Au terme d'une séance marathon de plus de 10 heures, les sénateurs ont ratifié jeudi la déclaration de la politique générale du Premier ministre Garry Conille. Le même exercice doit se répéter vendredi à la Chambre des députés.
Haïti: Tombeurs de l'ex-Premier ministre désigné - Me Bernard Gousse -, les sénateurs membres du Groupe des 16 ont ouvert la porte de la primature au Premier ministre Garry Conille. Le vote du sénateur Youri Latortue a compensé les absences dans le rang des pro-Conille et l'a permis d'obtenir les 16 voix nécessaires à l'adoption de la déclaration de sa politique générale. Les sénateurs de l'Alternative se sont abstenus tandis que quatre autres ont voté contre.
Comme à chaque séance de ratification de politique générale, la plupart des sénateurs se sont contentés de faire passer des revendications relatives à leur département sans questionner la faisabilité des projets annoncés par le Premier ministre. La sénatrice Edmonde Supplice Beauzile s'était distinguée en soulignant les failles dans le programme concernant l'éducation soumis par Garry Conille dans le document de 93 pages soumis aux parlementaires. « Vous proposez de consolider le secteur de l'éducation nationale tandis que le président Michel Martelly fait la promotion de la gratuité de l'éducation », a-t-elle précisé. Elle a par ailleurs noté que le Premier ministre est passé à côté des problèmes du système éducatif.
Le document soumis au Sénat est, d'après le sénateur Jean Hector Anacacis, comparable à un discours électoral ne disposant d'aucun tableau. « Le texte n'a fait que reprendre des promesses déjà faites par d'anciens Premiers ministres », a souligné le parlementaire. Le document est muet sur la brûlante question de la constitution d'une nouvelle force publique chère au président Michel Martelly. Il n'aborde pas non plus la question des élections qui devront se tenir à la fin de l'année en cours pour le renouvellement du tiers du Sénat. « Je ne pouvais pas tout aborder dans la déclaration de politique générale », a répondu le Premier ministre Garry Conille au sénateur Jean Hector Anacacis. Il a par ailleurs promis de présenter bientôt un plan d'action prenant en compte les points non abordés dans le document.
« Le pays est à la dérive », estiment de leur côté les sénateurs Steven Benoît et Moïse Jean-Charles. Si le sénateur du Nord a fait état de la mise en place d'une milice rose par le président Martelly, Steven Benoît s'est interrogé, pour sa part, sur l'avenir du pays quand le président de la République n'a aucune gêne pour lancer des insanités en pleine réunion.
Des questions comme la reconstitution des Forces Armées d'Haïti, la politique étrangère du gouvernement, le Fonds national pour l'éducation, le renouvellement du mandat de la CIRH, le départ de la Minustah sont parmi les points abordés par les parlementaires tout au long de la séance. En bon diplomate, Garry Conille a évité la confrontation avec les parlementaires. Il a promis de prendre leurs suggestions en compte dans son programme de gouvernement.
Les quatre piliers du programme de Conille
La déclaration de politique générale du Premier ministre Garry Conille est fondée sur les promesses électorales du président Michel Martelly. « Mon gouvernement ancrera son action sur quatre (4) grands piliers. Nous parlons des 4 E du président Michel Joseph Martelly, soit l'Éducation, l'Emploi, l'Environnement et l'État de droit. La conjoncture actuelle impose un cinquième E pour l'Energie », lit-on dans ce document de 93 pages portant la signature du Dr Conille avec le slogan '' Pèp la pa ka tann ankò''.
Selon le Premier ministre, la réalisation de sa vision « implique des ruptures pour sortir des sentiers battus et proposer des voies et moyens innovants de création de richesses. Elle implique également la mise en oeuvre de nouvelles politiques publiques pour exploiter toutes les potentialités nationales au profit de l'ensemble des Haïtiens. Elle nécessitera d'importantes ressources, car elle vise sur la période 2011-2015 une croissance forte et soutenue avec un taux de croissance annuel moyen d'environ 9% ».
Pour atteindre ce résultat, a-t-il dit, les mesures nécessaires au renforcement du système productif national et des fondamentaux de l'économie en vue d'assurer la stabilité macroéconomique seront prises. La politique budgétaire visera essentiellement à soutenir la croissance accélérée, tout en préconisant l'assainissement des finances publiques, toujours selon le document dont Le Nouvelliste a eu une copie.
« Nous présentons notre politique générale à un moment où le budget reconduit ne correspond nullement à notre programme de gouvernement. Il s'agira donc d'élaborer un budget capable de renforcer le dispositif actuel de mobilisation des ressources. Sur les cinq prochaines années (2011-2015), plus de six cents milliards (600 000 000 000 ) de gourdes devront être mobilisés pour assurer le financement des projets et programmes contenus dans la déclaration de notre politique générale, soit en moyenne 120 milliards de gourdes par année, contre une capacité nationale annuelle moyenne de financement de quarante milliards (40 000 000 000 ) de gourdes. Le financement de cet ambitieux programme nécessitera certainement le recours au financement externe auprès de nos partenaires aussi bien bilatéraux que multilatéraux », a soutenu Garry Conille.
