh que non ! Ces cas ramènent très vite sur le terrain de la politique et Mirlande Manigat repense alors à tous les problèmes sociaux qui nous amènent à ces situations déchirantes. « Et c'est alors que l'on comprend toute la nécessité de faire de la politique autrement, de façon plus efficiente pour donner les résultats qui changeront la vie des gens, des jeunes, de ce pays. »
« Mes petites-filles, les jeunes en général, pour qui je suis toujours disponible, ceux qui me prennent comme un modèle, tout cela me force à chercher en moi les ressources pour proposer autre chose. Cela me donne un sens de responsabilité dans toutes mes actions et je sais que je ne dois pas les décevoir »,
Ne pas décevoir : la promesse d'une femme de tête.

Frantz Duval
duval@lenouvelliste.com

http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=83003&PubDate=2010-08-30

Commentaire
Mirlande Manigat? En voilà un nom, mais plus qu'un nom, c'est le travail réalisé qui nous impressionne, l'exemple donné, la détermination à lutter. Voila en peu de mot celle qui aurait pu se passer de présentation ou qu'elle se trouve. Et pas obligatoirement à cause de son mari! C'est l'un (l'une) des trois ou quatre possibles candidats que j'ai signalés comme pouvant travailler réellement à changer ce qui existe actuellement en Haïti

lundi 30 août 2010

Plans and Benchmarks for Haiti

EDITORIAL
Plans and Benchmarks for Haiti
Published: August 29, 2010
The Interim Haiti Recovery Commission was set up after the Jan. 12 earthquake as a joint Haitian-international effort to effectively channel billions of dollars of donated reconstruction aid.
Like everything else about the recovery effort, the commission, led by Prime Minister Jean-Max Bellerive and former President Bill Clinton, has been too slow off the mark. But we were encouraged by its second meeting in Port-au-Prince this month, where it announced dozens of new projects with clear benchmarks and the commitment of more than $1 billion to complete them.
The commission finally has its executive director, a Haitian, Gabriel Verret, a former economic adviser to President René Préval. About 30 crucial staff positions are still unfilled, a troubling sign. Without a full, permanent staff, the commission will surely have a harder time showing results and pressing donors to meet pledges.
The goals outlined at the meeting include clearing a million cubic meters of rubble in Port-au-Prince and building enough short-term hurricane shelters for 400,000 to 500,000 people — both by November. The longer-term plans include a two-year, $4.3 billion reinvention of Haiti’s public school system, a $200 million program for agricultural development, and a $15 million, 320-bed teaching hospital in Mirebalais, in central Haiti.
The hospital is a project of Partners in Health, an exemplary nongovernmental organization whose founder, Paul Farmer, has spoken forcefully about the need to break bad old habits of international aid, which in half a century has never reached the goal of creating a functioning country run by Haitians for Haitians. At a Capitol Hill hearing in July, he noted that only 3 percent of earthquake aid had gone to the Haitian government.
The low figure is understandable, since the government was weak to begin with and devastated by the quake. Dr. Farmer’s larger point is valid. Rebuilding Haiti requires building a functioning, responsive Haitian state. A hospital that teaches a new generation of Haitian doctors and nurses, meeting an aching need for medical care while spurring the home-grown economy, is a fine example of how to do that.
Commission members and supporters insist that by the standards of international bureaucracies, they are moving quickly and efficiently. Perhaps. But Haiti’s urgent and unmet needs are staggering.
The International Federation of Red Cross and Red Crescent Societies recently announced that it was distributing new plastic tarps to 80,000 families. They are replacing old tarps that have frayed in the last seven months while people have waited, fruitlessly, for homes.

http://www.nytimes.com/2010/08/30/opinion/30mon2.html?_r=1&ref=opinion

Commentaire
C'est vrai que tres peu a été fait, c'est aussi vrai que les donateurs n'honorent pas dans le calme ce qui a été promis dans la chaleur de l'action et face aux medias du monde entier. Le travail à faire reste donc entier, chers amis!

Première promotion de l'école de la magistrature haïtienne formée à Bordeaux

• La première promotion de l'Ecole de la magistrature haïtienne sera formée à l'Ecole nationale de la magistrature (ENM) à Bordeaux, dans le cadre de l'aide à la reconstruction d'Haïti après le séisme du 12 janvier dernier, a-t-on appris auprès du directeur de l'ENM.

Vingt Haïtiens suivront la même formation que les autres auditeurs de justice de l'ENM, à partir du 20 septembre et jusqu'à fin janvier à Bordeaux puis en stage en juridiction en France.
Ils effectueront ensuite six mois de formation complémentaire sur les spécificités du droit haïtien.

Cette initiative, financée par le ministère des Affaires Etrangères, qui a accordé des bourses aux étudiants haïtiens, s'inscrit dans le cadre de l'aide publique à la reconstruction d'Haïti.
"On avait prévu de longue date de les aider à mettre en place une formation initiale des magistrats, alors qu'ils ne faisaient jusque là que de la formation continue", explique Jean-François Thony, directeur de l'ENM.
"Au mois de mars, ils devaient accueillir leur première promotion. Le tremblement de terre a mis tous leurs projets à terre", raconte-t-il.
Si l'école elle-même est restée debout, d'autres locaux judiciaires se sont écroulés et les services qu'ils abritaient ont dû être installés dans les locaux de l'établissement.
"J'ai donc proposé au directeur d'accueillir toute la première promotion", indique M. Thony, qui souligne qu'"il n'y a pas de précédent à la formation d'une promotion entière pour un pays".
Parallèlement, six enseignants haïtiens seront également formés à l'ENM cette année.
AFP

http://www.caraibesfm.com/index.php?id=6772

Commentaire
Voilà le genre de mesure dont le pays a besoin pour montrer qu'il veut vraiment avancer. Il s'agit là d'une longue tradition dans la politique haïtienne initiée le lendemain même de l'indépendance du pays. Envoyer nos jeunes étudier à l'extérieur pour affermir leur connaissance ne peut que faire du bien à toute la société. Antênor Firmin lui-même, dans son livre magistral "De l'égalité des races humaines" a fait l'éloge d'une telle initiative car il était mieux placé que quiconque pour en voir les résultats en tant que membre de la société d'anthropologie de Paris.

dimanche 29 août 2010

La France doit restituer à Haïti la rançon de l’indemnité

lundi 30 août 2010

Débat

Par Tontongi



Soumis à AlterPresse le 24 aout 2010

L’annonce qui a fait croire que le Quai d’Orsay allait restituer aux Haïtiens l’indemnité que la France leur avait recelée de 1825 à 1947, contre sa reconnaissance de l’indépendance d’Haïti, était bien sûr un canular, celle-ci n’ayant pas encore honoré même son engagement au fonds mis sur pied pour la reconstruction d’Haïti par les Nations unies à la suite du tremblement de terre du 12 janvier 2010. Mais ce canular a eu le mérite de relancer un débat sur cette escroquerie historique dont la réparation demeure, aujourd’hui encore, une revendication légitime.
À tout considérer, la demande de l’indemnité était totalement inappropriée dans la mesure où la révolution haïtienne était fondée sur le rejet de l’esclavage, sur la dénonciation de ses méthodes de fonctionnement et sur l’appropriation, par le nouvel État, des biens jugés iniques qu’il a générés et dont avaient bénéficié les anciens colons.
Nous appelons l’indemnité une escroquerie pour deux raisons particulières : Premièrement parce qu’elle a été demandée sur de fausses prémisses de droit, à savoir que les anciens colons avaient perdu des biens à cause de l’abolition de l’esclavage et que redressement leur était dû ; deuxièmement, parce que l’indemnité a été imposée sous la menace de l’invasion militaire. La France ne s’était même pas payé le luxe de l’apparence : Le 17 avril 1825, une flotte de 14 navires de guerre était à la remorque, là dans la rade de Port-au-Prince, prête à intervenir. Donc, c’était par l’utilisation de la violence, et non pas suite à un traité ou aux délibérations d’un tribunal international conséquent que l’indemnité a été demandée. Jean-Pierre Boyer, le président haïtien, pouvait certainement refuser et résister à toute attaque française, mais on peut aussi comprendre pourquoi il ne voudrait pas donner à la France une excuse de plus pour attaquer Haïti, d’autant plus qu’elle n’a cessé de menacer d’intervention militaire pour reprendre son ancienne colonie.
Étant donné le boycott général d’Haïti observé par toutes les puissances du monde, grandes et moins grandes, Boyer voyait aussi dans l’acceptation de l’indemnité un bénéfice additionnel. C’est ce qui en effet arriva, suite à l’acquiescement d’Haïti et la bénédiction de la France, d’autres pays reconnaissaient l’indépendance d’Haïti ; naturellement tous ces pays-là qui attendaient le signal français pour reconnaître Haïti étaient objectivement complices de cette escroquerie.
Quant aux États-Unis, où l’esclavage était toujours légalement en vigueur, ayant d’abord utilisé le prétexte de l’indemnité due à la France pour ne pas reconnaître Haïti jusqu’ici, ils n’ont pas de cure par la suite à désigner carrément le « mauvais exemple » que constitue Haïti, terre indépendante d’anciens esclaves libérés, comme raison de leur refus. Leur boycott de la reconnaissance d’Haïti durera ainsi 58 ans, jusqu’en 1862, soit sous l’administration d’Abraham Lincoln, qui lutta à l’époque contre les sudistes esclavagistes et sécessionnistes.
Certains milieux politiques, pour discréditer la légitimité de la revendication de restitution, ont avancé que l’idée de l’indemnité serait venue d’une proposition d’Alexandre Pétion aux Français pour obtenir leur reconnaissance et stabiliser l’État haïtien « ou pour sortir du ghetto international », comme l’a dit René Depestre, qui affirme, concernant la requête de Jean-Bernard Aristide à la France en 2003, que cette demande de restitution n’est pas « la manière la plus sereine, la plus intelligente, ni la plus civilisée, de donner un éclat international à la célébration des origines » [1]. D’autres ont fait valoir que l’indemnité n’a pas de fondement juridique, et qu’après tout, il faut oublier le passé et travailler en paix avec la nouvelle France fraternelle, en tandem avec une « communauté internationale » soudainement protectrice.
On trouve parmi ces derniers, les éléments ex-gauchistes, renonciateurs de leurs propres idéaux de justice, comme Régis Debray et René Depestre, que je critique dans mon livre Critique de la francophonie haïtienne. Régis Debray, en mission pour Jacques Chirac en Haïti en 2003, a critiqué la demande de restitution faite par Aristide, arguant que « le droit en vigueur au moment » ne le prévoyait pas. Citons en entier le paragraphe dans lequel je cite Debray et le critique à fois : « Il est certes à nos yeux scandaleux que Haïti ait dû en quelque sorte acheter en francs or sa reconnaissance internationale après avoir conquis son indépendance au prix du sang, mais faut-il rappeler que le droit à l’autodétermination des peuples n’existait pas en 1838 ? Pas plus que la notion de crime contre l’humanité, née au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. » Ma réponse à Debray : « Ni en cela les Conventions de Genève (août 12, 1949), pourtant le premier Tribunal de Nuremberg (1945–46) condamnait et exécutait des officiers allemands pour crimes de guerre. Pourquoi surtout suggérer la caducité des revendications parce que l’idée d’une indemnisation serait venue de Pétion et Boyer pour compenser ‘‘des colons français massacrés (15 000) ou en fuite (15 000) ’’ ? À supposer que tel était le cas, cela ne témoigne-t-il pas du fait des grandes pressions militaires, politiques et économiques que la France continuait à exercer sur le jeune État nègre ? Et quand bien même les Français ‘‘dépossédés’’ et assassinés auraient droit à réparation, pourquoi s’arrêter là ? Et le génocide en série (après celui complété des ‘‘peaux rouges’’) causé par la Traite de Noirs ? Les brimades sur les plantations ? » [2]
Nous laisserons aux historiens la tâche d’éclaircir les détails de la problématique bilatérale de la question de l’indemnité, mais une chose est déjà claire pour nous, vue dans le contexte historique de la naissance du pays : Jamais la jeune république noire aurait volontiers initié une démarche qui, de toute évidence, ne pouvait que ruiner son projet de développement national. Il est donc absurde, selon l’insinuation de Depestre, d’imaginer que Pétion ou Boyer eussent de plein gré offert et accepté de donner plusieurs générations de leurs recettes et budgets nationaux à une puissance étrangère qui les menace d’invasion, cela confirme une certaine désinvolture de la part de Depestre qui l’amène à cautionner la plupart des ingérences impérialistes en Haïti ces derniers temps.
En fait, tout au cours du règne de Napoléon, puis sous la Restauration royaliste (1814-1830), la France continue de faire des tractations, des magouilles, des démarches insidieuses auprès des autres puissances pour chercher à reverser la nouvelle réalité politique en Haïti, souvent en manipulant la lutte de pouvoir entre les multiples protagonistes haïtiens, et souvent par des menaces militaires directes ou camouflées. Étant donné le prestige de la France comme grande puissance impérialiste, l’inacceptabilité du précédent haïtien comme générateur de droits, et surtout les pressions des anciens colons royalistes, qui ont eu le vent en poupe sous le nouveau régime de la Restauration et qui réclament, sinon le rétablissement pur et simple de l’esclavage, du moins la compensation forfaitaire de leurs biens fabuleux, tout cela dans un environnement international hostile, il n’est pas difficile de comprendre le stress et le grand dilemme où se trouvait Haïti. Il y a en cela un lien direct entre la demande d’Aristide, qui embarrassait Jacques Chirac et Dominique de Villepin, et l’intervention politique et militaire française qui aboutit au renversement d’Aristide en février 2004.
Ce n’est pas sans raison que l’une des premières décisions prises par le régime de facto fantoche de Gérard Latortue après le coup d’État franco-étatsunien de février 2004, était « d’abandonner la réclamation de la dette de la restitution à la France », une réclamation qu’il qualifie d’ « illégale ». Il faut lire à ce sujet une intéressante lettre ouverte de Francis Saint-Hubert, un économiste haïtien, adressée à Latortue en avril 2004 où il s’élève contre le rejet par Latortue du bien-fondé de la demande de restitution, observant que la véhémence de la réaction du gouvernement français peut être due « [p]lus probablement [...], à ce qu’il perçoit, sans vouloir l’avouer publiquement, comme une revendication sérieuse, non seulement embarrassante mais potentiellement très coûteuse, supportée par d’irréfutables faits historiques et, de l’avis de beaucoup, des bases juridiques solides ». Critiquant l’argument de l’absence de fondement juridique, Saint-Hubert ajoute : « Aucun pays au monde, sauf Haïti (ni les États-Unis, ni le Mexique, ni la Colombie, ni même, plus près de nous, l’Algérie ou le Vietnam), n’a été contraint de payer la reconnaissance de son indépendance et d’éviter par une dette paralysante le retour forcé de ses citoyens à l’horreur de l’esclavage ». [3]
L’énorme montant, de nature forfaitaire, de la somme exigée dit déjà long sur son importance en 1825 : 150 millions de francs or, renégociée treize ans plus tard, en 1838, à 90 millions. Le nom officiel de l’accord sur la réduction, « Traité de l’amitié », s’avérait un grand précurseur des euphémismes absurdes du Parti républicain aux États-Unis au cours des élections partielles de 1994, qui présentait son programme d’austérité anti-peuple et de la loi et l’ordre comme un positif « Contrat avec l’Amérique », soi-disant favorable au pays, particulièrement à ceux-là qu’on allait dépouiller des protections régulatrices contre les banques prédatrices et des derniers recours à l’assistance sociale. On a estimé que les premiers versements de l’indemnité pour lesquels Haïti a contracté des crédits prohibitifs à la banque centrale de France, ont irrémédiablement affecté le projet de développement d’Haïti, plaçant le pays dans un cercle vicieux d’endettement, d’appauvrissement, d’autoritarisme et de dépendance croissante envers les puissances impérialistes, notamment la France, puis les États-Unis. Les effets cumulatifs nuisibles du cercle vicieux ont décuplé à chaque crise politique, à chaque intervention étrangère impérialiste, à chaque fois qu’on a laissé libre cours aux requins du Bord-de-mer, aux petits boss des usines d’assemblage et aux suceurs de sang de la finance internationale (dont le FMI et la BID) pour déplumer le pays.
À la question du montant exact de la restitution que la France doit à Haïti, Saint-Hubert croit qu’ « Il s’agit en fait, et en surcroît des dommages inestimables causés par l’esclavage lui-même, d’une injustice tout à fait chiffrable en valeur monétaire de son temps, qu’on peut ramener par des méthodes de calculs reconnus en sciences économiques, à une valeur réelle, d’aujourd’hui » [4]. Le chiffre de 17 à 23 milliards de dollars, au taux actuel, généralement avancé est bien crédible, mais je ne doute pas que le montant de compensation réel soit beaucoup plus élevé. Il y a certainement aussi des dommages qui ne sont pas chiffrables ou observables à vue d’oeil mais qui ont néanmoins laissé des empreintes indélébiles dans l’existence des victimes et de leurs descendants.

La fiabilité de la demande de restitution

En fait la somme initiale exigée par le roi Charles X — 150 millions francs or — était cinquante pour cent fois plus élevée que celle déjà exorbitante soumise par les ex-colons pour compenser leurs « pertes ». Il est vrai que cette poule aux oeufs d’or qu’a été la colonie saint-dominguoise de la France pourvoyait à une part importante de son économie, faisant vivre un Français sur sept. La coterie française profitait en effet énormément de l’empire colonial, particulièrement de la colonie de Saint-Domingue dont les exportations dépassaient celles combinées des treize colonies anglaises en Amérique du nord. La production et le commerce des esclaves à Saint-Domingue constituaient le tiers de l’ensemble du commerce des esclaves dans le monde.
Dans des termes qui annoncent les pratiques déprédatrices du Fonds monétaire international (FMI), des 166 millions de francs or qu’Haïti aura empruntés pour satisfaire les obligations de l’indemnité « plus de la moitié, dit Anthony D. Phillips, était retournée aux mêmes banques sous les rubriques de commissions, honoraires et services d’intérêt » [5].
Comme l’a bien dit Phillips, Haïti était acculée à un « choix hobbesien » : ou acquiescer aux demandes françaises ou résister et risquer la continuation de la guerre, jamais résolue, avec la France. Ce dilemme était d’autant plus ardu et tortueux, qu’Haïti était située dans une région contrôlée par des empires rivaux — France, Espagne, Angleterre, Hollande, Portugal, Allemagne et les États-Unis émergeants —, qui se combattent et cherchent à prendre avantage les uns sur les autres mais qui, tous, répugnent Haïti, le nouvel état nègre, et veulent se prémunir contre le « mauvais exemple » que représente sa radicalité révolutionnaire.
Les conditions draconiennes et pernicieusement gourmandes de l’indemnité auraient été impossibles à satisfaire pour n’importe quel autre pays, mais pour Haïti qui se relevait à peine des désastres de la guerre civile et de la guerre d’indépendance, c’était le comble : « La pauvreté de l’Haïti moderne, dit Anthony Phillips, est inextricablement liée à la dette de l’indemnité. Après l’échec de l’imposition directe, les revenus qui payaient la dette provenaient des mêmes commodités qui avaient fait d’Haïti une colonie lucrative. L’économie haïtienne restait enchaînée dans l’exportation des denrées tropicales, bois, sucre et spécialement café (...). Les conséquences d’un tel drainage, même non surprenantes, étaient dévastatrices pour le trésor public. L’éducation, la santé et l’infrastructure restaient pratiquement non financées tout au cours du XIXe siècle » [6].
Cette tournure des choses ne pouvait qu’être nuisible à la jeune république noire. L’économie haïtienne restait ainsi dépendante des mêmes mécanismes de contrôle que durant l’économie esclavagiste du régime colonial. Les impératifs de production pour l’exportation prennent précédence par rapport aux propres besoins du pays. Comme on pouvait bien le prédire, la dureté économique engendre l’instabilité politique, d’autant plus s’il y a des puissances ennemies qui tirent malicieusement les ficelles...

Prémisses de droit

J’ai parlé plus haut de « prémisses de droits » dans le sens qu’accepter que la révolution anti-esclavagiste haïtienne ait porté préjudice aux « biens » des ex-colons en termes de droit, c’est reconnaître que l’esclavage est une activité économique légitime. Or, comme on le sait, en 1825 l’esclavage était déjà reconnu et dénoncé comme un crime en Europe et dans certains milieux politiques en Afrique et dans les Amériques. Anthony Phillips a relevé que même dans l’absence d’une loi ou d’un traité spécifique, certains actes sont considérés sur une base jus cogens, c’est-à-dire « ‘‘acceptés et reconnus par la communauté internationale’’ comme criminels (...). Aujourd’hui, la liste des crimes relevant du jus cogens inclut le génocide, la piraterie, l’esclavage et la traite des esclaves, le meurtre en tant que pratique de l’État, la torture, la détention arbitraire prolongée et la discrimination raciale systématique ».
Un autre point important soulevé par Phillips, c’est l’illégalité de l’esclavage au moment de la demande de l’indemnité : « Le Premier Traité de Paris [30 mai 1814] inclut un engagement pris par la France vaincue et les Alliés vainqueurs (la Grande Bretagne, l’Autriche, la Prusse, la Russie et la Suède) de travailler pour l’abolition de la traite des esclaves. Le Deuxième Traité de Paris de 1815 et le Congrès de Vienne en font suite. Tous les deux traités condamnent la traite des esclaves comme inhumaine et en contradiction avec les pratiques des nations civilisées. Les signataires s’engagent à éradiquer la traite et la pratique de l’esclavage ». [7]
Cela dit, bien qu’il n’y ait aucun précédent légal, comme Phillips nous le rappelle, déjà « établi pour gagner un jugement de restitution historique », la demande de restitution est fondée sur des principes de droits solides, sans compter naturellement les principes de droits moraux qui appellent pour la réparation des torts causés aux autres. Donc, le fait que l’esclavage était reconnu et condamné comme crime dans des traités internationaux signés par la France avant 1825 — date de l’application initiale de l’indemnité —, ça annule le bien-fondé de la demande de compensation pour des biens obtenus par une pratique jugée criminelle.
En réalité, le vrai sujet à droits ou ayant droits, c’est l’ancien esclave victime de l’esclavage et ses descendants. Il y a des biens réels qui ont été accumulés grâce à l’exploitation de ces hommes et femmes transplantés comme bêtes de somme sur une terre étrangère qui leur sert de prison. Biens réels contre dénuement total, ça donne exploitation malhonnête, commerce immoral des humains, donc actions préjudiciables à d’autres humains qui ont droit à réparation, à la réhabilitation de la justice.
Aux États-Unis, il y a un très fort mouvement de revendication qui demande réparation tangible aux descendants des victimes de l’esclavage. Je soutiens cent pour cent une telle revendication. Pour la simple raison que des biens réels ont été amassés grâce à cette injustice, et que des torts réels ont été causés contre des gens réels. Nous ne parlons pas ici d’une abstraction théorique, mais bien d’une réalité historique empirique qui continue à affecter d’une manière néfaste les descendants des victimes. On comprend bien, pour qu’il y ait une véritable réconciliation dans une société — ou dans les relations de nation à nation — où des actes de victimisation ont été causés sur un groupe par un autre, il faut qu’on rectifie les torts causés d’autant plus s’ils continuent à handicaper les descendants des victimes.

