Le président français, M. François Hollande, aurait demandé au nouveau
président dominicain, M. Danilo Medina, de maintenir son appui au processus de
la reconstruction d’Haïti jusqu’au terme de son mandat. Après le tremblement de
terre qui a dévasté ce pays francophone, la République dominicaine a été, faut-il
le rappeler, le premier partenaire à offrir son aide. Les autres ne sont
arrivés qu’après. Une telle promptitude dans la réponse du voisin hispanophone face
à ce désastre naturel, ne pouvait être qualifiée que de noble. L’ampleur des dégâts
exigeait des mesures importantes et urgentes. Une Commission Intérimaire de la
Reconstruction d’Haïti, co-présidée par Bill Clinton et le premier ministre
haïtien Jean-Max Bellerive, a été mise sur pied. Et, fait remarquable, ce n’est
pas René Préval, c’est le gouvernement dominicain de Leonel Fernandez, qui a
donné le ton en organisant, le 2 juin 2010, une conférence internationale sur
la reconstruction d’Haïti. Cette rencontre,
réalisée dans le cadre paradisiaque de Punta Cana, référence obligé du tourisme
caribéen, réunissait des représentants d’une cinquantaine de pays. Les
organisateurs dominicains qui n’ont pas omis d’inviter les deux co-présidents
de la Commission Intérimaire de la Reconstruction d’Haïti, en ont profité pour
rappeler le droit sacré de la République dominicaine à prendre part à cette
reconstruction. Ainsi fut donné, pour ainsi dire, le coup d’envoi du processus
de vassalisation d’Haïti par le gouvernement dominicain. Notamment dans
l’attribution des contrats. C’était un premier choc, direz-vous. Mais le vrai
paradoxe, c’es que René Préval et Jean-Max Bellerive, son premier ministre, au
mépris de la souveraineté d’Haïti, se sont
engagés personnellement à aller dans le sens des exigences du gouvernement du
pays voisin. A peine initiés les débours des fonds de la dite reconstruction, Messieurs
René Préval et Jean-Max Bellerive ont octroyé des contrats à trois firmes
dominicaines appartenant à un même propriétaire Félix Ramon Bautista. Ces
contrats, sans appel d’offres, s’élèvent à près de 400 millions de dollars. Le bénéficiaire,
qui est le sénateur de San Juan de la Maguana, dans le sud du pays hispanophone,
est aussi membre de la direction du parti au pouvoir. Le PLD, de l’ex-
président Leonel Fernandez et de l’actuel président Danilo Medina. Avant même
la réalisation des premiers travaux d’infrastructure payés par Haïti, une
fondation dominicaine, création de M. Leonel Fernandez fit don à Haïti d’une université,
à Limonade, dans le Nord du pays, d’une valeur de 30 millions de dollars. Rappelons
rapidement que la République dominicaine, au même titre qu’Haïti, est un pays
sous-développé. Le seul inconvénient, c’est que l’université n’a même pas
encore commencé à fonctionner, que nous apprenons par la journaliste
dominicaine Nuria Piera, preuves à l’appui (c'est-à-dire copies de chèques,
signatures, etc.), que le contrat de presque 400 millions de dollars n’est pas
aussi transparent que l’on serait tenté de le croire. Derrière ce titre de rien du tout, se cacherait une immense fraude
orchestrée aux dépens du peuple affamée d’Haïti. Les deux derniers
gouvernements haïtiens dont l’actuel et les deux derniers gouvernements
dominicains dont celui du président Danilo Medina, mentionné par le président français,
sont impliqués dans cette fraude multimillionnaire liée à la reconstruction d’Haïti.
Danilo Medina n’occupe le pouvoir que depuis deux mois en République
dominicaine. Sa campagne électorale a été financée à hauteur de deux millions
de dollars par les compagnies de Félix Ramon Bautista, l’homme aux contrats de
construction sans appel d’offres, dont certaines compagnies ont été créées en
2010, après le tremblement de terre. C’est donc à ce nouveau président, M.
Danilo Medina, que s’adresse le chef d’Etat français, François Hollande, en lui
demandant de continuer à appuyer la reconstruction d’Haïti jusqu'à la fin de
son mandat. Cela nous force donc inévitablement à poser deux questions :
-
Qui a dit au président français que les membres de
l’actuel gouvernement dominicain - et nous ne parlons pas du peuple - avaient intérêt à contribuer positivement à la
reconstruction d’Haïti ?
-
Qui lui a fait accroire que les gouvernements du PLD
aidaient et continueraient d’aider leur voisin francophone ? Haïti, ce
pays dévasté, plongé jusqu’au cou dans les décombres de la destruction, et de
la corruption, n’est qu’une immense
proie, un gâteau dont chacun veut avoir sa portion.
Monsieur Hollande n’avait qu’à consulter le correspond du journal Le Monde pour Haïti et la République
dominicaine, M. Jean-Michel Carois. Ce dernier affligé par l’ampleur du
scandale, puisqu’il réside en République dominicaine où l’affaire a éclaté,
avait prédit, dans une entrevue accordée à Acento,
une véritable tempête politique en Haïti. Ce phénomène, qui aurait été
inévitable dans n’importe quel autre pays au monde, n’a pas été (malheureusement
pour Haïti !) la réponse à la prédiction de ce journaliste. C’est dire
jusqu'à quel point ce pays a perdu sa sensibilité face aux atteintes portées à
sa souveraineté. Ce ne sont donc pas seulement les infrastructures du pays,
c’est toute une mentalité, toute une culture, qu’il faudra reconstruire en
Haïti.
Le mythe des 6 milliards de la reconstruction d’Haïti
sera notre prochain commentaire
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