Le président Michel Joseph Martelly veut une armée nationale de 3 500 hommes d'ici juillet 2013 et la redynamisation du Service d'intelligence nationale (SIN). Le coût de ce projet ayant diverses composantes est, selon des estimations à prendre avec des pincettes, de 95 millions de dollars américains. Les amis d'Haïti, dont les Etats-Unis, ont été mis au parfum.Entre-temps, sur la toile, certains disent que le chef de l'Etat dévoile un projet qui donne froid dans le dos...Comme quoi, il se dévoile en dévoilant son plan sécuritaire.
Haïti: La création de la nouvelle force armée nationale coûtera 50 000 000 de dollars us. Quelque 15 000 000 sont prévus pour indemniser les militaires démobilisés. Et 30 000 000 seront alloués à un service civique mixte obligatoire portant l'ardoise à 95 millions de dollars us, selon un projet comportant les grands axes de la politique de défense et de sécurité nationales du président Michel Joseph Martelly dont le journal a obtenu une copie.
Le projet du chef de l'Etat comporte aussi le retour du Service d'intelligence nationale (SIN) dont les missions consistent à rechercher, regrouper, traiter, archiver l'ensemble des informations collectées par différentes entités afin de permettre aux hautes autorités de l'État d'avoir une idée exacte de la situation sécuritaire du pays et de prendre des mesures préventives contre des activités susceptibles de porter atteinte à l'ordre public et à la sécurité nationale.
« La fragilité de l'État haïtien aujourd'hui le rend vulnérable aux risques de troubles internes pouvant plonger le pays dans l'anarchie. Dans un tel contexte, l'État haïtien doit se doter d'outils adéquats pour prévenir ces menaces plutôt que de se mettre dans une posture défensive », d'après ce document, qui indique que les objectifs du SIN sont de prévenir et lutter contre le terrorisme ; prévenir et de lutter contre toute forme d'activités maffieuses et de réseaux de trafiquants illégaux de toutes sortes; surveiller les organisations et mouvements extrémistes qui veulent semer l'anarchie dans le pays; prévenir et lutter contre les menaces internes et externes; lutter contre la cybercriminalité et surveiller les installations et sites stratégiques ».
Le projet déjà dévoilé
Gardé dans une relative discrétion, ce projet comportant les grands axes de la « politique de défense et de sécurité nationales » a déjà été présenté à des représentants de pays amis d'Haïti dont les Etats-Unis, la France, le Canada, le Chili ainsi qu'à la Minustah et au PNUD, deux jours avant le périple du président Martelly à l'ONU, a confié sous le couvert de l'anonymat un des conseillers de ce dernier pour les questions militaires.
« Les chiffres et dates qui figurent dans le document doivent être relativisés », a-t-il confié au journal, soulignant au passage une « réception positive » du projet par les pays amis d'Haïti.
Les mots des Etats-Unis
« Nous avons assisté à un briefing avec des bailleurs de fonds dans lequel le gouvernement haïtien a présenté des informations pour la création d'une deuxième force », a confirmé pour le journal le porte-parole de l'ambassade des Etats-Unis à Port-au-Prince, Jon E. Piechowski.
« Actuellement, nous étudions cette proposition du gouvernement haïtien », a expliqué Jon E. Piechowski, qui a souligné qu'il ne pouvait pas dire pour le moment si son pays allait ou non financer la création de cette nouvelle force ou fournir de l'assistance technique.
Jon E. Piechowski a rappelé que son pays supporte la PNH. « Nous avons supporté la PNH pendant longtemps et nous continuons d'appuyer le développement de la police haïtienne ». « Les pays qui appuient Haïti ont parlé de la nécessité d'augmenter l'effectif et l'efficacité de la PNH », a-t-il ajouté.
Le RNDDH voit d'autres priorités
« La création d'une nouvelle armée n'est pas la plus importante des priorités pour Haïti après le séisme du 12 janvier », a estimé Pierre Espérance du RNDDH, soulignant la précarité de ceux qui vivent sous des tentes et le taux de chômage très élevé dans le pays.
« L'Etat haïtien ne peut même pas équiper la PNH », a signalé Pierre Espérance. « L'important, a poursuivi le militant des droits de l'homme, c'est de renforcer les unités spécialisées de la PNH pour qu'elles puissent faire leur travail ».
« Nous ne sommes pas contre l'armée, aujourd'hui, nous disons tout simplement que ce n'est pas la priorité », selon Pierre Espérance qui croit que c'est possible dans 10 à 15 ans, après la résolution de certains problèmes socio-économiques.
« Tout nouveau pouvoir en Haïti a tendance à constituer son propre groupe armé pour se consolider. L'Etat de droit ne peut fonctionner comme ça », a insisté Pierre Espérance, l'un des responsables du RNDDH qui, mi-juin, avait invité le chef de l'Etat, Michel Joseph Martelly, à se séparer d'ex-policiers à la moralité douteuse dans son entourage.
Selon des sources concordantes, certains responsables de la sécurité du pays dont des membres du CSPN, n'ont pas eu connaissance de ce plan. « C'est un diplomate étranger qui m'a donné une copie », a confié, laconiquement l'un d'eux au journal, mercredi 28 septembre, en début de soirée.
Ils vont créer un monstre
Sur la toile, ceux qui ont lu le document comportant les grands axes de la politique de défense et de sécurité nationales s'alarment. « Ce sont les prémices d'un Etat policier qui s'annoncent. On va surveiller les gens et assassiner au nom de la sécurité nationale », selon un observateur inquiet.
Un diagramme de différentes entités qui seront vraisemblablement surveillées par le SIN figure une catégorie qui fait le buzz dans lequel on retrouve : hôtels, casinos, bordels, médias, ect.