La configuration de la restitution

Dans mon effort d’appréhender la problématique de l’indemnité et la question de restitution, j’ai consulté plusieurs sources, l’une d’entre elles est Franck Laraque qui, depuis son ouvrage Défi à la pauvreté, publié en 1987, s’est penché sur la crise économique haïtienne et cherche à y trouver une solution « endogène ». Voici ce qu’il pense de la question de restitution après avoir lu le brouillon du présent texte : « [Je suis ] cent pour cent d’accord avec tes arguments irréfutables et complets montrant le bien-fondé du remboursement d’une ‘‘dette odieuse’’ qui a entraîné l’empire de la faim et la perte de la souveraineté nationale. Néanmoins, ce remboursement soulève d’autres points importants : la responsabilité des gouvernements haïtiens avant la dette et après son remboursement dans le sous-développement du pays ; demande de remboursement par négociations bilatérales avec le gouvernement français ou recours aux tribunaux ; versement d’argent comptant à tempérament ou de la somme globale, ou investissement dans l’infrastructure (ponts, routes, ports, aéroports, énergie etc...) ; remboursement à un régime corrompu, dictatorial, déprédateur ou aux organisations paysannes, populaires, progressistes haïtiennes sur le terrain déjà engagées dans la construction du pays ; ou toute autre solution appropriée. »
En effet, les questions soulevées par Franck Laraque quant à la configuration du remboursement, sitôt assurés le consentement par la France de la juste valeur de la réclamation et sa disposition à s’en acquitter, s’avèreront très importantes, car cette configuration pourrait prendre des formes non nécessairement profitables au pays. Sitôt réglée la question de la représentation de l’instance habilitée à recevoir le remboursement (je pense personellement qu’il doit être une question de gouvernement à gouvernement), on peut imaginer plusieurs options.
Je suis, pour ma part, favorable à une option qui mette l’emphase sur l’infrastructure, étant donné l’impact néfaste que le paiement de l’indemnité a eu sur le développement de l’infrastructure, partant sur le développement d’Haïti. Naturellement, dans le cas d’Haïti, on ne peut pas parler de l’infrastructure sans adresser le problème de la dégradation de l’environnement écologique. Le remboursement par la France peut prendre donc la forme de financement (et de partage d’expertise) dans la construction de ponts, routes, ports, aéroports, écoles, et dans la préservation/conservation de l’environnement, dans la reforestation, dans la protection des rivières, des plages, etc. On peut aussi, à la limite, accepter le remboursement en raison de la formule 50/50 échelonnée sur plusieurs années : 50% en liquidités et 50% en financement des projets infrastructurels.

La dette étatsunienne

À la suite de l’occupation étatsunienne d’Haïti en 1915, le service de la dette de l’indemnité était transféré à la National City Bank of New York, une banque américaine (rebaptisée aujourd’hui Citi Bank). Bien entendu cette banque pillait jusqu’aux os le Trésor haïtien, protégée par la baïonnette des marines. En fait, le contrôle du Trésor haïtien par les Étatsuniens précédait de cinq ans l’occupation militaire d’Haïti quand la Banque Nationale d’Haïti fut remplacée par la Banque Nationale de la République d’Haïti, une banque contrôlée par la National City Bank. Craignant la menace que faisait peser l’instabilité politique sur la bonne marche de son capital, la National City Bank faisait tout pour contrôler totalement la douane et la finance haïtiennes, y compris un raid armé en décembre 1914 par les marines étatsuniens sur la Banque Nationale de la République d’Haïti, emportant plus d’un demi-million de dollars US qui furent déposés directement à la National City Bank de New York. La subséquente occupation de juillet 1915, décidée par l’administration de Woodrow Wilson, était déterminée pour une grande part par ces intérêts économiques.
Ce sera une autre histoire et tout un autre ordre de réclamation que celle touchant à la dette des États-Unis envers Haïti, non seulement la dette morale pour avoir participé militairement et aidé à leur indépendance et pour leur avoir favorisé, par l’achat de la Louisiane, de l’acquisition de plus du double de leur superficie de l’époque, mais aussi la dette en valeur monétaire de leur pillage d’Haïti de 1910 à 1947, date du dernier versement de l’indemnité. Il y a aussi la dette de la destruction de l’agriculture haïtienne par l’acquisition manipulatoire des terres arables et leur affectation à l’exploitation exclusive du sisal et de la canne à sucre, le remplacement des cochons noirs et marrons par les cochons blancs, le riz local par le riz étatsunien fédéralement subventionné, donc rivalisant à peu de frais avec la production locale. Il y a surtout la dette quant à la réparation qui est due à Haïti pour les massacres des résistants et des civils haïtiens durant l’occupation qui dure de 1915 à 1934, mais qui continue voilée dans la complicité avec les dictateurs cruels, servants de l’oligarchie, la permissivité envers la bourgeoisie parasite et déprédatrice qui écorche le pays à vif. Il est vrai que beaucoup de courageux Étatsuniens ont reconnu ces dettes et sont solidaires de l’aspiration d’Haïti pour la justice et l’autodétermination nationale, mais il faut que le gouvernement étatsunien lui-même les reconnaisse, non seulement sous les traits de regrets de crocodile d’un ancien président, mais par des actions de solidarité pratiques de la part de la présente — ou de toute prochaine — administration étatsunienne.

Le recours et l’application de la justice sont possibles

Contrairement aux propos désobligeants des hommes comme Gérard Latortue qui qualifient la demande de restitution d’Aristide d’ « illégale » — ou d’« inappropriée » dans le cas de Depestre », cette revendication est juridiquement fondée dans la doctrine du droit européen appelée « l’enrichissement injuste » en vigueur depuis le début du XVIIIe siècle.
L’article d’Anthony D. Phillips — « Haiti’s Independence Debt and Prospects for Restitution » — est divisé en deux parties, la première est une narration historique de l’indemnité, particulièrement son rapport génésiaque avec à la fois la crise endémique, l’endettement et la dépendance qu’il nourrit, l’état de pauvreté continuel, la reproduction de l’autoritarisme et de l’autodestruction. Il ne l’a pas dit en ces termes précisément, mais on voit bien, à le lire, que tout revient à cette méchanceté originelle. La deuxième partie touche à la réclamation de restitution selon un empirisme légal fondé sur les torts réels causés et les recours possibles pour appliquer la restitution et obtenir satisfaction.
Parmi les procédés possibles, il y a bien sûr la reprise de la demande de restitution par un nouveau gouvernement haïtien, secondée (ou incitée) par une pression publique insoutenable (comme par exemple le canular lui-même, la pétition des intellectuels à Sarkozy, la clameur publique, etc.). Il y a aussi l’option qu’ont toujours les individus, citoyens civils haïtiens, d’appeler en justice l’État français (pour les torts causés à leurs ancêtres et dont ils continuent à souffrir les conséquences), selon la doctrine de l’enrichissement injuste. Si on peut prouver qu’il y avait « transfert de richesse » obtenu par l’extorsion ou la violence physique, et qui, de plus, a causé des torts et aggravations chez des plaignants, cette doctrine légale appelle à restitution ou « redressement ». Des descendants d’esclaves noirs étatsuniens et descendants des victimes de l’holocauste se sont servis de cette doctrine légale pour appeler en justice des compagnies profiteuses de l’esclavage, ou, dans le cas des Juifs, les États allemand et suisse, pour exactions contre leurs congénères durant la Deuxième guerre mondiale. Anthony Phillips l’a bien rappelé : « Le transfert des richesses de Haïti à la France et de Haïti aux différentes banques qui finançaient la dette de l’Indépendance est bien établi. Des réclamations détaillées, soumises par des anciens possédants d’esclaves pour compensation, y compris la valeur monétaire de la ‘‘perte’’ des esclaves, et formant le fondement pour la demande du gouvernement français, sont documentées. De même, les termes de l’ordonnance de 1825 et les comptes-rendus des négociations ont survécu. Le gouvernement français a reconnu avoir reçu le paiement de 90 000 000 de francs or. L’histoire du premier paiement — 24 000 000 de francs or —, transporté à travers Paris, sortant des coffres de Ternaux Grandolphe et Compagnie pour être déposé aux coffres du Trésor français, est enregistrée ». [8]
Bref, il existe d’amples documentations historiques qui témoignent, détails à l’appui, de l’application systématique de l’escroquerie française à l’encontre d’Haïti, handicapant ainsi structurellement, puisque faite sur un plan continu, répété et s’allongeant sur plusieurs générations, le projet de développement économique d’Haïti. La France doit restituer cet argent. C’est une question de décence et de justice. Le canular sur la restitution a invoqué les terribles dommages causés par le tremblement de terre du 12 janvier 2010 en Haïti comme justification morale de la décision prise par la France pour rembourser la rançon de l’indemnité. C’est en effet une très noble justification, étant donné l’état mille fois déplorable où se trouve le pays suite à ce désastre. La France est un pays très riche dont une bonne part de la richesse est tirée de l’exploitation de ses anciennes colonies, y compris Saint Domingue. Rembourser à Haïti cet argent, c’est faire oeuvre à la fois de magnanimité et de justice — quelque tardive qu’elle soit.

Boston août 2010

* Rédacteur-en-chef de la revue Tanbou — www.tanbou.com

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NOTES



[1] Cf. René Depestre, Encore une mer à traverser, Éditions Table Ronde, 2005

[2] Cf. Tontongi, Critique de la francophonie haïtienne, éd. l’Harmattan, Paris, 2008. Lire en particulier les chapitres « Quand "l’instruction musclée" mène au panégyrique autocolonialiste » et « Régis Debray ou le détour déboussolé ». « Depestre présente l’accord sur l’indemnité non pas comme une imposition impérialiste mais comme une manœuvre stratégique de la part des dirigeants haïtiens "de négocier, après coup, une indépendance déjà conquise héroïquement sur les champs de bataille. (…) D’où, pour sortir du ghetto international, en 1825, la décision d’indemniser, à la hauteur de 150 millions de francs or, les colons qui avaient perdu tous leurs biens dans une tourmente qui avait duré douze ans, de 1791 à 1804". On sentait des larmes couler de ses yeux pour cette grande injustice faite aux colons français ! » [R. Depestre, Encore une mer à traverser].

