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lundi 19 décembre 2011

Carl Braun rêve de révolution

Haïti: Carl Braun rêve de révolution. Celle de la croissance économique. Durable. Soutenable. « Il faut avoir 8,9, 10 % de croissance par an pour parvenir à donner du travail aux jeunes », confie Carl Braun, P.D.G de la Unibank, première banque du pays en capital, actifs, dépôts totaux, crédit, rentabilité et nombre de clients»... « Cette croissance économique ne se fera pas avec une baguette magique », prévient ce pionnier du secteur bancaire privé, précis comme un chirurgien en ciblant les défis à relever, les obstacles à surmonter, lors d'une longue interview accordé à Magik 9 ce vendredi.
« Il faut changer les lois qui méritent de l'être, changer notre réflexion sur l'action du secteur privé, permettre l'accumulation des investissements », détaille Carl Braun, très intéressé au vote de la proposition de loi du sénateur Youri Latortue sur la formalisation des actifs informels. Cette proposition de loi sera, soutient le banquier, une grande contribution à une révolution de la croissance, car ce ne sont pas les grandes fortunes mais les pauvres des zones urbaines qui en profiteront en disposant par exemple d'un titre de propriété susceptible d'être utilisé comme collatéral en vue d'obtenir un prêt.
Emballé par le boom économique que cette proposition de loi pourrait provoquer, Carl Braun ne fonce pas dans le tas n'importe comment, sans ceinture de sécurité, sans pré-requis. Il préconise une collaboration étroite entre l'exécutif, le Parlement et le secteur privé pour définir le modus operandi, l'aspect pratique de l'application de cette législation en vue d'obtenir les résultats escomptés.
Carl Braun, persuasif, insiste aussi sur l'importance du dialogue. Avec l'Etat, avec l'international. Gonflé de récriminations à cause de l'absence d'implication du secteur privé dans la préparation de la conférence sur les investissements les 29 et 30 novembre dernier à Port-au-Prince, Braun croit qu'il faut faire autrement. Il faut un dialogue clair entre les entrepreneurs nationaux et ceux venant de l'étranger pour créer une synergie bonne pour l'économie. « Je suis d'accord pour les investissements directs étrangers, mais ils ne peuvent pas être faits au détriment des investisseurs nationaux », confie Carl Braun, aussi tranchant qu'un couperet.
Dans un plaidoyer en faveur du secteur privé haïtien qui n'a jamais baissé pavillon, ni plié bagage et mis la clé sous la porte en temps de crise, Braun, avec fierté, cite l'exemple de l'entreprise Les Moulins d'Haïti (LMH), un complexe industriel qui vaut au moins 100 millions de dollars. « C'est l'un des plus gros investissements industriels en Haïti. C'est aussi l'un des plus gros investissements faits par des Haitiano-Américains », soutient Carl Braun,qui encourage l'Etat haïtien à étudier des modèles de partenariat avec le privé pour d'autres entreprises publiques certaines en faillite. L'Etat possède 30 % des actions de LMH et a perçu en treize ans plus de 6 milliards de gourdes de taxes et de dividendes, ajoute, très concerné par les fièvres ou les mauvais rhumes de l'économie, comme la question de la «rareté de dollars » ces dernières semaines. « J'ai entendu des gens parler de complot pour ne pas donner de cash. Sincèrement, c'est du pipeau », selon Carl Braun qui qualifie de « malheureux » que des gens pas informés induisent d'autres en erreur en montant en épingle une théorie de conspiration contre les déposants, 2,2 millions en tout dans le système bancaire dont 60 à 65 % sont en dollars us.
« Il n'y a pas de crise de liquidités. Il y avait une rareté de billets cash parce qu'Haïti importe le billet dollar. Et quand la demande augmente, il faut importer », explique et rassure le PDG de la UNIBANK, 900 000 comptes. Cette augmentation de la demande est due à une reprise du taux de croissance l'économie 9 à 10 mois après le séisme du 12 janvier 2010, à la hausse des transferts, à un afflux important d'argent pour les ONG qui font leur payroll en dollars us, explique Braun, élogieux à l'égard de la BRH qui a « réagi correctement » face à la situation en important des billets cash américains et en permettant aux banques commerciales de le faire afin de satisfaire les demandes de leurs clients.
Comme le gouverneur de la BRH, Charles Castel, Carl Braun croit que des efforts devront être faits pour passer du « cash society » à l'utilisation d'autres services Electroniques entre autres. Le banquier qui reconnaît les faiblesses en termes de disponibilité de cartes de crédit et/ou de débit dans tout le pays, revient sur les mesures en cours prises par la BRH et les banques commerciales pour rémêdier à la situation.
Entre-temps, conseille Braun, il n'y a aucune raison pour un client de risquer sa vie en se déplaçant avec de l'argent alors qu'il peut faire un chèque de direction pour effectuer ses transactions
L'homme d'affaires épris de révolution de la croissance économique,dont les propositions d'amendement de certains codes, législations touchant à la finance, aux affaires, ronge ses freins d'impatience. « J'aimerais plus de rapidité dans le suivi de ces propositions. Celles sur les coûts exorbitants de transactions pour enregistrer une hypothèque, sur l'impôt foncier, l'impôt sur les propriétés bâties », cite Carl Braun. « Je ne suis pas satisfait mais je reste optimiste », nuance-t-il, confiant que l'actuel chef du gouvernement, Garry Conille, et son équipe feront le nécessaire. La loi sur la copropriété est très importante, enchaîne Carl Braun qui réitère un appel lancé en juin dernier en faveur l'organisation d'un atelier réunissant les notaires, les commissaires du gouvernement et tous les acteurs concernés en vue de continuer l'identification des problèmes et d'analyser les solutions proposées.
Conscient de l'importance du Parlement dans la création du cadre juridique favorable aux affaires, Braun souligne que le secteur privé comprend la nécessité de renforcer ses relations avec les sénateurs et les députés.
Sans avoir le mythique cigare ou la barbe d'un Fidel Castro, d'un Ernesto Che Guevara, Carl Braun rêve de révolution. « Economique », précise, sourire en coin, un proche de ce géant, monteur de plusieurs banques et d'autres instruments financiers au cours des 20 dernières années...
L'intégralité de l'intervention de Carl Braun sur Magik 9 sera reprise samedi à midi 30, dimanche à 8h a.m. sur le 100.9 MHz et sur magik9haiti.com.


