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dimanche 5 août 2012

COMMUNICATION ET BARBARIE

Le penseur italien Giambattista Vico applique à l’histoire une théorie cyclique selon laquelle   son évolution passerait  par différentes phases, de la barbarie à la civilisation pour finalement revenir à son état initial. La société, conçue évidemment au nom de la défense des intérêts collectifs, représente le lieu privilégié de pareille observation. Thomas Hobbes, prédécesseur de Vico, ne se situe pas très loin de son homologue italien si l’on s’en tient à sa définition de l’État. Mais Hobbes décrit son objet d’étude comme un monstre. Son livre intitulé « Léviathan » doit son nom à une référence biblique où l’on parle d’un monstre doté de pouvoirs immenses. C’est peut-être aussi pour nous informer que le rôle joué par cette entité que nous appelons l’État, s’il est nécessaire quand son fonctionnement se base sur une vision large et globale, risque d’être létal quand elle est fondée sur la défense d’intérêts sectoriels ou individuels. Ce qui ne peut qu’annuler son utilité et lui faire perdre ipso facto toute légitimité aux yeux du citoyen. 
Le roman « Acide sulfurique » d’Amélie Nothomb, nous fait vivre un épisode tragique dans la vie d’un groupe d’individus qui ont signé un contrat pour participer à une émission à la télé. Cette dernière consiste à créer des scènes suffisamment étranges et risquées pour retenir l’attention du public. Ce qui a pour but d’en augmenter la popularité. Mais il n’y a pas de limite dans cette recherche d’émotions fortes même si cela doit provoquer la mort d’un ou de plusieurs participants. On a signé, on va jusqu’au bout. C’est la  condition des investisseurs qui n’hésitent pas à miser sur tous les tableaux. Or il se passe un phénomène incroyable. Quel que soit le degré de répugnance inspirée par les scènes de ce jeu dangereux, le public devient incapable de cesser de les regarder. Il le fait soit pour s’indigner, soit pour critiquer, désapprouver ou souffrir. C’est comme une drogue dont on n’ignore pas les effets pervers mais qu’il est difficile voire impossible d’écarter de son chemin.

L’intoxication médiatique infligée par certaines publicités et certaines propagandes mettra certes du temps à se laisser évaluer avec précision. Mais les spécialistes de la communication ne nous ont jamais caché certaines implications déterminantes de ce phénomène sur la vie moderne. La prochaine campagne présidentielle qui n’a même pas encore commencé aux Etats-Unis, nous en offre déjà un avant-gout. C’est un observatoire privilégié pour juger des effets nocifs de la désinformation sur l’existence de citoyens rarement préparés à l’affronter. Les propagandistes républicains, fers de lance de la campagne d’un Mitt Romney qui n’a pas froid aux yeux, nous font revivre le jeu périlleux décrit dans le roman d’Amélie Nothomb, mais avec en prime une dose de cynisme. En effet, peut-il exister dans un pays, phare de la démocratie dans le monde, une régression aussi flagrante dans le domaine des devoirs civiques que de restreindre la possibilité de voter de plusieurs millions de citoyens ? Peut-on concevoir un meilleur exemple de masochisme que l’applaudissement ou même la simple acceptation de la part des Républicaines de mesures aussi anachroniques que de procéder à des examens vaginaux préalables pour décider si une femme peut avoir ou non le droit de recourir à l’avortement ? Peut-on justifier dans un environnement moral sain la nécessité d’augmenter les impôts sur le revenu des démunis pour diminuer ceux des milliardaires sous prétexte qu’ils sont des créateurs d’emplois ? Peut-on encore assister impassible aux assassinats quotidiens de milliers de citoyens, dont de nombreux enfants, sans aucun droit de critiquer impunément les fabricants d’armes ou la publicité obscène qui vante les mérites de l’instrument qui sème la terreur et le deuil au sein des familles américaines ?

Ce n’est pas faux que partout, nous risquons de trouver des nationalistes obsédés qui, pour camoufler leur ambition de pouvoir - car il n’est point de pays qui ne souhaiterait être la première puissance du monde - font globalement des Etats-Unis le royaume de l’arrogance et de la démesure. Ils ne réalisent pas que dans leur mauvaise foi, ils forcent victimes et bourreaux à entrer dans le même panier. Leur aveuglement total, pour ne pas dire leur manifestation extrême d’ethnocentrisme, leur permet de s’abritent derrière l’amalgame même s’ils sont les premiers à protester énergiquement quand on leur applique la même médecine. Pourtant, il y a de la place pour une réaction plus rationnelle. Elle consiste à dire les choses telles qu’elles se manifestent, sans concession inutile mais sans fausse pudeur.

Dans cet ordre d’idées, pour montrer l’absence totale de scrupule de ceux qui font et défont les gouvernements dans le monde, y compris aux Etats-Unis, on n’a qu’à suivre l’itinéraire des millions qu’ils sont prêts à investir et les diverses raisons pour lesquelles ils le font. Veulent-ils fournir une assurance médicale aux millions de citoyens qui en sont encore privés ? Se prononcent-ils pour la modernisation des infrastructures qui crée des emplois et met fin à la disette qui déshumanise et détruit ceux qui n’ont commis qu’une imprudence : naitre dans un groupe minoritaire ? Finalement, sont-ils partisans d’attribuer à l’État la part qui lui revient dans les profits des citoyens et des institutions afin de justifier son existence ? Non ! Mille fois non ! L’objectif des investissements illimités des grandes compagnies pétrolières, de gaz et minières, des grandes banques et des compagnies pharmaceutiques, entre autres, consiste essentiellement, en plus de contaminer la planète et de réduire toute possibilité d’un rayonnement environnemental optimal, à alimenter les propagandes favorables à leur rapacité. Mais c’est aussi pour prendre en otage citoyens et gouvernements sous toutes les latitudes. À cette fin, ils ont conçu une nouvelle classe de mercenaires. Les mercenaires de la plume. Des instruments médiatiques prêts à vendre leur âme aux plus offrants. Puisque le travail est simple : jongler constamment avec la vérité pour jouer dans la tête des gens. Fussent-ils leur propre père, leur mère, leurs enfants ou leurs petits-enfants. Le lien de convergence des valeurs des Républicains et celles de ces Multinationales meurtrières n'est plus à démontrer. Dans de telles circonstances, nous n’avons pas d’argument pour faire mentir  Giambattista Vico en démontrant que l’humanité ayant accédé à la civilisation, elle n’est pas prête à revenir en arrière, à  retourner vers la barbarie ?






























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