[3] « Francis Saint-Hubert conteste la prétention de Gérard Latortue d’abandonner la demande haïtienne de restitution de l’indemnité de l’indépendance extorquée par la France ». « [En tant qu’économiste, Monsieur le Premier Ministre, vous savez certainement que la valeur actuelle d’un investissement dépend de deux facteurs : le taux d’intérêt et le temps considérés. À lui seul et à 5% d’intérêt, l’investissement du premier versement de 5 millions de dollars, payé à la France en décembre 1825, rapporterait à Haïti en 2004 (soit 179 ans plus tard) plus de 30 milliards de dollars US ! Cette valeur est donc moins "onirique" que pense M Debray.] » http://haitiechanges.free.fr/diplof...

[4] Ibid...

[5] Pour une analyse plus détaillée de la question de la dette d’Indépendance d’Haïti et la demande de restitution, il faut lire l’excellent article d’Anthony D. Phillips « Haiti’s Independence Debt and Prospects for Restitution ». On peut le trouver sur le site de l’organisation Institute For Justice and Democracy in Haiti : http://ijdh.org/wordpress/wpcontent...

[6] Ibid... Notre traduction de l’anglais.

[7] Ibid... Notre traduction de l’anglais.

[8] Ibid... Notre traduction de l’anglais.


http://www.alterpresse.org/spip.php?article9913

Commentaire
Je crois qu'il est temps qu'un débat national sérieux ait lieu à ce sujet où chacun, comme dans tout ce qui intéresse Haïti, fait montre d'une expertise qui va toujours contre les intérêts du plus faible. Si Aristide lui-même n'avait fait preuve d'un exclusivisme proche de la cécité, bien des choses seraient arrivées après avoir initié cette demande de restitution.En attendant, ni Latortue, ni Depestre n'ont rendu service au pays par leur attitude. Quel dommage!

Haïti-Elections

Chavannes Jeune (ACCRAH) et Jean Nazaire Thidé (RANFO-KPRA) aux antipodes concernant les rencontres de Préval avec les candidats
Démarche positive, selon Jeune ; du « bluff », d’après Thidé
dimanche 29 août 2010,

Radio Kiskeya

Le pasteur Chavannes Jeune, candidat à la présidence sous la bannière de l’Alliance Chrétienne et Citoyenne pour la Reconstruction d’Haïti (ACCRAH), a encouragé samedi le chef de l’Etat, René Préval, à poursuivre la démarche qu’il a initiée de discuter avec les candidats à la présidence en rencontrant la veille, en leur résidence en Plaine, l’ancien président Leslie François Manigat et son épouse, Mirlande Hyppolite Manigat, candidate à la présidence du Rassemblement des Démocrates Nationaux Progressistes (RDNP).
M. Jeune se déclare disponible et même désireux de prendre part à cette initiative, dans le but de pouvoir discuter avec le chef de l’Etat des problèmes affectant le processus électoral.
A l’opposé du candidat de ACCRAH, l’un des dirigeants de RANFO et responsable de la plateforme politique « Konbit Pou Refè Ayiti » (KPRA), Jean Nazaire Thidé, déclare ne voir que du bluff dans la démarche entreprise par le président Préval. Il rapproche cette démarche de celle par laquelle, dit-il, Wyclef Jean s’est fait avoir quand il a été reçu par le chef de l’Etat quelques heures avant d’être exclu de la course à la présidence.
Jean Nazaire Thidé en a profité pour dénoncer le Conseil Electoral Provisoire (CEP) pour sa menace de sanction contre le président du Bureau Electoral Départemental (BED) de l’Ouest 1, Jaccillon Barthélémy, en réaction contre le fait par ce dernier d’avoir entendu la semaine dernière la candidate exclue de la course à la présidence, Claire Lydie Parent. Celle-ci maintient sa demande de réintégration dans le processus, déclare le responsable de « Konbit pou Refè Ayiti » sous la bannière duquel Mme Parent brigue la présidence. [jmd/Radio Kiskeya]
http://www.radiokiskeya.com/spip.php?article6991

Commentaire
C'est tres positif, nous l'avons déjà fait remarquer, que le président René Préval prenne contact avec les autres politiciens du pays. Il a surtout intérêt à le faire avec ceux qui, comme lui, risquent d'avoir à diriger le pays à l'issue des prochaines élections. Evidemment cela ne signifie nullement que les autres doivent être écartés. En tout cas, le pays est fatigué de ces gouvernements unipersonnels qui se croient dotés d'un pouvoir dont le détenteur se croie omniscient et omnipotent, capable de tout faire sans avoir besoin des autres.

Haïti-Arts : Prochain dévoilement à Québec d’une statue en bronze de Toussaint Louverture

dimanche 29 août 2010

P-au-P, 29 août 2010 [AlterPresse]--- Une statue en bronze, représentant Toussaint Louverture, l’ancien esclave noir précurseur de l’indépendance d’Haïti, sera dévoilée le mercredi 8 septembre 2010, au cours d’une cérémonie officielle au Parc de l’Amérique latine au Québec (en arrière du Palais de Justice), apprend l’agence en ligne AlterPresse.

“C’est à l’occasion du bicentenaire [le 1er janvier 2004] de l’indépendance d’Haïti que l’association haïtienne de Québec (Ahq) avait fait cette offre à la ville, via la commission de la capitale nationale du Québec”, souligne l’Ahq dans une note transmise à AlterPresse.

Le projet de don, à la ville de Québec, de cette statue en bronze de Toussaint Louverture [ de 2.50 m de hauteur], réalisée par Anioclès Grégoire, un sculpteur d’origine haïtienne vivant à Montréal, a pris du temps à se concrétiser.

Une activité culturelle haïtienne devra suivre la cérémonie officielle de dévoilement, le 8 septembre prochain, de la statue en bronze de Toussaint Louverture, annonce l’association haïtienne de Québec. [rc apr 29/08/2010 0:00]

http://www.alterpresse.org/spip.php?article9911

Commentaire
Qu'une initiative destinée à faire connaitre Toussaint Louverture aux jeunes d'origine haïtienne soit prise aussi dans ce même contexte. Ce serait tellement utile! Il y va de la découverte de leur propre identité !

Le Président équatorien arrive lundi à Port-au-Prince

Le Président équatorien arrive lundi à Port-au-Prince
Qualifiant de "grande" la contribution post-séisme de Quito, Rafael Correa doit se pencher sur la coordination de l’assistance de son pays et de l’UNASUR à Haïti

samedi 28 août 2010,

Radio Kiskeya

Le Président équatorien Rafael Correa, également président par intérim de l’Union des nations sud-américaines, a confirmé samedi qu’il effectuera lundi et mardi une visite en Haïti consacrée à la coordination de l’aide de Quito et de l’UNASUR à notre pays dévasté par le violent séisme du 12 janvier.
Dans son programme radiophonique hebdomadaire, le chef de l’Etat a précisé qu’il s’envolera lundi soir pour Port-au-Prince où il passera toute la journée de mardi.
"Quel orgueil... aider les plus pauvres dans notre pauvreté, être capable de se montrer solidaires dans la tragédie", a déclaré Rafael Correa dont les propos ont été relayés par l’agence espagnole EFE.
Parlant de l’implication de son pays dans des travaux d’infrastructure sous l’autorité de l’Exécutif haïtien, le dirigeant socialiste a qualifié l’envoi, ces derniers mois, de 70 officiers du corps équatorien de génie militaire de "grande aide" au gouvernement du Président René Préval.
C’est comme s’il disposait d’un "nouveau ministère des travaux publics" dont les interventions se concentrent dans une "région-clé pour la sécurité alimentaire d’Haïti", a conclu le Président.
Durant son séjour dans la capitale haïtienne, M. Correa aura des entretiens notamment avec son homologue René Préval et les membres du corps des ingénieurs de l’armée équatorienne.
Sous l’impulsion du Président vénézuélien Hugo Chàvez, les douze pays membres de l’UNASUR ont constitué un fonds d’aide à la reconstruction de 100 milions de dollars en faveur d’Haïti où le tremblement de terre a fait 300.000 morts, 300.000 blessés, 1,5 million de sans-abri outre d’énormes dégâts économiques et infrastructurels. spp/Radio Kiskeya

http://www.radiokiskeya.com/spip.php?article6988

Commentaire
Il est bon qu'Haïti entretienne de bonnes relations avec ses voisins latino-américains. Ce sont les plus proches et ils ont été les premiers à se manifester, à être, pour le dire d'une certaine façon, au chevet des mourants après les dévastations causées par le séisme du 12 janvier.

René Préval reçu chez les Manigat

Le chef de l’Etat, qui se dit "neutre" dans la course électorale, a pris l’initiative de rencontrer pour la première fois l’ex-Président Leslie Manigat et son épouse Mirlande Manigat, candidate à la présidence, "officiellement" en vue de présenter la situation du pays avant les élections

samedi 28 août 2010,

Radio Kiskeya

Le Président René Préval a eu vendredi soir des discussions sur la situation du pays et le processus électoral avec la candidate à la présidence du Rassemblement des démocrates nationaux progressistes (RDNP), Mirlande Hyppolite Manigat, et son époux, l’ancien Président Leslie Manigat (fév-juin 1988), lors d’une visite en leur résidence.
Les problèmes liés aux prochaines élections et les grands dossiers de l’Etat étaient au menu de cette réunion à trois longue de trois heures, a fait savoir Madame Manigat à Radio Kiskeya dans ses considérations sur cette initiative du Président qui visait à exposer l’Etat de la nation à celle qui fait partie de ses successeurs potentiels.
Elle précise que face à sa décision de décliner une invitation à aller au Palais National (siège de la Présidence), le chef de l’Etat a utilisé les bons offices d’un "ami commun" pour se rendre chez elle en Plaine (nord de Port-au-Prince).
"Il s’agissait d’une rencontre politique, très cordiale, chaleureuse à un certain moment, sérieuse, avec des discussions franches qui se sont déroulées dans le respect mutuel", s’est bornée à dire la secrétaire générale du RDNP qui a refusé de réveler dans les détails le contenu de la conversation.
Mettant l’accent sur le fait que pour son premier tête-à-tête avec le professeur Leslie Manigat, son prédécesseur et rival direct aux présidentielles de 2006, M. Préval était visiblement "content", Mirlande Manigat note que le dialogue s’est situé à un "certain niveau" où chacun a pu soutenir son point de vue.
La dirigeante démocrate-chrétienne souligne avoir fait part au chef de l’Etat de ses critiques, déjà exprimées publiquement, sur la dépendance présumée du Conseil électoral provisoire vis-à-vis du pouvoir et sa décision de valider, en violation de la constitution, la candidature d’anciens hauts responsables de l’Etat n’ayant pas reçu décharge de leur gestion.
René Préval a quant à lui revendiqué la neutralité de l’Exécutif dans le processus électoral, se défendant notamment d’avoir été à l’origine du communiqué #16 du CEP qui a consacré la mise en veilleuse de l’article 233 de la loi mère relative à la décharge.
La professeure Manigat croit que sa rencontre avec le chef de l’Exécutif n’avait pas les "mêmes objectifs" que celle que René Préval avait eue, il y a une semaine, avec Wyclef Jean tout juste avant l’exclusion de ce dernier de la course électorale pour déficit de résidence.
Passé depuis à l’opposition, le célèbre musicien de hip-hop a, dans une chanson polémique mise en circulation, contre-attaqué en dénonçant "l’hypocrisie" de Préval qui aurait dicté sa mise à l’écart à des conseillers électoraux soumis bons pour être "emprisonnés".
Par ailleurs, le leader du RDNP n’était pas en mesure de confirmer l’intention de son interlocuteur -chef suprême de la plateforme INITE- de s’entretenir de la situation post-séisme du pays avec les autres candidats à la présidence.
En visite à Port-au-Prince, le Secrétaire général de l’OEA, José Miguel Insulza, avait confié vendredi que le chef de l’Etat prévoyait de faire le point sur l’état d’avancement du processus de reconstruction avec les 19 personnalités en lice pour les élections du 28 novembre sur lesquelles continuent de planer plusieurs inconnues.
Constitutionnaliste, vice-rectrice de l’université privée Quisqueya et ancienne Sénatrice en 1988, Mirlande Manigat s’était retirée des sénatoriales de 2006 à la suite de la défaite aux présidentielles de son mari que celui-ci avait vivement contestée tout en réclamant son droit à un "second tour pédagogique" contre Préval alors déclaré vainqueur au premier tour sans avoir franchi la barre de 50% des voix. spp/Radio Kiskeya

