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vendredi 21 octobre 2011

La classe politique juge déjà Conille

L'an un du gouvernement Martelly-Conille a commencé cette semaine. Les attentes de la population sont nombreuses. Garry Conille et son équipe doivent donner des résultats. Sceptique, une partie de la classe politique veut quand même leur accorder un temps de grâce tout en étant vigilante. L'autre partie, très critique, est passée dans l'opposition et n'attend rien du pouvoir. Ils s'adressent au Premier ministre à travers Le Nouvelliste.
Haïti: Manque d'expérience politique. Absence de connaissance des dossiers. La nouvelle équipe gouvernementale est au pied du mur. Les défis sont énormes. La sécurité publique, la création d'emplois, la cohésion sociale qui permettra de diminuer la tension, notamment chez les plus défavorisés, l'application du pacte de gouvernabilité que prône l'Alternative, sortir les sinistrés sous les tentes sont, entre autres, les attentes de Evans Paul, leader du KID, même s'il ne cache pas son scepticisme par rapport à la réussite du nouveau gouvernement.
Trois raisons expliquent ses doutes. D'abord, l'inexpérience politique des deux principaux responsables du pouvoir exécutif, en l'occurrence Michel Martelly et Garry Conille. Ensuite, l'absence de cohésion dans la façon dont les ministres ont été choisis. Et enfin, le caractère conflictuel du chef de l'Etat préoccupe énormément le porte-parole de l'Alternative. A chaque prise de parole, le président crée des problèmes soit avec le Parlement et la presse, soit avec d'autres secteurs, dénonce M. Paul.
Le coordonnateur national de l'OPL, membre de l'Alternative, est plus critique par rapport à ce gouvernement. Il ne mâche pas ses mots. « L'Alternative est dans l'opposition. Nous faisons une opposition responsable, démocratique et constructive », a martelé Sauveur Pierre Etienne. Selon lui, ce gouvernement est une coalition de INITE, de Lavalas et de duvaliérisme. « Nous ne savons pas combien de temps va durer cette lune de miel. Le nouveau gouvernement pourra-t-il respecter ses engagements farfelus et les promesses de campagne du président Martelly ? », s'interroge-t-il, perplexe.
Dans la déclaration de sa politique générale, ajoute-t-il, le Premier ministre s'est comporté comme un véritable charmeur, quelqu'un en campagne. « Nous ne croyons pas que cette équipe ait de la cohésion, ni de la vision, ni la capacité de matérialiser les promesses faites au peuple haïtien, dit-il. Nous voulons que cette nouvelle équipe fonctionne dans un cadre démocratique pour l'instauration d'un État de droit. Elle doit mettre en branle le processus de normalisation des institutions de l'Etat... »
Pour Mirlande Manigat, l'investiture de ce gouvernement est une bonne chose pour le pays, cinq mois après la prise du pouvoir par Michel Martelly. Maintenant, souligne-t-elle, il faut voir sa composition et le programme qu'il aura à exécuter. La secrétaire générale du RDNP ne connaît que deux des 18 ministres du gouvernement Martelly-Conille. Le ministre de la Justice, Josué Pierre-Louis, et celui du Commerce et de l'Industrie, Wilson Laleau. Elle ne connaît Daniel Supplice qu'à travers ses livres.
Selon l'ancienne candidate à la présidence, la composition de l'équipe de Garry Conille fait problème. « C'est un mélange d'irresponsabilité, de vulgarité et d'absence de connaissance des dossiers. Le nouveau Premier ministre peut-il se distinguer par rapport à Michel Martelly ? Aura-t-il sa propre marque? Selon la Constitution, il est le chef du gouvernement. Mais tout le monde sait dans quelle condition il est arrivé à ce poste...C'est un peu problématique... », souligne-t-elle, indiquant que son parti politique est dans l'opposition.
La responsable de parti n'approuve pas la façon dont Michel Martelly mène la barque du pays. Toutefois, Mirlande Manigat veut donner un temps de grâce au nouveau gouvernement pour voir s'il peut faire la différence, même si elle a des doutes quant à la réussite de la nouvelle équipe. « On ne peut pas prévoir ce qui va se passer », reconnaît-elle.
Mme Manigat veut construire une opposition solide. « Nous sommes en train de mettre sur pied une forme d'opposition qui existe dans la Caraïbe anglaise, même s'il ne faut pas rêver... ; de manière tout à fait pacifique et démocratique, on se prépare à prendre les rênes du pouvoir... », avance-t-elle.
De son côté, le leader du GREH baisse un peu le ton. « Je crois personnellement que c'est un gouvernement qui va devoir agir à l'intérieur d'un système de priorité. Il y a des dossiers extrêmement lourds et ils sont tous prioritaires. Son succès va dépendre des choix stratégiques et de sa capacité de maîtriser les facteurs externes à Haïti, une certaine cohérence et beaucoup de discipline au plus haut sommet de l'Etat », explique Himmler Rebu.
Selon lui, il est du devoir de la population d'accorder un temps de grâce à ce nouveau gouvernement.
Même si Garry Conille promet un pacte de vivre-ensemble, l'initiateur de l'idée de la « conférence nationale » se dit sceptique quant à la réalisation des promesses faites par le gouvernement Martelly-Conille. Turneb Delpé, qui a laconiquement répondu à une question du Nouvelliste quelques minutes avant de prendre l'avion, indique que le vivre-ensemble cité dans la déclaration de politique générale du Premier ministre ne rejoint en rien la « conférence nationale ».
Selon l'autre responsable de la plateforme politique Rassamble, ils n'attendent pratiquement rien du nouveau gouvernement. « Nous n'avons aucune attente de ce gouvernement. Le dialogue national et la réconciliation nationale doivent venir avant toute autre chose», soutient Jean André Victor. Toutefois, l'homme politique dit attendre de voir le gouvernement à l'oeuvre.
Au-delà de ses préoccupations, Evans Paul dit souhaiter que ce gouvernement réussisse. « Chaque fois qu'un gouvernement échoue, c'est le pays qui en paie les conséquences. Aucun gouvernement ne choisit délibérément d'échouer », dit-il. Son collègue, lui, ne demande qu'une seule chose: « Nous souhaitons seulement que le nouveau gouvernement n'instaure pas la présidence à vie ni l'ancien régime », Sauveur Pierre Etienne dixit.
Si, pendant les cinq derniers mois, le président Martelly s'est plaint de l'absence d'un gouvernement pour faire atterrir sa politique, il sera maintenant évalué sans excuse ni alibi.

Robenson Geffrard
rgeffrard@lenouvelliste.com

http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=98479&PubDate=2011-10-20#Suite

Commentaire
L'opposition en Haiti n'a pas toujours existé. Et cela a été pendant longtemps le signe le plus clair de mutilation du pouvoir. Nous ne parlons pas du pouvoir détenu par un individu ou un petit clan. Mais de celui qui caractérise un gouvernement démocratique. Or, par la force des choses, et malgré des trébuchements visibles, Haiti n'a jamais été si proche de la démocratie. Ce qui est encore plus étrange, c'est que cela ne semble même pas obéir à la volonté expresse de ceux qui dirigent comme une vocation finalement réalisée; c'est le peuple qui, par sa persévérance, par son insistance a forcé la main aux politiciens pour en arriver là. Maintenant que va-t-on faire de cette occasion en or pour l'avenir de ce pays qui ne peut plus souffrir? Assisterons-nous aux verbiages traditionnels de ceux qui doivent d'une part justifier leur salaire de fonctionnaires en nous lançant de la poudre aux yeux? (Discours patriotiques enflammés mais vides...), d'autre part revêtir une fausse casaque d'opposant pour tout simplement dire qu'ils sont là pour être là? L'opposition sera-t-elle une fois de plus réduite à un simple prétexte pour légitimer un gouvernement qui se tient loin du peuple? (La patte manquante de la vraie démocratie mais utilisée ici seulement pour nous faire accroire...). Dans un pays qui se construit-vous voyez que nous sommes optimistes-tout est possible. Il nous échet d’être vigilants et de ne rien passer sous silence. Mieux vaut prévenir que guérir. Les maux que nous ont causé les dictatures (ouvertes et masquées) de 1986 à 2004 nous ont coûté trop cher et la tentative de démocratie que le dernier gouvernement a essayé de son mieux d'asphyxier par l’incompétence de Préval tarde encore à reprendre sa respiration normale. Prenons soin d'elle! C'est tout l'avenir du pays qui en dépend. Et puis quelle garantie avons-nous qu'une autre chance se présentera?

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