Roberson Alphonse
robersonalphonse@gmail.com

http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=100553&PubDate=2011-12-16

Commentaire
N'avons-nous pas raison de croire qu'il existe encore des professionnels, des politiciens, des gens honnêtes qui peuvent se démarquer de la grande masse d'irresponsables qui pullulent dans l'administration publique aussi bien que dans le secteur privé en Haiti? Carl Braun fait partie de cette élite morale et professionnelle, une espèce de sel qui préserve la société et lui permet de survivre face aux nombreuses prédations qui s'y opèrent incessamment. Le président Michel Martelly ainsi que le premier ministre Gary Conille, viennent de faire la déclaration de leur patrimoine. C'est un fait à souligner comparable à la situation antérieure. Un geste qui les honore, non qu'ils aient accompli une merveille du monde, car la loi le prévoit ainsi, mais ils semblent vouloir donner le bon exemple. Reconnaissons-leur le mérite d'avoir accepté de faire ce que leurs prédécesseurs ont résisté à faire depuis 1986. Cela au moins aurait épargné bien des millions à l'État qui en a un si grand besoin. Mais les députés, les sénateurs, les directeurs généraux, etc. qui font encore la sourde oreille, ne sont-ils pas en train de nous indiquer clairement quelles sont leurs convoitises? Ce qui est intéressant dans ce processus, c'est que Martelly qui a déjà commis pas mal d'imprudences, pourrait, s'il est bien conseillé, tirer un profit colossal en termes de capital moral et refaire son image aux yeux de la population assoiffée d'exemples. Plus d'un dans des circonstances semblables ont été surpris de voir jusqu'où le risque d'oser faire ce que l'on doit peut porter des fruits. Donnez-nous donc de nouvelles raisons de croire, messieurs les députés, les sénateurs, les directeurs généraux!

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