http://www.radiokiskeya.com/spip.php?article6987

Commentaire

Voila René Préval qui essaie tant bien que mal de faire de la politique! C'est l'un des rares signes positifs de son gouvernement. Que ce geste s'inscrive dans un ensemble de consultations nécessaires pour donner aux différents membres de l'opposition cette responsabilité de prendre part, ne serait-ce qu'indirectement a cette reconstruction qui doit être d'abord, de mentalité, d'attitude. La construction des infrastructures n'est qu'une conséquence. Autrement, c'est un inutile gaspillage d'énergie. D'ailleurs, on ne peut pas se le cacher, qu'on le veuille ou non, Leslie Manigat est le plus brillant politologue haïtien de l'heure.

Pluie de dons pour ONE DROP

(Québec) Le pdg du Cirque du Soleil, Guy Laliberté, n'oublie pas sa ville natale et, hier, Québec lui a montré qu'elle ne l'oubliait pas non plus alors que la soirée-bénéfice pour la fondation ONE DROP, à l'occasion de l'avant-dernière présentation du spectacle TOTEM dans le Vieux-Port, a permis d'amasser 820 000 $ pour l'association caritative.

«C'est ici que je suis né, c'est ici que j'ai travaillé fort au cours des premières années, ça fait toujours plaisir de voir que Québec soutient encore les causes qui me tiennent à coeur», a déclaré l'homme d'affaires peu de temps avant que son partenaire et président d'honneur de la soirée, le metteur en scène Robert Lepage, ne dévoile le montant recueilli.

En entrevue au Soleil, Guy Laliberté s'est dit heureux de pouvoir être présent dans la capitale cette année alors que l'an dernier, il préparait son voyage dans l'espace. «Je n'ai pas pu être là l'an passé, je m'étais adressé aux gens par vidéo. Je suis content de pouvoir souligner deux grandes années de levées de fonds à Québec», a-t-il déclaré.

Il a ajouté que sa jeune fondation avait grandement bénéficié de sa très médiatisée épopée spatiale à bord du vaisseau Soyouz TMA-16. «Ça a vraiment eu un gros impact à l'international. Au Québec, à la limite ça a quasiment été de la surexposition, mais c'était nécessaire pour nous faire connaître dans les grandes capitales du monde.»


Robert Lepage, créateur et metteur en scène de TOTEM, était heureux de s'associer à la soirée, qui permettait aussi de recueillir du financement pour le Centre résidentiel et communautaire Jacques-Cartier, qui aide les jeunes en situation difficile à reprendre leur place dans la société.

«Nous avons amassé 820 000 $ et on me dit que dans la région de Québec, jamais une oeuvre caritative n'a amassé autant à travers les années. Pour moi, c'est important d'avoir une compassion locale et une préoccupation universelle», a-t-il expliqué.

La directrice générale de la fondation ONE DROP, Lili Anna Peresa, a expliqué que la somme recueillie à Québec s'ajoutait à un montant de 1 million $ obtenu lors d'une activité de financement à Montréal et à un don de 1 million $ du Groupe financier RBC.

Pour Haïti

«Ce sont donc entre 2,5 et 3 millions $ qui serviront à financer le projet de ONE DROP en Haïti, plus précisément à Léogâne, où se trouvait l'épicentre du séisme du 12 janvier. Nous sommes actuellement en phase de planification, mais les opérations sur le terrain débuteront en septembre», indique-t-elle. ONE DROP aidera la communauté de Léogâne, qui compte 100 000habitants et dont 90 % des infrastructures ont été détruites, en creusant des puits, mais aussi en fournissant des filtres pour procurer une eau de qualité, en installant des toilettes et des latrines et en mettant en place un système de captation de l'eau de pluie qui permettra d'arroser des jardins.
http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/actualites/societe/201008/28/01-4310684-pluie-de-dons-pour-one-drop.php

Commentaire
M. Guy Laliberté, cet homme d’affaires québécois, propriétaire du Cirque du Soleil, n'en est pas à sa première expérience dans l'aide qu'il apporte à ceux qui sont dans le besoin. C’est pour ainsi dire, un vétéran des missions humanitaires, dans son pays ici au Canada et ailleurs. Ce n'est pas pour rien qu'il est connu et respecté sur toute la planète. Il fait partie de ceux qui aident sans se demander qui bénéficie et où. Que ceux qui le peuvent continuent de coopérer avec lui pour faire avancer une cause aussi noble! La population démunie d’Haïti en sait quelque chose.

Jacques Edouard Alexis, le battant

Il y a ceux qui cherchent à éviter les chutes et ceux qui se relèvent toujours. Jacques Edouard Alexis est de cette deuxième catégorie. Il va au front et, victoire ou défaite, se remet debout pour partir à la conquête de nouveaux défis. Sa dernière bataille en date fut face à la troupe des mammouths de la plateforme présidentielle INITE. Il en était le candidat naturel depuis cinq ans. Depuis que, chef de la campagne présidentielle de René Préval en 2005-2006, il a conduit à la victoire le candidat dont il était le Premier ministre lors de son premier mandat. Quand le 3 août, après moult hésitations, la plateforme le déclare le candidat de INITE, Alexis croit qu'une longue bataille s'achève. Il se trompe. La lettre de confirmation de son statut ne lui est pas acheminée. Il attend un jour, deux, et comprend encore une fois qu'il s'est fait avoir en douceur. D'une manoeuvre rapide, il se trouve un allié, le MPH de Samir Mourra. Le 6 août, en réunion au Palais national, quand on lui signifie qu'un autre choix a été fait, il a déjà d'autres cartes en main. Le 7 août, il se présente au CEP et dépose sa candidature. Il faut savoir se relever pour survivre à une telle semaine. Alexis, le maître à penser du projet qui donna naissance à l'Université Quisqueya, est un battant. Portrait.



Haïti: C'est un sexagénaire décidé qui fend la foule des anonymes qui se lamentent le long de l'avenue Jean Paul II ce 12 janvier, quelques heures après le tremblement de terre. A pied, concentré, concerné, Jacques Edouard Alexis se dirige vers les locaux de l'Université Quisqueya au haut de Turgeau. Le complexe inauguré en décembre 2009 s'est écroulé. Il y a des étudiants sous les décombres, rapporte les premières nouvelles. L'ancien recteur se porte à leur secours. Il restera sur place des heures. Le fruit de vingt ans d'efforts qui viennent de se réduire en poussière ne démoralise pas Alexis. L'homme des Gonaïves a l'habitude des coups durs. Un parent qui le croise cet après-midi de janvier n'ose pas lui demander des nouvelles. La mâchoire serrée, les yeux fixés vers l'avant, Alexis ne voit personne. Il veut aller retrouver ses étudiants. Faire son devoir de père (il a cinq enfants), d'éducateur, de responsable. Dans tous les combats de sa vie publique, on le retrouve toujours ainsi : déterminé et prêt à affronter le pire.