Comme balancier
Le président Michel Joseph Martelly avait confié sa crainte à la tribune des Nations unies à New York : Haïti, pays instable, risque de sombrer dans l'anarchie si la Minustah s'en va de manière désordonnée. Et, sans se voiler la face, il avait souligné que ceux qui réclament ce départ dans l'immédiat font de la politique pour déstabiliser le pays.
La mission onusienne, déployée mi- 2004, véritable balancier politique en Haïti, sert les desseins du chef de l'Etat qui - avec une commission composée d'experts militaires- a élaboré ce projet comportant les grands axes de la « politique de défense et de sécurité nationales ». Le président, selon ce document, « continue d'insister sur les négociations à mener avec les puissances amies d'Haïti, dont la contribution reste nécessaire pour la remobilisation de la composante militaire de la force publique tant dans sa formation technique, son entraînement que dans son équipement ».
Cette force, d'après le président Michel Joseph Martelly, doit être « une armée nationale dans sa conception, apolitique dans son fonctionnement, défensive dans ses opérations et qui compte dans ses rangs des professionnels (médecins, agronomes, ingénieurs, etc.), des techniciens environnementaux et des agents forestiers adéquatement entraînés. Ces cadres constitueront la base logistique du pays et les « réserves » de la force publique pour une meilleure réponse aux catastrophes naturelles ou tous autres dangers mettant en péril la vie et les biens des citoyens ».
Le plan de mise en oeuvre de cette nouvelle force, lit-on dans ce document, tient compte de l'apport éventuel de la Minustah quant à sa participation à la formation des recrues et à la disponibilité de ses bases pour les séances de formation et d'entraînement. Il comporte aussi la formation d'un effectif de 3 500 hommes sur une période de trois ans et demi, selon le chronogramme ayant par exemple, entre le 18 novembre 2011 et janvier 2012, des activités visant à finaliser le recrutement de la première promotion, l'implantation des bases militaires de l'armée de terre, des bases navales et pistes d'atterrissage jusqu'au mois de juillet 2013 où le désengagement progressif de la Minustah sera entamé.
Le président Michel Joseph Martelly, arrivé au pouvoir il y a quatre mois, avait promis de garantir la sécurité des vies et des biens et l'instauration d'un Etat de droit. L'un des quatre E...
Roberson Alphonse
ralphonse@lenouvelliste.com
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=97699&PubDate=2011-09-28
Commentaire
Après la chute de Duvalier en 1986, tout le monde sait comment l'armée, seule détentrice d'un pouvoir réelle, et seule force organisée (avec l’église catholique, dans une moindre mesure), faisait la pluie et le beau temps dans le pays. C’était un corps formé et discipliné par et pour cette dictature qui a duré 29 ans. Mais l'armée a pris la relève de la dictature d'une manière encore plus dangereuse puisqu’à la répression policière et militaire, s'ajoutait le trafic de drogue. Cette situation qui ne s'est pas limitée à la période de transition, a même contaminé des gouvernements démocratiquement élus (à partir de 1991)dont plusieurs membres ont été jugés, aux Etats-Unis notamment, pour introduction illégale de drogue sur ce territoire. Plusieurs visas ont été révoqués, des extraditions demandées par la France et par les Etats-Unis. C'est ce type d'arguments qu'a utilisé Aristide pour dissoudre ce corps qui depuis n'existe plus (nominalement). Tout le monde sait que cette action, souhaitée par toute la population, surtout ceux qui en ont été victimes, s'est quand même réalisée de manière irrégulière. Ceux qui ont perdu leur poste n'ont été ni désarmés, ni indemnisés. D'où un danger potentiel sur la tête de la population. Aristide fut le premier à en faire les frais. En témoigne son exil de 2004, provoqué par un groupe de ces ex-militaires. Bref, l'improvisation, dans ces domaines n'est jamais bonne conseillère. Maintenant, un fait demeure, c'est la présence des soldats de la MINUSTAH*. Cette force a contribué à empêcher le chaos après le départ d'Aristide en 2004 tout comme avant son retour en 1994. Cette même MINUSTAH entreprend même, surtout depuis, le dernier de ces évènements, de former des jeunes, de rendre l'eau potable dans certaines communautés et même de protéger des biens quand un de ces groupes qui terrorisent certains quartiers populeux, mérite d’être maîtrisé. Mais sa présence a suscité aussi des craintes, et même des problèmes concrets: le choléra (introduit involontairement par des soldats du Népal,plus de 6000 morts), la prostitution, dont le dernier cas du viol présumé d'un jeune garçon de 18 ans dans la communauté de Port-Salut (Sud d'Haiti). Les manifestations violentes provoquées par ce dernier cas où sont impliqués cinq soldats uruguayens, coûtent beaucoup à ce pays dévasté. Dans de telles circonstances, étudier la possibilité du retrait de cette force en même temps que la mise sur pied d'une armée pour la remplacer, n'est pas une idée saugrenue. Il faudrait néanmoins que cette nouvelle force soit suffisamment bien formée, professionnalisée pour apprendre à gérer la démocratie, respecter les droits des citoyens et ne pas reproduire les vieilles habitudes de ses prédécesseurs. Et cela, sauf un débat national de tous les secteurs et surtout des organismes de défense des droits de la personne (qui ont accumulé de l’expérience) pourrait le rendre possible. Alors et alors seulement, le retrait graduel des forces de l'ONU pourrait être envisagé. Et ce, à mesure que les nouveaux soldats se formeraient et entreraient en fonction. Tout autre alternative semble nous condamner à répéter constamment les mêmes erreurs. Le départ? Oui! Mais dans quelles conditions?
*Mission des Nations-Unies pour la Stabilisation d'Haiti.
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