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dimanche 11 décembre 2011

EDITO : Petits souliers et grandes ambitions

Haïti: Cuba a tapé dans l'oeil du président Martelly. Les deux frères Castro ont dû lui parler d'or. Depuis son retour de Cuba, le président se montre très sensible à la cause de ce pays frère, proche géographiquement et ami fidèle qui, en dépit de ses difficultés internes, n'a jamais laissé tomber Haïti depuis que les relations diplomatiques ont été rétablies entre les deux capitales. Martelly pro-Cuba, on ne s'y attendait pas !
Le président a aussi succombé sous le charme d'un tèt kale comme lui : Hugo Chavez. L'un, par coquetterie, se rase la boule, l'autre, des suites de sa chimiothérapie, a perdu ses cheveux. Plus qu'un effet de mode, l'accolade de Caracas a, semble-t-il, scellé une amitié naissante. Le Venezuela, il faut le dire, chouchoute Haïti par reconnaissance bolivarienne qui se traduit par les millions de Petro Caribe.
Louanger la coopération avec le Venezuela, c'est célébrer la pompe à projets qu'alimente le fonds le plus disponible qui soit. L'argent de Chavez est plus liquide et plus accommandante que celui des institutions financières.
L'axe Cuba-Venezuela-Brésil a de beaux jours devant lui, même si le président n'a pas encore visité Brasilia.
Dans les valises de voyage de ce dernier mois, la CARICOM revient en force avec comme bonus l'Association des Etats de la Caraïbe. En peu de temps, le président du 14 mai s'est fait connaître en bien dans toute la région.
Les amitiés Sud-Sud donnent une ouverture à nos relations internationales. Même si une visite d'État à Obama, Sarkozy, Harper ou à Rousseff manque dans le décor. Avec ces anciens et toujours amis d'Haïti, il serait bon de resserer les liens face à face.
Le retour de voyage de ce vendredi de la délégation présidentielle n'a pas caché non plus la petite série de déconvenues qui emaillent la bonne tenue de nos relations étrangères. Après le deuxième report du déplacement en France, c'est l'Argentine qui va manquer encore une fois sur la liste des pays visités par le président Martelly. Une affaire de "woulib perdue" dans un avion surinamien a occasionné l'annulation du périple argentin.
Dans ses déclarations devant la presse au salon diplomatique de l'aéroport Toussaint Louverture, le président Martelly a minimisé l'affaire Argentine. Au programme, il n'avait qu'une seule rencontre bilatérale avec un éleveur de bétail qui visitera Haïti en février pour rattraper son rendez-vous manqué. Le président n'ayant pas accepté de questions, les journalistes n'ont pas pu lui demander si rien n'avait été prévu avec madame Kirchner, la présidente à l'intronisation de laquelle il se rendait.
La grande annonce de ce vendredi est l'ouverture prochaine d'une ambassade à Port of Spain. Trinidad, c'est loin, mais que voulez-vous ? après les 23 consulats en Afrique et le mannequin tchèque comme consul honoraire. On ne va pas s'arrêter en si bon chemin.
D'ambassade en consulat, le ministère des Affaires étrangères va s'étendre, gonfler ses effectifs et élargir son champ de représentativité. Cela coûtera cher, demandera des hommes et des femmes de talent ; mais la grande question est de savoir si la chancellerie pourra intégrer dans un vrai plan d'ensemble toutes ses ambitions.
Pourra-t-on mélanger harmonieusement affaires et affaires étrangères ?
La diplomatie a ses règles séculaires, codifiées, coulées dans le béton. On peut certes oser les bousculer sans jamais les ignorer. Sinon les " woulib" manquées, les rendez-vous annulés et autres petites peccadilles vont miner l'édifice.
Les détails sont le talon d'Achille de la diplomatie.

Frantz Duval
duval@lenouvelliste.com

http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=100284&PubDate=2011-12-09

Commentaire
S'il ne l'est pas déjà, le protocole devrait être l'antichambre de la diplomatie. Or parler de ce concept en Haiti, c'est à coup sûr, le meilleur exercice pour gaspiller du papier et de l'encre. Les chefs d’État et plusieurs de ceux qui leur sont proches en Haiti, depuis le départ de Jean-Claude Duvalier, en 1986, ont en horreur cette délicatesse personnelle qui reflète à la fois de la finesse dans le traitement des autres, du respect envers eux et envers soi-même, le souci de bien représenter le pays, entre autres. Quel fils, en effet, souhaiterait voir son père ou sa mère recevoir ses amis ou les leurs dans un état d'ivresse, de délabrement ou de grossièreté? C'est exactement le malheur qui nous tombe dessus quand le chef d’état ou un collaborateur se lève pour embrasser un chef d’état étranger qui n'a même pas terminé son discours, se présente à l'assemblée générale des Nations-Unies ou à n'importe quel autre évènement local ou externe, dans un vêtement qu'un crève-la-faim abandonnerait sous le lit de peur d’être seulement soupçonné de vouloir le porter. Quelquefois, à trop vouloir paraître original, on risque de sombrer dans le mauvais goût, pour ne pas dire autre chose. Un pays parce qu'il est pauvre, doit-il offrir constamment ces spectacles ridicules aux autres?

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