Né aux Gonaïves le 21 septembre 1947, d'un père Gonaïvien qui vient de Trois-Ponts, à l'entrée de la ville et d'une mère née près de Terre-Neuve, à Dambi, le petit Alexis est l'aîné d'une famille de huit enfants. De 1952 à 1959, ses études primaires se déroulent chez les Frères de l'Instruction Chrétienne puis au Lycée Fabre Geffrard des Gonaïves jusqu'à la classe de seconde. Il entre à Port-au-Prince pour faire sa classe de rhétorique au Lycée Anténor Firmin et sa philosophie au Lycée Toussaint Louverture.
Son enfance n'est pas rose, mais quand même joyeuse au milieu des siens. Il y a peu à la maison, mais tout le monde partage. Cela épargne du sentiment de privation. Sa mère est toujours présente et son père gagne le pain de la famille en travaillant.
Nous sommes en août 1967, ses études classiques terminées, la famille entreprend des démarches pour l'envoyer en Espagne à l'Université de Séville où il a un demi-frère. Son rêve est de devenir médecin quand son père est victime d'un grave accident dans les mines de la Sedren où il travaille.
Dans la famille, on pense qu'Alexis père n'y survivra pas. « J'ai dû renoncer aux études en Espagne ; la petite économie de la famille n'allait pas pouvoir tenir le coup », explique Jacques Edouard dans son bureau du Centre National de Recherche et de Formation (Cenaref) où il reçoit l'équipe du Nouvelliste.
Ce départ raté pour l'Europe est le premier coup dur de sa vie de jeune homme. Mais ses peines ne font que débuter.
Pour devenir docteur, il s'inscrit à la faculté de Médecine. Premier de classe, Jacques Edouard prépare avec sérieux le concours d'admission à cette prestigieuse faculté. La médecine est au plus haut sur l'échelle sociale. Pour la première fois dans l'histoire du pays, un médecin, François Duvalier, est président de la République. Président à vie de surcroît.
Mais entrer en fac n'est pas une affaire de qualification au pays de Papa Doc. Alexis connaît le premier échec scolaire de sa vie. « J'étais toujours lauréat au primaire et au secondaire. A la proclamation des résultats, je suis le premier recalé de la liste. C'est ma première expérience personnelle d'injustice politique car, après les résultats, on a continué à prendre des étudiants qui étaient en dessous de mon nom dans la liste publiée. »
« On est au temps de François Duvalier, et il y a des injustices politiques et des injustices sociales quotidiennement ; on vivait avec. Mais, pour moi, le comble fut de découvrir que cela se passait aussi à l'école. Il fallait avoir un parrain pour entrer en faculté comme ailleurs. Mon père avait refusé d'envoyer une demande de support à Zachary Delva, puissant chef macoute, qui était son condisciple chez les Frères. »
Quand il se remémore sa débâcle à la faculté de Médecine, Alexis se demande encore si la seule question qu'on lui avait posée qui ne fut pas en rapport avec l'examen n'a pas été l'élément déterminant dans sa chute. "Etes-vous parent de Jacques Stephen Alexis ?", « Je répondis oui, il est le grand cousin de mon père ». A l'époque, le grand écrivain, quoique mort, est considéré comme la quintessence de l'opposant au régime de Duvalier.
Alexis, découragé, veut partir, fuir Haïti. Mais il n'a aucun diplôme pour mériter une bourse et pas les contacts adéquats pour sauter cette barrière. Il commence à dispenser des cours dans le secondaire tout en étant auditeur à la faculté de Droit et des Sciences économiques. Il doit surtout travailler pour subvenir aux besoins de sa famille. Son père toujours souffrant n'y parvient plus.
Les jours passent. Un ami de la famille l'incite à aller s'inscrire pour le concours de la faculté d'Agronomie. Sans motivation, en dépit des incitations de Valdec Démétrius, il y va. Les agronomes à l'époque étaient logés, nourris, blanchis et instruits sur le campus de la faculté à Damien. C'est la seule perspective qui sourit au jeune Alexis. Vivre à Port-au-Prince lui serait moins pénible.
Les examens sont un jeu d'enfant pour ce professeur de mathématiques, de physique et de chimie. On recrute 20 étudiants. C'est la première promotion du doyen Louis Blanchet, le premier qui décida que la faculté d'Agronomie devait recruter sérieusement et sans parrainage ses futurs étudiants. Alexis se classe 15e au concours.
Il apprit de cette affaire qu'il y a toujours moyen de lutter contre l'inacceptable et qu'il faut savoir faire face aux injustices et aux persécutions.
Alexis enchaîne les bons résultats. « J'ai toujours été lauréat. En fin de deuxième année, le doyen Blanchet m'indiqua que j'allais devenir un auxiliaire d'enseignement, un assistant professeur. »
Ces années à la fac sont de belles années. Après 4 ans d'études, les agronomes devaient servir pendant 2 ans dans un service public décidé par l'État. Le jeune agronome le fit et intégra ensuite le groupe qui, mis sur pied par Blanchet, préparait la relève professorale. « On jouait pour l'avenir, cela me plut », raconte Alexis.
« En 1973, ingénieur-agronome diplômé, j'avais le choix entre deux bourses, l'une pour la France, l'autre pour le Canada. J'ai opté pour Frédérica, ma femme, qui s'en allait au Canada. Je pars en qualité de boursier de l'Agence canadienne de développement international (ACDI) dans le cadre du programme d'appui institutionnel de la Faculté, à l'Université Laval de Québec, où j'obtins avec mention en 1979 une maîtrise en science et technologie des aliments. J'aurais pu rester pour le doctorat. Blanchet nous suivait et espérait que je revienne enseigner en Haïti. Le Dr Georges Cadet allait prendre sa retraite et Blanchet m'a dit d'être là avant le 1er janvier 1979 pour venir le remplacer. C'est ainsi que je revins en Haïti le 31 décembre 1978 pour enseigner à la rentrée de janvier à la faculté d'Agronomie. J'y ai fait une carrière très intéressante. » Continuer >





Le doyen Louis Blanchet, après quelque temps, le proposa pour être vice-doyen aux affaires académiques. Le ministre de tutelle à l'époque refusa. Alexis est trop jeune. Blanchet en fit toutefois son directeur des études avec le même salaire et les mêmes privilèges. De 1979 à 1987, Alexis occupa successivement les postes de Directeur du Département des sciences de base et technologie, de Directeur des études, de Vice-Doyen aux affaires académiques et de Doyen de la Faculté d'Agronomie et de Médecine vétérinaire.
En poste, proche des étudiants de par sa fonction, Alexis vit le drame du 28 novembre 1980, le jour de l'arrestation par le régime Duvalier de plusieurs militants pour la démocratie, comme un événement majeur de sa vie de responsable. Les étudiants de Damien réagissent, et il faut apaiser le courroux des barons du régime qui estiment qu'ils ne sont pas bien tenus. Blanchet - encore lui - duvaliériste de la première heure, et dont la fille est signataire d'une pétition contre les arrestations, lui sauve la mise.
La partie académique de la carrière d'Alexis est un cadeau du ciel grâce à ce doyen, qui n'a jamais été professeur de faculté, mais qui veut aller vers l'excellence. Il favorise la vie étudiante ; la fac a des professeurs à plein temps ; il s'y développe des programmes de recherche scientifique. La formation des professeurs à l'étranger est un souci constant. « On préparait leur départ et leur accueil au retour », se souvient Alexis.
La qualité de l'enseignement dispensé à Damien est au top niveau. Des étudiants étrangers, Canadiens et Français en particulier, y séjournent et reçoivent équivalence dans leur pays. Damien se paie le luxe de publier une revue scientifique. Alexis en devient le doyen après un beau parcours et reste en poste jusqu'en 1987.
1987, c'est l'année de tous les dangers. La crise débute le jour où Roger Gaillard, recteur de l'Université d'Etat d'Haïti, veut faire participer des étudiants au Conseil de l'Université. Alexis, le plus jeune des doyens de fac, s'y oppose et objecte que cela ne se passe nulle part ailleurs ainsi. Les étudiants sont derrière la porte, l'entendent. Gaillard qui avait préparé son coup leur demande d'entrer dans la salle de séance. Alexis, le doyen progressiste et avant-gardiste, devient du jour au lendemain le mouton noir du monde estudiantin.
Mais, c'est à la faculté d'Agronomie que ça va se gâter. L'argent coule sur la fac, il y a des projets de recherche qui se multiplient. « Un professeur imite ma signature, prend un contrat et finit par me déclarer la guerre. En 1987, je quitte Damien. »
Alexis, dans son droit sur les deux fronts, s'écroule, emporté par la contestation des étudiants et l'ambition de ses pairs. Ce n'est pas la dernière fois que cela lui arrivera...
« Je pars pour le Canada pour des vacances. Un jour, à mon retour, l'IICA m'appelle et me propose de venir m'installer en ses locaux. On m'offre un bureau avec secrétaire. C'est là qu'avec Azael, Lionel Richard, Paul St Hilaire que commence l'aventure de l'Université Quisqueya.
L'équipe de départ fait appel à d'autres cadres de l'extérieur Antoine, Jean Moisset, Laennec Hurbon, Gérard Bissainthe (qui s'est séparé de nous depuis), furent du 1er groupe. Le projet Quisqueya prend trois ans pour voir le jour. En 1990, on lance deux facultés. »
L'universitaire perce définitivement. Ce « Commandeur dans l'Ordre des Palmes Académiques », décoration du gouvernement Français, se précise dans son destin d'éducateur émérite. Alexis dirige Quisqueya pendant 5 ans et demi. Le projet peine. Le coup d'État de 1991 dérange tous les plans. Le projet n'a pas d'argent, peu d'étudiants, pas de support. C'est alors qu'Educat, un regroupement d'entrepreneurs privés qui croient en une éducation de qualité, arrive dans le décor avec des fonds frais et une ambition nouvelle.
« A un certain moment, après 14 mois de négociations, j'ai dû faire jouer tout mon leadership pour que la collaboration commence entre des éducateurs et des entrepreneurs. Cela tomba à point. L'université jouait alors sa survie. Aujourd'hui, l'Université Quisqueya est un havre du savoir, une institution au service de la communauté. Il y a la pluralité politique et d'opinions. Aucun des membres fondateurs ne dirige Quisqueya. C'était ça l'idée de départ : nous sommes maîtres de l'idée, pas de l'oeuvre », insiste Jacques Edouard Alexis.
Le doyen fougueux ne sait pas quand la politique a croisé son parcours, mais se rappelle que dès 1986 on lui proposait d'être ministre.
« J'étais jeune doyen et je n'ai pas accepté. J'ai eu à refuser à chaque fois après. J'ai dit oui seulement en 1996 pour devenir ministre de l'Éducation nationale, choisi par René Préval. À la chute de Rosny Smarth, Préval me propose de devenir son Premier ministre. J'ai dit non. Une fois, deux fois, puis j'ai dit oui. Mes problèmes ont commencé quand il a fallu monter l'équipe gouvernementale. Les demandes des partis qui ont concouru à la montée du gouvernement explosaient. »
De ses deux expériences avec Préval, Alexis, qui n'est pas réputé un lavalassien, se révèle un ministre courageux et un Premier ministre correct. Il reste en poste jusqu'au départ de Préval de la présidence.
Après l'expérience politique, il retourne à Quisqueya pour servir. Il n'est pas recteur. « Je le redeviens après le départ de Paul St-Hilaire ».
Préval, à nouveau, l'appelle et, après trois mois, il laisse l'université pour aller diriger sa campagne présidentielle. « On gagne. Je deviens Premier ministre et cela finit le 12 avril 2008. »
Premier ministre, il le sera encore, et le 12 avril 2008, l'aventure s'achève par un vote de censure devant le Sénat de la République pendant que Port-au-Prince affronte des émeutes dites de la faim. Le président abandonne son Premier ministre à son destin. Préval fait le choix de rencontrer avec courtoisie à l'heure du calvaire de son Premier ministre, les importateurs de riz contre qui gronde le peuple. Alexis est mis K.O., lâché par Préval qui a, lui, d'autres visées. Cette chute spectaculaire n'abat pas Alexis qui se remet en ordre de bataille dès septembre de la même année et enfourche à nouveau le cheval de la politique...
« Bien avant mon départ de la primature, j'avais réuni un groupe d'amis pour monter un centre de réflexion sur les politiques publiques. Je m'étais rendu compte qu'il n'y a pas de formation des cadres et des militants des partis politiques en Haïti et qu'il faut y remédier », explique celui qui est avant tout un professeur d'université soucieux de comprendre et d'expliquer les causes et les effets.
« Il nous faut doter l'État d'outils modernes et structurés autour d'une vision globale. Je suis un serviteur de l'État. Cela a marqué ma vie et ma carrière. Il y a des choses à faire que nous n'avions pas les moyens et le temps de faire : voici pourquoi je suis candidat », estime Alexis, Coordonnateur Général du Centre National de Recherche et de Formation (CENAREF), qui croit en la nécessité de préparer la relève à tous les niveaux.
Le candidat propose déjà que l'Etat travaille à renforcer l'existence de quatre partis politiques et de créer un statut de l'opposition avec moyens et privilèges s'il arrive au timon des affaires.
Quand on lui demande quel est son principal défaut, Alexis confesse : « Je fais confiance d'abord ».
C'est ainsi qu'il s'est fait avoir par les madrés de INITE qui ont failli enterrer ses ambitions présidentielles. L'agronome qui s'est séparé de son père en politique, René Préval, avoue avoir rencontré le chef de l'Etat après ce fameux vendredi 6 août au palais national.
« Nous avons discuté de choses et d'autres, et je lui ai confié que Dieu seul et moi décideront dorénavant de mon avenir.»
Frantz Duval
duval@lenouvelliste.com


Frantz Duval
duval@lenouvelliste.com
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=82980&PubDate=2010-08-27

