Nombre total de pages vues

vendredi 25 mai 2012

La peur de rêver

Une caractéristique commune de tous les gouvernements haïtiens depuis Duvalier père jusqu'au dernier Préval, consistait à inaugurer des œuvres d’infrastructure qui ne l’étaient que de nom. On devrait même dire avec honnêteté, des bagatelles. Chaque fois que le gouvernement construisait un kilomètre de route, qui commençait à se dégrader avant même l’inauguration, une somme égale au cout de la construction était consacrée à l’inauguration en question. Le spectacle prenait le pas sur la réalité. Ce sont donc des spécialistes de la poudre aux yeux, des concepteurs de spectacles plutôt que des hommes d’état, des constructeurs. Au lieu de consacrer l’argent dont il disposait, si limité fût-il, à vraiment travailler à développer, à moderniser ce territoire, ils satisfaisaient les exigences limitées des moins exigeants. Une entreprise non pas modeste, mais mesquine, destinée à flatter, à impressionner, à étonner nos analphabètes dont les seuls termes de comparaison sont les murs, les fragments de fer-blanc ou les morceaux de carton dénudés qui leur servent de cloison contre l’intempérie. Face à la nature dénudée, dévastée, désertifiée qui est leur environnement, ils peinent à se trouver un exemple encourageant. Ou pa gen manman, tete grann ! Et sur cette philosophie, sur cette base fragile, branlante, ne reposant que sur des déchets auxquels on finit par s’adapter par habitude imposée moins que par vocation naturelle, on construit tout. Ou plutôt on rafistole tout. L’ignorance ici est moins une critique de la victime que la constatation d’un handicap à déplorer, à combattre, si l’on veut vraiment aider le peuple à se reprendre en main. C’est un mal dont la victime n’est pas responsable, que nous ne devrions pas alimenter par notre cynisme, notre indifférence. C’est un regard critique jeté sur l’obscurantisme des politiciens haïtiens, avec de très rares exceptions. Sommes-nous en train de rééditer ces exploits avec ce nouveau gouvernement ? En République dominicaine, les chefs d’Etat, même ceux qui ont la réputation d’être corrompus (il y a des degrés aussi dans la corruption), inaugurent régulièrement des œuvres d’infrastructure d’envergure : routes, ponts, usines, barrages, tunnels, etc. C’est une compétition dans laquelle chaque nouveau président essaie de dépasser ses prédécesseurs. Ce n’est donc pas un hasard, si ce pays, sous-développé parmi d’autres de la région, se révèle plus à même d’abriter n’importe quelle compétition internationale (football, baseball, basketball, etc), n’importe quelle activité de portée régionale et même mondiale. Il n’y a pas que Puerto Plata, Punta Cana qui, étant les pôles touristiques les plus populaires, soient en mesure de nourrir convenablement leurs habitants, de recevoir convenablement des étrangers, de construire des écoles dignes de ce nom pour les enfants qui y vivent. De nombreux autres points du territoire peuvent se vanter d’en faire autant ou presque. Les citoyens sont éduqués pour remplir des taches qui les stimulent et honorent ceux qui les gouvernent. Vous voulez avoir une idée de l’ampleur des choses dont les politiciens dominicains s’occupent ? La Place de la culture, le Théâtre national, le Phare à colon, le Métro de Santo Domingo, les avenues Georges Washington, Maximo Gomez,  et toutes celles qui serpentent sur le territoire jusqu'à la frontière avec Haïti, les ponts, les tunnels qui facilitent la circulation dans un pays où les voitures luxueuses ne courent pas le risque de sauter sur des nids de poule, de vous éclabousser si vous êtes trop proches, ou de laisser derrière elles des fragments à chaque coin de rue. Cessez de boucher des fissures, de dresser des chaumières, de raccommoder sans vergogne, de simples masures quand vous pouvez construire des maisons ! Ce n’est pas en vous étalant sur la paille, ce n’est pas en vous montrant en guenille, non rasé, malodorant que vous susciterez la pitié de vos donateurs. On peut être pauvre et fréquentable, recommandable. Un peuple dont les dirigeants sont privés de vision est un peuple condamné à s’éteindre. Ayez de grandes ambitions ! De minimis non curat praetor !




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire