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lundi 17 octobre 2011

L'Edito des autres

Circuler en Haïti, marche arrière

Haïti: Par Hérold Jean-François

Circuler sans contrainte en Haïti n'est plus, semble-t-il, une garantie des lois et de la Constitution du pays, qui préconisent la libre circulation des citoyens sur le territoire sans aucune forme de contrainte. Aujourd'hui, au Cap-Haïtien, par exemple, tout arrivant en voiture est l'objet d'investigation de la part de la police à Barrière-Bouteille où, comme on le faisait sous la dictature duvaliériste, les plaques des véhicules et le nom du chauffeur sont consignés sur un cahier. On est revenu à l'État policé d'avant le 7 février 1987 et surtout d'avant la publication de la Constitution du 29 mars 1987 qui, en ses articles 27 et 27-1, condamne les violations de la liberté individuelle et octroie au citoyen les droits de recours contre les fonctionnaires de l'État violateurs de ces libertés, à quelque corps qu'ils appartiennent.
Par ailleurs, laisser le territoire haïtien par la frontière, qui était jusque-là une simple formalité, devient de nos jours plus compliqué. De nouvelles dispositions portant sur la fouille des effets personnels des voyageurs sont désormais de rigueur à la frontière. La police nationale fouille tous les passagers dans des conditions bancales. Deux bureaux (mobiliers) en mauvais état sont utilisés pour cette opération sur la cour de la douane de Malpasse. Qu'est-ce qui a changé pour que l'on revienne à ces pratiques qui rappellent l'époque des tracasseries dans les multiples avant-postes des Forces Armées d'Haïti avant l'entrée dans l'ère démocratique ?
Qui a passé l'ordre de revenir à cette pratique de fouille et d'enregistrement des documents des véhicules qui transitent d'un département à un autre ? Pourquoi la police nationale doit-elle faire le travail de la douane dominicaine à la sortie des voyageurs en Haïti ?
Conventionnellement, c'est le pays d'accueil qui s'assure que les voyageurs entrant sur son territoire ne soient porteurs d'aucune marchandise ni de produits illicites, la douane du pays de provenance s'occupant pour sa part des bagages et marchandises de ceux qui arrivent du pays voisin. Ainsi en est-il sur toutes les frontières. Pourquoi cette spécificité haïtienne ? Pourquoi la PNH doit-elle mobiliser son personnel pour faire le travail des douaniers dominicains alors que l'on se plaint du manque de disponibilité de policiers pour accomplir les multiples autres tâches de routine, de surveillance et de sécurité ? Paradoxalement, la douane dominicaine à l'entrée de Jimani est assez complaisante dans le contrôle des bagages des voyageurs arrivant d'Haïti. Le plus souvent, il ne s'agit que d'une simple formalité de routine, on dirait pour la forme.
Au départ d'Haïti, les passagers, traditionnellement, n'ont qu'à accomplir les formalités liées à l'immigration haïtienne pour le contrôle du mouvement du flux de sortie des citoyens et des étrangers résidant dans le pays.
La nouvelle administration Martelly veut-elle faire marche arrière sur les acquis démocratiques en prétendant restreindre à nouveau les libertés publiques ? Les anciens responsables des services de sécurité d'avant le 7 février 1986 autour du président Michel Martelly sont-ils les inspirateurs de ces nouvelles dispositions contraignantes ?
En tout cas, après plus de vingt-cinq années de jouissance des libertés publiques, la population, globalement, acceptera difficilement de revenir à des pratiques antidémocratiques réduisant sa liberté de circuler sans contrainte sur le territoire et au départ du pays, en violation de ses droits et des garanties constitutionnelles. Le nouveau pouvoir doit rectifier le tir et ne pas se laisser influencer par des conseillers mal inspirés, artisans de pratiques qui ont modelé la vie en Haïti avant l'ère démocratique et qui ont valu à nos anciens dirigeants toute la grogne qui a contribué à leur impopularité et au soulèvement qui les a chassés du pouvoir.
Ce texte a été diffusé sur Radio IBO le 12-10-11
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=98269&PubDate=2011-10-14

Commentaire
Ces pratiques légitimement critiquées par Hérold Jean-François révèlent de deux choses l'une. Ou le gouvernement n'ayant pas une équipe (des conseillers) qualifiée, se croit obligé de procéder ainsi pour "changer les choses" (faire du pays la risée du reste du monde), ou il agit selon l'humeur du chef de l'État qui oublie ou n'a pas encore appris que "De minimis praetor non curat". Ce n'est pas à lui, président d’être partout en même temps. Car à trop vouloir être partout, il ne serait en réalité nulle part. Et ce nouveau gaspillage d'énergie serait dommage pour le pays! Quel que soit donc le scénario considéré, la situation est troublante au moment où précisément, par manque de ressource et par souci de modernité, tous les gouvernements dignes de ce nom, ont l'universel objectif de rendre chacune de leurs activités rationnelle, ou plutôt, extrêmement rationnelle. C'est à la fois une question d’efficacité, d’économie, d'harmonie avec le reste du monde civilisé et de satisfaction pour les citoyens. Alors osons être optimistes malgré tout et souhaitons qu'un conseiller lucide expliquera au président la manière correcte de faire les choses et qu'il corrigera le tir! Est-il jamais trop tard pour bien faire? Pourvu qu'on fasse vraiment quelque chose.

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