Commentaire

Haïti est un pays de contrasteS? Bien sur! Et, surtout, sous la forme choquante où nous présentons le mot ici. Cet Edouard Alexis, parent de l’éminent écrivain Jacques Stephen Alexis, abattu par Duvalier père, a fait ses preuves en tant qu'éducateur et politicien. On lui reproche moins d'avoir été un criminel que d'avoir appartenu à un clan (Lavalasse) qui en perpétrait. Naturellement, si Préval, malgré toute la nullité dont il a fait preuve comme dirigeant, comme président, ne peut pas être taxé de criminel, Jacques Edouard Alexis peut l'être moins. Or les deux ont travaillé pour le même régime avant de s'en éloigner. En plus, Alexis a pour lui, d'avoir toujours été considéré comme un passant, quelqu'un a qui il manquait de foi, de racine, dans le parti (encore Lavalasse), et c'est paradoxalement son meilleur capital politique pour l'avenir. Quand nous n'avons pas hésité à dire qu'il y a trois ou quatre candidats de cette immense liste qu'on nous met sous les yeux, je ne voulais pas mentionner de nom. Mais me voilà obligé d'admettre que dans ma tête, il s'y trouve. Les deux ou trois autres, appartiennent au résultat du raisonnement de tout un chacun. Pourvu qu'on pense sérieusement à l'avenir d'un pays que des parvenus politiques ont mis à genoux ( on les devinera avec une relative facilité). Nous en avons trop dit. Lisez plutôt le portrait qu'en a dressé le journal "Le Nouvelliste".

samedi 28 août 2010

UN GESTE QUI HONORERAIT NOS POLITICIENS ET CHANGERAIT LE VISAGE DEPRIMANT DE PORT-AU-PRINCE

RENOS DOSSOUS

Je viens juste de prendre connaissance de ce document fascinant grâce aux intéressantes colonnes de « Le Nouvelliste », mais je me suis laissé convaincre par ce plan qui semble sorti de cerveaux très équilibrés et fonctionnels. Ce qui est un virus qui n’affectent que de rares politiciens haïtiens. Est-ce qu’il n’y aurait aucun moyen de développer un tel projet sans le contaminer par l’intervention toujours inopportune des politiciens mentionnés dont seul un petit nombre honore ce titre ?
HABITAT HAITI 2004

"HABITAT HAÏTI 2004" Un modèle pragmatique pour le Port-au-Prince de demain
Zoning et infrastructures articulés pour un cadre de vie fonctionnel et harmonieux


Mesdames, messieurs, vous qui parlez d'absence de programme de gouvernement de nos partis politiques et qui avez raison, voyez-en un tout fait! Quel pays dirigé par des personnes décentes, quelle société civilisée ou désireuse de l'être, ne s'approprierait pas un tel projet, n'écouterait pas attentivement les concepteurs de ce plan d'urbanisme attrayant? C'est tout un programme de gouvernement! On devrait pardonner à un parti politique de s'approprier ce plan et de l'appliquer comme sien plutôt que de faire la sourde oreille face à une vraie possibilité de changement et de changement positif. Est-ce que ces ingénieurs et architectes qui ont eu l'intelligence d'élaborer un plan aussi positif n'ont pas eu la patience ou les arguments nécessaires pour convaincre des promoteurs solides économiquement et sérieux à y jeter un coup d'œil? En tout cas, le développement de plus d'un pays connu parmi nos voisins ne se passe pas autrement. C'est cette conjonction entre les planificateurs intelligents et les politiciens éclairés qui a mis la République Dominicaine où elle est, un véritable pôle touristique en Amérique Latine et dans les Caraïbes. C'est cette même aptitude à planifier et à faciliter les choses aux investisseurs consciencieux qui font du secteur touristique mexicain toute une institution et qui fonctionne malgré des difficultés locales d’un autre ordre. C'est aussi ce qui fait la force du secteur touristique d'un pays pourtant réputé fermé à cause de son système politique, Cuba. Ce pays dit communiste qui fournit des médecins à toute l'Amérique Latine dont Haïti (qui ne sait même pas les gérer), le Venezuela, entre autres. Qu'est-ce qui nous retient? Pourquoi cette lourdeur à réagir quand il s'agit de suivre les bons exemples? C’est le cas de ce plan intitulé « HAITI HABITAT 2004 ». Jusqu'à ce que quelqu’un nous convainque du contraire !
Lisez le document qui suit et n’hésitez pas à réagir !

"HABITAT HAÏTI 2004" Un modèle pragmatique pour le Port-au-Prince de demain

Haïti: En avril 2010, à la suite du tremblement de terre du 12 janvier, un arrêté présidentiel déclara d'utilité publique près de 7,000 hectares sis au nord-ouest de la capitale.
0n veut croire que cette mesure - qui se « légitimise » par le souci affiché d'établir un pôle de développement urbain harmonieux et de faciliter le relogement, selon les normes, d'une partie des sinistrés - n'aboutira pas à une de ces verrues, du genre Cité de Dieu ou Grand Ravine, qui galvaudent le front de mer, de beaux paysages de montagne et donnent de Port-au-Prince une indécrottable image de cloaque.
On veut le croire. Mais les faits se présentent pour justifier les appréhensions que la pratique urbanistique de ces dernières décennies fait monter à l'esprit.
Une « squattérisation » anarchique dans une partie de l'aire ciblée par l'arrêté vient, en effet, encore une fois, avilir un autre de nos sites qui, par sa configuration, sa position géographique semble naturellement s'offrir aux regards des planificateurs pour une implantation de nouveaux quartiers dans la région métropolitaine de Port-au-Prince répondant enfin aux exigences des besoins, de la vie et de la culture citadines
C'est à se demander si certains sont capables de s'extirper des réflexes et comportements populistes qui, érigés en système de gestion sociale, ont empli nos villes de favelas hideuses, insalubres et ont conduit Haïti à devenir une des hontes, l'une des plaies de l'humanité moderne.
Le plus décourageant est que l'emplacement - qu'on s'emploie à dégrader à partir de motivations réelles questionnables - a été déjà retenu et acquis légalement pour une expansion citadine moderne allant dans le sens d'un désengorgement, d'une valorisation de la capitale.
Il existe, en effet, un projet - approuvé et encouragé par les plus hautes instances de l'Etat dont la Présidence de la République - dans lequel est programmé l'exploitation intelligente des avantages offerts par ce site sur les plans habitat, commerce, industrie, loisirs, espaces verts. L'ensemble donnerait à jouir d'une qualité fonctionnelle et esthétique qui contrasterait avec l'environnement actuel et apporterait une note attractive à un Port-au-Prince croulant sous le poids de la laideur et de l'inorganisation.
De l'avis de beaucoup qui savent, ce projet de développement intégré d'une zone économique spéciale « Habitat Haïti 2004 », de la NABATEC est l'une des rares planifications cohérentes, structurée, pragmatique, multi vocationnelle, pourvue d'espaces légalement acquis d'implantation, que peut présenter la partie haïtienne de la CIRH dans la perspective d'une reconstruction de Port-au-Prince et de son aire d'influence. Et c'est une telle oeuvre - à laquelle le nouveau regard international sur Haïti donne des chances certaines de se concrétiser dans l'immédiat - qu'une « squattérisation » anarchique non réprimée menace de torpiller.

Comment se présente « Habitat Haïti 2004 » ?

Caractérisé par une périphrase « développement intégré d'une zone économique spéciale » «Habitat Haïti 2004», et sa phase initiale « Haïti 360 Habitat », comportent plusieurs composantes :
- Un parc industriel privé combinant des installations propices à l'assemblage, l'industrie non polluante et d'exportation dans un ensemble structuré en zone franche de 100 lots, équipé de tous les services de support
- Une zone franche publique, complètement équipée des installations et services destinés principalement à une production verticalement intégrée de l'industrie textile, sur un ensemble d'environ 60 hectares. Une entreprise coréenne s'y trouve déjà installée
- Un parc clôturé et sécurisé (96 lots) pour la manufacture locale et l'entreposage des marchandises destinées à la distribution vers l'Artibonite, le Nord, l'Artibonite, le Nord-Ouest, le Nord-Est, le Centre, l'Ouest. Une gare routière ouverte au trafic privé et public et les services de support sont intégrés à ce parc
- une aire de loisirs, récréations, tourisme près de la mer sur 60 ha comprenant
a) Installations et plage accessibles au public
b) Un front de plage pour des développements touristiques et marina en zone franche
c) Un quartier résidentiel haut de gamme de 266 unités avec toutes les infrastructures de bases, espaces verts et services
- Un complexe commercial et artisanal
- Des quartiers résidentiels d'au moins 4 types, adaptés aux échelons économiques (1,850 maisons individuelles sur 130 ha pour revenus hauts-moyens, 14,500 unités sur 400 ha pour revenus moyens-bas, 8,000 appartements pour la location ou en condominium sur 55 ha, 16,000 unités de logements évolutifs avec espaces semi-privatifs et services de proximité )
- Un centre administratif régional (65ha), un centre commercial (20 ha), des centres de services (25 ha), des terrains pour campus universitaire (30 ha), pour des équipements urbains (terrains de jeu, cimetière, etc...), et pour des installations communautaires et hospitalières
La circulation sera facilitée par un réseau d'artères et de rues macadamisées, bien drainées et ornées de plantes sur les bas-côtés . Un système d'égouts assurera la salubrité de l'ensemble, qui sera également doté des infrastructures nécessaires pour l'approvisionnement en eau potable, électricité, éclairage public solaire, télécommunication, évacuation des déchets.
Il est à noter que les constructions souscriront aux normes parasismiques et que les diverses composantes s'inscriront dans une aire sécurisée.
On doit aussi souligner que, sans compter les opportunités pour la main d'oeuvre locale qui découleront de la mise sur pied des parcs industriels, des implantations touristiques et du secteur commercial (plusieurs dizaines de milliers de possibilités d'embauche), Habitat Haïti 2004 génèrera dans sa phase d'aménagement 3,000 emplois permanents et induira plus de 20,000 emplois indirects sur 10 ans.