Selon lui, la mise en oeuvre de l'action gouvernementale est largement conditionnée par les capacités budgétaires du gouvernement. « Au-delà des situations d'urgence à gérer et pour lesquelles il convient de dégager les ressources nécessaires, il paraît plus que jamais nécessaire de mettre de l'ordre dans les finances publiques, tant au niveau de la fiscalité directe qu'au niveau de la fiscalité indirecte », a-t-il reconnu.
Cependant, a souligné le Premier ministre, il n'est pas dans l'intention de son gouvernement d'augmenter les impôts et les taxes. Après ceux sur les transferts d'argent et les appels internationaux, bien sûr. « L'un des défis majeurs à relever à court terme sera de combattre la corruption, d'améliorer le système de recouvrement des taxes et de sensibiliser tous les opérateurs économiques et tous les citoyens en général à remplir leurs devoirs civiques en s'acquittant de leurs redevances fiscales. A cette fin, le gouvernement combattra l'incivisme fiscal sous toutes ses formes, telles les fraudes, les fuites et les évasions fiscales ».
Dans la même veine, le gouvernement de Martelly-Conille oeuvrera, selon le document, sans relâche pour la poursuite des réformes institutionnelles en cours, de manière à renforcer les structures de perception et à décupler les systèmes de surveillance déjà en place.
« Dans cette quête gouvernementale de mise en oeuvre des politiques publiques retenues comme prioritaires, je veillerai à ce qu'elles soient suffisamment adressées dans le budget rectificatif qui sera sous peu soumis à votre sanction (les sénateurs) », a avancé le Premier ministre, soulignant qu'il demeure convaincu qu'une bonne allocation des ressources budgétaires constitue déjà un gage de succès.
Qu'en est-il de la situation des sinistrés? « Il n'est pas opportun d'énumérer la liste des bonnes intentions, des projets et des plans qui adressent ce problème crucial et qui nous ont tout de même valu de réduire le nombre des personnes à reloger de 1,5 million à 600 000. Voilà un effort qui sera poursuivi et accéléré dans le double but d'offrir un meilleur horizon de vie et d'espérance aux sinistrés du 12 janvier et de réaménager les espaces et les places publics afin de leur restituer leur aspect attrayant d'antan », a promis Garry Conille, ce qui conduit directement à la CIRH.
« Mon gouvernement croit que la Commission intérimaire pour la reconstruction d'Haïti (CIRH) devrait être repensée, réaménagée et son mandat réorienté à travers un dialogue entre les parties prenantes. Certains parlent de rapatriement. Nous comprenons et partageons volontiers leur préoccupation basée sur un désir légitime d'appropriation des leviers de la refondation nationale. Mon gouvernement s'en remet à l'appréciation du Parlement qui devra bientôt s'y pencher et reste disponible pour fournir toute information utile à la prise de décision », a poursuivi M. Conille.
Par ailleurs, ne voulant pas utiliser le thème de conférence nationale, Garry Conille parle de préférence de pacte du bien - vivre -ensemble. « ...conjointement avec le président de la République, le gouvernement que j'ai le privilège de conduire animera un processus devant conduire à la signature d'un PACTE DU BIEN-VIVRE-ENSEMBLE. Dans les prochains jours, le chef de l'Etat invitera des personnalités représentatives de notre diversité sociale et politique, connues pour leur engagement en faveur de l'avancement du pays, à prendre part à cette entreprise qui vise à créer une plus grande cohésion nationale », a-t-il annoncé.
Dans ce document écrit en créole et en français, le Premier ministre a voulu toucher tous les aspects de la vie nationale. Il donne l'impression d'avoir rencontré et pris en considération les desiderata de pratiquement tous les secteurs, notamment les cahiers des doléances des parlementaires des dix départements du pays.
Robenson Geffrard
Jean Pharès Jérôme
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=98328&PubDate=2011-10-14
Commentaire
On en peut nier qu'il s'agit là d'un bon départ. Cependant, nous en avons connu d'autres. Il est temps que le démarrage se fasse effectivement. Pour commencer, l'argument selon lequel la seule diminution du nombre de personnes vivant sous les tentes serait un progrès, une amélioration de la situation, est un sophisme. Car peut-on parler de progrès quand ces personnes lancées sur le pavé par le tremblement de terre, vont augmenter le nombre des occupants de l’étroit logement d'un parent? Si elles vont s'approprier illégalement un autre espace de l'immense terrain chaotique qu'est Port-au-Prince pour accroître l'aire des bidonvilles dont on sait qu'ils sont un signe de divorce d'avec le progrès? D'autre part-toujours sur la lancée du constat de décadence de ce pays-les échanges de propos orduriers entre le chef de l'Etat et le député Arnel Bélizaire au Palais national, ce mercredi, en disent long sur l'indigence morale de ceux par qui nous avons l'honneur d’être gouvernés dans ce pauvre pays. Est-ce qu'il faudra attendre que des extraterrestres viennent assumer nos responsabilités afin de nous laisser le temps de nous réformer, de nous éduquer pour entrer de plein pied dans le XXIe siècle? Le règne des miracles semble pourtant bel et bien révolu! Qu'il est long et tortueux notre Moyen-Age haïtien!
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