Haïti dans un monde instable et incertain
Haïti: Par l'effet de quel inexorable ressort l'instabilité externe entraîne-t-elle des complications néfastes sur le cauchemar interne ?
Il est certainement instructif de le rappeler aux Haïtiens, notamment aux protagonistes «jusqu'au-boutistes» de l'après-Préval. Le malheur est que nos dirigeants et aspirant dirigeants sont tellement absorbés par les mirages de la politique qu'ils ont laissé s'accumuler au fil des ans les problèmes de gouvernance économique, de fluctuations de l'assistance internationale, d'invasion des ONG, du secteur privé, de pauvreté, de fuite des capitaux, etc.
Apparemment, ils semblent négliger ou banaliser cet aspect fondamental de la question, c'est-à-dire les rapports de dépendance que notre pays entretient avec la communauté internationale dans presque tous les domaines. Aveuglement pathologique ! Nous en voulons pour preuve, s'il en était besoin, l'apport budgétaire (65%) des pays amis et des institutions internationales à l'Etat haïtien depuis ces dernières années. L'aide alimentaire reçue de l'étranger n'a fait que grimper aussi. Frappée par des crises politiques à répétition, Haïti est un pays sous perfusion internationale, on l'oublie souvent. Ce sont les catégories sociales démunies qui sont toujours les premières victimes de nos dissensions.
On ne peut rien comprendre alors aux conséquences fâcheuses de cette sempiternelle crise de maturité haïtiano-haïtienne, si on l'oublie. Ainsi, l'Europe (Portugal, Grèce, Italie, Espagne) - comme les Etats-Unis, comme la plupart des autres pays du Moyen-Orient (Tunisie, Egypte, Lybie, Irak, Syrie, Palestine) - ne connait quasiment aujourd'hui qu'une grave crise : la peur du lendemain. En clair, les pays européens et notre principal bailleur de fonds, on l'a vu et dit, font face à de graves crises financières qui risquent de contaminer le monde entier, menacé en permanence par le réchauffement climatique, le terrorisme et autres catastrophes. Les pires tempêtes boursières et bancaires, les escroqueries et les arnaques nées de la crise des subprimes, qui ont pollué le monde occidental, depuis plus de dix ans, d'Athènes à Buenos Aires et de New York à Tokyo, ont eu pour source l'endettement public, pour proie la spéculation financière et pour finalité le laxisme budgétaire. La stupeur et l'horreur qu'elles provoquent sont aussi dévastatrices et enracinées que la guerre, l'insécurité chronique, le terrorisme, la drogue. Les performances des pays émergents sont, elles aussi, menacées par cette association d'Etats en faillite.
Un petit Etat, pauvre et décrié comme le nôtre, doit faire taire ses vieux démons de l'instabilité politique, de l'aventurisme, du suicide collectif, de la course au néant. L'aide internationale n'est pas éternelle, du moins sur tous les plans. C'est avec cette perspective-là qu'il nous faut compter, sinon nous habituer. Sans cette prise de conscience nationale alimentée par le patriotisme et la raison, le dialogue constructif et la volonté de changement, l'Haïti de Michel Joseph Martelly - pour laquelle bon nombre de citoyens électeurs se sont mobilisés dans les conditions surréalistes que l'on sait - risquerait de ressembler en fin de compte à une tempête boursière.
Pierre Raymond Dumas
padreramondumas@yahoo.com
Tél : 3903-8505/3557-9628
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=96109&PubDate=2011-08-17
Commentaire
M. Dumas, vous vous alarmez avec raison face à la déraison de nos politiciens. Mais il y a un problème encore plus grave que la crise, c'est l'ignorance de la crise par les acteurs locaux. S'ils lisaient des articles comme celui-ci, regardaient, ne serait-ce qu'une fois l'an, les statistiques concernant le pays, sur le plan educatif, alimentaire, sanitaire, economique, etc., et s'ils comparaient ces données avec celles d'autres petits pays comme le nôtre, ils seraient tout aussi alarmés, peut-etre que vous. Ils se contentent d'attendre impatiemment le prochain chèque du gouvernement, vont au bureau dire ce que leur chef leur demande de dire (je vois d'abord le parlement), comme ces mauvais étudiants qui s'infiltrent dans un groupe pour profiter du travail de la petite minorité qui travaille vraiment. C'est ainsi que vous côtoyez des professionnels qui ne le sont que par le titre mais dans les faits, n'accéderont jamais à ce statut. Il en est de même de presque chacun de ceux qui dépendent de l'état haitien. Quand ils sont véritablement laborieux et qualifiés (heureusement qu'il y en a quelques-uns!), ils agissent, ils travaillent mais avec prudence, sans trop se faire remarquer car ils savent qu'ils sont en danger. Pensez à un certain cadre d'une banque d'un pays que vous connaissez...! C'est compliqué? Je sais, mais c'est cela, malheureusement, la politique haitienne!
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