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mercredi 13 juin 2012

Haïti versus des clichés académiques insipides

- Les corps d’une dizaine d’Haïtiens ont été repêchés sans vie au large des Bahamas.
- C’est grâce au président Martelly que les Haïtiens pourront visionner les matchs de l’Euro
- Le FMI satisfait des performances d’Haïti.

Qu’est-ce qui fait que ces mots agencés tels qu’ils le sont ici, constituent des nouvelles ? En Haïti, les nouvelles, c’est n’importe quoi. Ailleurs, là où les nouvelles sont un objet précieux parce que rare, elles assument tout le poids de leur valeur, des marchandises importantes qu’elles sont en réalité. Elles coûtent. Et quelquefois, elles coûtent cher. On ne les gaspille pas. Elles attirent donc irrésistiblement l’attention.
Ces titres et ces phrases tirés au hasard du Nouvelliste auraient pu être extraits de n’importe quel autre media haïtien, à n’importe quelle autre époque, dans n’importe quelle autre circonstance. Gouvernement de Duvalier (N’importe lequel des deux). Celui de Prosper Avril. Gouvernement de Cédras. D’Aristide. De Préval. Et le ton serait le même. La charge émotionnelle pourrait être superficiellement différente. Les jours ne sont pas forcément identiques. Il y a de petits détails qui changent quand même. N’oublions pas si vite qu’« on ne se baigne jamais deux fois dans les eaux d’un même fleuve » (Héraclite). Mais à peine si les gens s’en apercevraient. « L’habitude se transforme en vice », dit un vieux proverbe haïtien. La seule différence, c’est que les medias nous servent ces petits plats selon leur propre vision des choses qui se passent dans ce pays misérable. Des choses qui, dans les grandes lignes, ne changent pas.* Oh, pardon, des choses qui changent, mais à l’ envers. Ce n’est pas d’arrière en avant, ce n’est pas du pire au meilleur, ni même du pire au « moins pire », comme on dirait au Québec. Haïti fonctionne comme une machine éteinte qui ne roule plus que sur sa force d’inertie. A-t-on besoin d’être un expert en physique pour le voir ? Vous éteignez votre voiture. Mais vous étiez sur une pente. La force de la masse de cette machine continue de l’entrainer, pendant quelques secondes, sans avoir besoin d’une énergie externe. En d’autres termes, quel que soit celui que vous installez (ou qui s’installe) au timon, il n’a rien à faire. Il peut même économiser ses forces. La machine avancera quand même, malgré lui et malgré elle. Le seul problème, c’est qu’elle est sur une pente et que personne ne contrôle la descente. Destination ? L’enfer ! Ne blâmons donc point ceux qui font de nous de la nourriture pour l’enfer ! En effet, quand même nos accusateurs, plus fins que nous, plus subtils, mais plus arrogants, nous épargneraient ces insultes-là, qu’ils savent parfaitement injustes, nous les assumerions nous-mêmes, volontairement. C’est que le complexe d’infériorité, la perte de confiance en nous, risquent de nous mener jusque là. L’ignorance généralisée, ou presque, fruit de l’absence calculée d’écoles, d’universités, de centres de formation professionnelle (les intellectuels sont inutiles, selon le nouveau crédo), et autres y contribuent largement. Nous répéterons naturellement, sans qu’on nous y oblige, les insultes qui nous sont destinées. C’est comme si nous étions les relais naturels de nos contempteurs. Nous assumons la vision qu’ils ont de nous, les clichés qu’ils nous appliquent. Que faut-il d’autre pour former des sous-êtres ? Nos politiciens sont les premiers à nous imposer leurs propres tares, leurs propres mesquineries, leurs propres bornes. Et comme la seule chose qui s’est modernisée en Haïti, c’est la manière d’instrumentaliser, non pas le fait, mais le concept de DEMOCRATIE, on nous fait accroire que nous vivons en démocratie. Et nous le croyons. Ce n’est même pas par mauvaise foi. C’est par ignorance de l’existence d’autres termes de comparaison. Et nous vivons comme si c’était vrai (Là aussi, les medias ont une immense responsabilité). Et la mascarade continue. Jusqu'à ce qu’un nouveau naufrage, un nouvel assassinat, une nouvelle disparition, un nouvel enlèvement, une nouvelle faveur présidentielle (peu importe que les ressources appartiennent au peuple), de nouvelles commissions millionnaires sur des infrastructures accordées sans appels d’offres à des firmes étrangères et qui ne se réaliseront jamais, une nouvelle cargaison de stupéfiant ou d’autres ingrédients de la même diète, nous tombent dessus. Et la terre continue de tourner autour du soleil ou le contraire. Qu’importe ? Rendez-vous la prochaine crise pour de nouvelles divagations médiatiques!
* (Nous ne prétendons pas que ce numéro du Nouvelliste n’ait pas fait un bel effort d’objectivité)

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