Les promoteurs

La zone nord-ouest de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince est considérée comme un des pôles d'extension de la capitale. En 1996, La Nabasa et la Tecina décidèrent de s'associer et formèrent la NABATEC S.A. qui entreprit de conceptualiser et d'y mettre sur pied Habitat Haïti 2004.
La Nabasa - qui avait une plantation de sisal et une usine de transformation de pite dans cette zone semi-aride - apporta une partie du foncier. La Tecina - qui s'est créée une réelle réputation d'expertise dans la planification et la construction de maisons d'habitation, de villages résidentiels, d'immeubles de rapport, de parcs industriels - s'engagea dans ce partenariat à partir de son bagage technique et de ses équipements.
Des études de la position et de la configuration du terrain firent ressortir qu'il y avait beaucoup à en tirer au point de vue urbanistique et que, tant l'agglomération engorgée qu'est Port-au-Prince que ceux qui se seraient investis dans ce projet répondant aux normes modernes de développement des villes, auraient à y gagner. A partir de ce constat basé sur une approche pragmatique, une planification rigoureuse et ouverte travailla aux moyens de rentabiliser les possibilités multi-vocationnelles de l'espace disponible. Et fut programmé le quartier en gestation Habitat Haïti 2004, dont la phase initiale est actuellement lancée comme « Haïti 360 Habitat ».
Les premières années de vie du projet furent consacrées à assurer ses assises légales. Les démarches entreprises par l'Exécutif, en vue du contrôle du développement de l'aire métropolitaine, amenèrent la création d'une commission présidentielle nommée pour vérifier l'adéquation des projets et titres de propriété impliqués dans l'aire ainsi déclarée d'utilité publique. Cette commission formula des recommandations positives pour ce qui a trait au projet et aux titres de NABATEC S.A.. Lesquels titres avaient été scrupuleusement examinés par une Sous-Commission de Notaires qui en soumit le rapport tout aussi positif à ladite commission composée d'avocats, d'arpenteurs, de notaires, de dirigeants de la DGI, de l'Office National du Cadastre, de l'Unité d'Urbanisme de la Présidence, du Ministère des TPTC, etc... Les propriétés furent l'objet d'un renoncement certifié par l'Etat Haïtien selon les exigences de l'Arrêté du 10 février 1998. Continuer >





De nombreux investisseurs, et l'Etat haïtien lui-même, firent montre de leur intérêt pour l'initiative dont la version habitat eut même un commencement d'exécution. Cependant, des circonstances particulières conjoncturelles en retardèrent le réel démarrage, bien que des implantations ponctuelles (campus, entreprise, académie) eurent lieu au fil des ans.
Avec le tremblement de terre du 12 janvier, qui est venu douloureusement accroitre la faiblesse du parc bâti port-au-princien, et les obligations de reconstruction de la capitale (reconstruction, certainement pas, on l'espère, selon les méthodes d'au petit bonheur la chance qui ont causé tant de morts, de souffrances et de pertes matérielles), Habitat Haïti 2004 s'impose par son évidente et incontournable opportunité.
Parce que, par son approche multidirectionnelle, cette réflexion travaillée - dont l'adéquation à nombre de nécessités (renforcées par le séisme) a déjà été reconnue - propose une certaine qualité dans l'environnement d'existence et une articulation harmonieuse dans les relations entre les activités citadines, elle retient l'attention. Aussi, avons-nous demandé aux promoteurs de parler de leurs motivations, de ce qu'ils estiment que « Habitat Haïti 2004 » apportera à la communauté. Quatre d'entre eux, MM Gérald-Emile Brun, Jean Robert Simon, Patrick Blanchet, Lionel Beauduy, ont exposé leurs points de vue sur diverses facettes du sujet.

Points de vue des promoteurs

C.L. - Pensez-vous que « Habitat Haïti 2004 » qui est en gestation depuis 13 ans a des chances de se concrétiser ?
G.E.B. - Haïti est un pays complexe tant au niveau du cadre institutionnel qu'à celui des affaires et des rapports entre individus. On n'y cultive pas toujours le sens de l'initiative rentable surtout lorsque cette initiative sort des sentiers battus. C'est aussi un pays qui a vécu des moments particuliers n'invitant pas à l'investissement.
Il y a eu, cependant, des demandes et acquisitions de terrains par de la part de particuliers, d'entreprises, d'institutions, d'ONG. Nous sont également parvenues par écrit des expressions d'intérêt d'investisseurs tant nationaux qu'étrangers. Le Gouvernement s'est engagé par des protocoles d'accord, par exemple celui avec la Corée pour la zone franche publique, et par le biais des Archives Nationales pour la construction d'une Cité des Archives moderne. Il y eut même un début d'implantation dans la composante habitat.
Les résultats ne sont peut-être pas tout à fait ce à quoi nous nous attendions. Mais, ils sont quand même encourageants. Et actuellement, dans l'après-séisme, je ne dirai pas que Habitat Haïti 2004 est un passage obligé. Néanmoins, je pense que ce projet constitue une donne incontournable.
Les problèmes de logement qui se posaient déjà et que le séisme a décuplé, le déficit renforcé en immeubles commerciaux et industriels ont fait ressortir la pertinence de la vision de Habitat Haïti 2004.
Pour ce qui a trait à l'utilisation de la main d'oeuvre qui est un des défis majeurs de la conjoncture, Habitat Haïti 2004 projette des perspectives de 67,000 emplois à partir des parcs industriels, 10,000 à partir du complexe commercial, 3,000 au point de vue construction. Habitat Haïti 2004 se présente donc comme une des réponses réellement adaptées aux exigences du moment et de la modernité en matière urbanistique. Si vraiment, on entreprend de reconstruire rationnellement Port-au-Prince et d'en assurer l'extension harmonieuse, ce projet a plus que sa place pour jouer sa partition dans le concert des actions qui seront mises en branle.
J'ajoute que l'articulation de Habitat Haïti 2004 - dont tous les quartiers et tous les secteurs disposeront des services essentiels - en fait un nodule qui peut servir de modèle pour de nouveaux pôles d'urbanisation intégrée à travers le pays. Les infrastructures de base s'y rencontreront partout de la même qualité. On doit aussi retenir que, bien que les composantes soient reliées entre elles, l'agencement est calculé pour qu'aucune n'interfère avec la vie des autres.
C.L. - Entreprise privée, Habitat Haïti 2004 ne se détourne pas du social. Je vois qu'y est planifiée une gare routière.
J.R.S. - Si nous avons programmé un centre commercial et un centre d'entreposage, il est normal que nous ayons pensé à une gare routière pour faciliter l'arrivée et le départ des marchandises. Cette gare routière est un de ces exemples qui prouvent que l'intérêt privé bien compris est en résonnance avec l'intérêt collectif. Elle cadre avec les projections étatiques visant à l'extension de la capitale et s'inscrit dans ce qu'on appelle la porte nord de Port-au-Prince.
Elle décongestionnera le centre-ville, surtout le boulevard La Saline que l'on peut considérer comme un périphérique destiné à faciliter la circulation automobile et qui, parce que toujours encombré, ne joue pas son rôle.
La gare routière sera gérée par une société différente de la Nabatec, société qui accueillera les capitaux qui voudront l'intégrer. L'aire dans laquelle seront placés la gare, le centre commercial et d'entreposage sera sécurisée. Ceci sera tout profit pour les commerçants, surtout ceux du bas de la ville qui font face à de très sérieux problèmes d'insécurité.
Parlant de société différente, la composante touristique sera du ressort de la Valembrun S.A. qui, elle aussi, accueillera les investisseurs nationaux et étrangers.
Je renchéris sur ce qu'a dit l'Architecte Brun au sujet de la main-d'oeuvre. Par le mouvement économique qu'il créera, un projet de l'envergure Habitat Haïti 2004, qui a tant de facettes sera certainement une source plus qu'importante d'emplois directs et surtout indirects.
P.B. - Pour rester dans le chapitre emplois, il ne faut pas oublier que Habitat Haïti 2004 est prévu pour desservir au moins 250,000 résidents et usagers. Ceci suppose tout un attirail de gens de maison, de commerces et services de proximité : markets, épiceries, pharmacies, cliniques, restaurants, dry cleaning, écoles, etc... Vous voyez donc que jusqu'à la vie privée à Habitat Haïti 2004 génèrera par elle-même des emplois.
Je voudrais revenir sur la question investissement. L'Arch. Brun a montré comment les problèmes de l 'heure accentuent l'intérêt pour des initiatives du genre Habitat Haïti 2004, qui répondent aux besoins en bâti de la communauté nationale. Il y a indéniablement un marché pour ce que nous proposons, surtout lorsqu'il s'agit d'un produit de la qualité de celui que nous offrons et comme le capital est toujours à la recherche du profit, l'intelligence lui commande de s'y intéresser.
Cependant, dans sa recherche du profit, le capital est des plus circonspect. Il ne s'engagera que sur des terrains sûrs et on le voit mal s'investir dans l'immobilier à côté d'une aire anarchiquement squattérisée. Car l'anarchie à proximité le porte à penser que son investissement n'est pas garanti, ou tout au moins que les projections à partir desquelles on pouvait espérer un rendement alléchant ne trouvent pas les conditions leur permettant de se concrétiser. Et voilà comment on est susceptible de gaspiller une chance qui autorise à escompter la création de près de 100,000 emplois et qui apporterait certaines réponses modernes et pragmatiques aux cruciaux problèmes de la capitale.
Ceci dit, je comprends que les gens veulent et doivent se reloger. Mais ce relogement peut et doit se faire dans un contexte décent, organisé. L'anarchie - en cette espèce particulièrement - est une solution paresseuse qui entraine plus de maux qu'elle n'en résout. Elle jette le discrédit sur l'ensemble de la communauté et éloigne de notre pays ces investissements nationaux et étrangers qui lui font tant besoin.
L.B. - Il y a une remarque que j'estime importante que je voudrais faire. Parce que Habitat Haïti 2004 offrira les facilités et les avantages de l'urbanisme moderne, il est normal qu'il y sera requis des comportements de citadins civilisés. On ne pourra certainement pas y évoluer dans le laisser-aller du « gade you peyi, mwen fè sa m'pito ». On y aura des normes de propreté, de sociabilité à respecter, par exemple tailler son gazon, maintenir propre la devanture de sa demeure, ne pas déparer le quartier, ne pas salir les artères, rues et caniveaux, ne pas jouer de la musique trop fort, ne pas faire du tapage nocturne, etc...
Je ne vois pas pourquoi ce genre de discipline sociale aurait dérangé nos compatriotes. Car lorsqu'ils vont à l'étranger, ils se plient sans problème aux règles.
Pour moi, là encore, Habitat Haïti 2004 sera un modèle. Elle portera à divorcer sur notre sol d'avec nombre de mauvaises habitudes et y initiera des styles de vie qui seront celles de l'Haïti de demain que nous tous voulons voir belle, propre et prospère.


PROPOS RECUEILLIS PAR CARL LABOSSIÈRE
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=82935&PubDate=2010-08-27

Commentaire
Mesdames, messieurs, vous qui parlez d'absence de programme de gouvernement de nos partis politiques et qui avez raison, voyez-en un tout fait! Quel pays dirigé par des personnes décentes, quelle société civilisée ou désireuse de l'être, ne s'approprierait pas un tel projet, n'écouterait pas attentivement les concepteurs de ce plan d'urbanisme attrayant? C'est tout un programme de gouvernement! On devrait pardonner à un parti politique de s'approprier ce plan et de l'appliquer comme sien plutôt que de faire la sourde oreille face à une vraie possibilité de changement et de changement positif. Est-ce que ces ingénieurs et architectes qui ont l'intelligence d'élaborer un plan aussi positif n'ont pas la patience ou les arguments nécessaires pour convaincre des politiciens sérieux à y jeter un coup d'œil? En tout cas, le développement de plus d'un pays connu ne se passe pas autrement. C'est cette conjonction entre les planificateurs intelligents et les politiciens éclairés qui a mis la République Dominicaine où elle est, un véritable pôle touristique en Amérique Latine et dans les Caraïbes. C'est cette même aptitude à planifier et à faciliter les choses aux investisseurs consciencieux qui font du secteur touristique mexicain toute une institution et qui fonctionne malgré des difficultés locales d’un autre ordre. C'est aussi ce qui fait la force du secteur touristique d'un pays pourtant réputé fermé à cause de son système politique, Cuba. Ce pays dit communiste qui fournit des médecins à toute l'Amérique Latine dont Haïti (qui ne sait même pas les gérer), le Venezuela, entre autres. Qu'est-ce qui nous retient? Pourquoi cette lourdeur à réagir quand il s'agit de suivre les bons exemples?