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vendredi 3 février 2012

CONTES DE MES NUITS D'INSOMNIE

Ma chère Susan,

Je vous connais assez pour savoir que vous êtes d’une délicatesse sans faille. Que ce soit sur le plan moral, social ou affectif, vous vous êtes toujours élevée à la hauteur des principes que vous enseignez en tant que pratiquante d’une doctrine assez à la mode ces temps-ci. D’ailleurs, tant que vous ne vous mettez pas volontairement, comme certaines personnes aux mœurs légères, à la disposition du premier délinquant du coin, pour affecter, harceler autrui, qui a le droit de vous reprocher quoi que ce soit ?

Mais précisément, je m’adresse à vous, honorable amie, parce que quelque chose d’anormal vient de se produire qui a eu pour référence votre propre adresse électronique. Cela est d’autant plus dangereux que c’est la deuxième fois en six mois qu’un antisocial, tapi dans l’obscurité de l’anonymat, lance des flèches incendiaires dans toutes les directions. De quoi s’agit-il ? Quel est l’individu cravaté le jour, cagoulé le soir, qui n’ose attaquer qu’en se cachant derrière une femme aussi sensible et aussi intègre que vous ? Par quelle astuce, cet acrobate ridicule s’aventure-t-il, sur le web, à ces contorsions obscènes que le nouveau langage a baptisées du beau nom de « cyber harcèlement » sans crainte d’être inquiété ? Quelle institution hautement spécialisée, mais peu protégée, offrirait une si favorable latitude à un délinquant, si celui-ci n’avait les moyens d’y pénétrer, de feindre, de tromper, de détourner l’attention de ses supérieurs ? Voilà le labyrinthe où je vous convie à m’accompagner afin de démasquer ensemble ce prédateur qui, j’en suis persuadé, tôt ou tard échouera aux mains de la justice.

Soyez rassurée, ma chère Susan, je ne le mentionnerai, pour le moment, que sous un nom qui dérive de ses seules initiales. A et B. Prénom et nom de famille. D’ailleurs, tout passionné que je suis des sons agréables, je ne me permettrais jamais de vous infliger, en plus de cette révélation troublante, ce nom qui entrera tôt ou tard dans les annales des acteurs médiocres qui n’ont joué dans la société qu’un rôle inutilement périlleux et ignoble. Il me suffit que votre tolérance m’ait permis de vous écorcher la vue avec une histoire entachée d’actes barbares, indignes opérées en cachette, sous les ailes protectrices d’une société civilisée.

Nous l’appellerons donc Abbé, M. L’abbé ou, peut-être mieux, M. Labbé. Ainsi je donnerai une preuve de respect-malgré mon absence de sens religieux-pour ceux qui respectent vraiment leur titre, quand ils le font, au sein de cette communauté. Car il y en a. Mais en même temps, je collerai le déterminant au nom pour mieux marquer la différence. Appelons donc notre farceur, Labbé. M. Labbé. Cela nous donne l’avantage de ne pas perdre les initiales A et B, extrêmement importants pour le dernier épisode de cette série, et, en même temps, de ne pas trop écorcher vos oreilles sensibles, chère madame. L’euphonie peut-être aussi un signe de savoir-vivre. Sinon demandez à ces chanteurs braillards, pourquoi ils chantent volontiers, précisément, pour ceux qu’ils détestent ! Pourquoi cette insistance sur les initiales A et B, me demandez-vous ? C’est l’indice qui nous guidera jusqu’au moment de la découverte finale. C’est la lumière dont les minces rayons éparpilleront tant soi peu, devant nous, les poussières aveuglantes dont la neige a investi notre chemin. Sans vouloir prétendre qu’il s’agit d’une énigme profonde, je vous préviens qu’il vous faudra un cœur solide et la patience de Job pour aller jusqu’au bout. En effet, le monstre dont il s’agit n’est pas un apprenti. Et si ce colonel, démasqué dernièrement à Trenton, avec un palmarès de non moins de quatre-vingts crimes et délits - ou ce boucher avec un actif d’une cinquantaine de femmes innocentes égorgées pour alimenter les porcs dont il alimentait la population - ont inspiré l’horreur, leur compétiteur est d’un goût beaucoup plus raffiné. Les prédateurs sexuels sont loin d’être des enfants de cœur. Et notre homme, sait aller au delà de la banalité d’imiter servilement des prédécesseurs, quand il peut les dépasser. Il sait donner au crime la saveur d’une vertu : protection de la société. C’est le propre des criminels que d’inventer de nouveaux codes pour l’humanité. C’est l’arrogance enivrée de l’ambition d’universalité. Bref, la folie des grandeurs. Mais trêve de discours ! Oyez plutôt jusqu’où peut conduire la déformation morale d’un monstre lâché en plein cœur d’une société civilisée, mais trop crédule !

J’ai intitulé cette série :

CONTES DE MES NUITS D'INSOMNIE
Ou
LE DELINQUANT, L'ECRIVAIN ET LA JUSTICE


(ConteS pour démasquer un délinquant armé, caché derrière une femme afin d’éviter que la justice lui mette la main au collet)

Les differents épisodes suivront graduellement.

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