Haïti: Port-au-Prince, le 9 août 2011
Honorable Rodolphe JOAZIL
Sénateur de la République
Président de la Chambre du Sénat de la République d'Haïti
En ses bureaux
Monsieur le Président,
Je m'apprêtais à vous contacter lorsque j'ai reçu un texte abordant les mêmes sujets qui me préoccupent. Je me suis donc ravisé et j'ai plutôt décidé de vous adresser la présente.
Au cours de ces dernières semaines, en effet, j'ai dû en maintes fois aborder diverses questions concernant la vie parlementaire durant mes rencontres avec des journalistes. Je vous écris aujourd'hui dans le but de consigner ma position, tout en vous demandant de bien vouloir utiliser votre autorité, votre expérience et votre sagesse pour prendre les mesures adéquates.
Je voudrais commencer par la question cruciale de l'absentéisme au Sénat de la République. Elle constitue une insulte à la confiance placée en nous par nos mandants et il est urgent que nous trouvions un point d'entente à ce sujet. En ce sens, la publication hebdomadaire d'un tableau des présences aux séances du Sénat serait un bon début vers la normalisation des activités à la Chambre haute. Et, dans le même ordre d'idées, l'introduction du vote électronique me paraît une option indispensable à la bonne marche de l'assemblée et à la transparence que nous devons à nos électeurs.
Il en est de même du cadre de travail général, où l'absence d'espace individuel constitue un handicap majeur au travail du Sénateur. Le bâtiment transitoire actuellement en construction ne prévoit rien de la sorte et je vois difficilement nos collègues dans cet environnement qui ne semble adapté qu'au travail en assemblée.
Le Parlement haïtien risque de perdre toute crédibilité si nous ne prenons pas en compte tous ces faits. Nous devons refléter les aspirations de ceux qui nous ont chargés de les représenter. Aujourd'hui qu'attendent-ils de nous? Sommes-nous, à leurs yeux, à la hauteur de notre tâche? Nous devrions nous consulter et nous interroger plus souvent à ce sujet.
En deuxième lieu, je vous saurais gré d'envisager une séance spéciale sur la version finale de la constitution amendée à publier au journal officiel de la République. Pour mettre fin au flou persistant et travailler avec l'Exécutif à sortir de l'impasse actuelle, je proposerais de nous réunir pour visionner ensemble la bande vidéo de la séance du vote de cette constitution amendée. Cette séance spéciale serait aussi retransmise en direct et tous ceux qui le veulent et qui le peuvent la suivraient et observeraient notre travail. La finalisation de ce dossier d'amendement est si importante, qu'elle serait la moindre des choses à offrir à nos mandants, une fois de plus, par respect pour eux.
Pendant que nous y sommes, pour quoi ne pas mettre en place une commission qui travaillerait avec les différents concernés de notre société à préparer les lois d'application des articles de la constitution. Ceci pour éviter tout malentendu entre esprit et texte de la loi mère, une fois pour toute!
La préoccupation dominante, qui occulte presque toutes les autres, touche au choix du nouveau Premier Ministre. Monsieur le Président, notre régime démocratique est de facture récente et de ce fait très vulnérable et très fragile. Bientôt nous serons à notre troisième tentative de ratification d'un Premier Ministre et déjà des voix s'élèvent au Parlement pour dire que X n'aura aucune chance ... Je sais que les enjeux sont hautement politiques dans la ratification du choix d'un Premier ministre, cependant, comme le répète une bonne partie de notre opinion publique, notre constitution donne aussi au Parlement le pouvoir de censurer un gouvernement qui s'aviserait de s'écarter de la politique générale qu'Il aurait approuvée.
De ce fait, je vous suggérerais de mettre tout votre poids dans la balance pour obtenir que les différents groupes au Parlement, ensemble avec le Président de la République, se mettent d'accord pour régler cette épineuse question. Je me permets de vous rappeler que non résolution de ce problème est la source de l'insécurité qui commence à prendre des proportions très préoccupantes, sans parler des problèmes liés à la saison cyclonique en cours et à la prochaine réouverture des classes.
Maintenant, venons-en à la question du CEP. Cette institution est au plus bas de son histoire et pratiquement caduque suite au départ du pays des Conseillers Léonel Raphaël, Guerrier Anténor et Jacques Belzin. Par ailleurs, le président Gaillot Dorsainvil et les conseillers Ribel Pierre et Ginette Chérubin sont absents ou démissionnaire, sans parler du décès du conseiller Enel Désir. Nous en sommes donc réduits à un CEP privé, de manière fonctionnelle, de 7 de ses 9 membres. Comment prévoyons-nous l'organisation des élections devant permettre le renouvellement du tiers du Sénat et des collectivités en octobre ou novembre 2011? Nous aurons à statuer sur la proposition d'amendement de la loi électorale sous l'égide de laquelle se dérouleront justement ces importantes élections. Il est de notre devoir d'aller au-devant de toutes difficultés éventuelles à ce niveau.
Un autre sujet d'importance est la loi sur les partis politiques. Nous ne saurions aborder le cas du CEP et celui des prochaines élections sans évoquer la question du statut des partis politiques. Une loi sur les partis politiques est en débat au Sénat depuis septembre 2009, dont le vote s'était arrêté à l'article 32. Repris cette année
depuis plus d'un mois, le vote a été de nouveau suspendu et est ainsi bloqué depuis plus d'un mois (séance suspendue depuis plus d'un mois, non reprise jusqu'à ce jour). Terminons le vote et mettons fin au désordre des partis politiques à louer ou à vendre, travaillons à implanter solidement la démocratie en Haïti.
Finalement, n'est-il pas temps de publier le rapport de la Commission d'enquête présidée par l'honorable Sénateur Beauzile sur les falsifications relevées dans le texte de l'amendement supposément voté par l'Assemblée nationale et publié au Moniteur? La même question vaut pour le rapport de la Commission d'enquête de l'Honorable Sénateur Latortue sur les deux tours des élections si controversées de 2011. J'espère que les deux textes seront disponibles sous peu et que l'opinion
publique haïtienne pourra profiter du fruit des travaux desdites commissions sénatoriales.
Monsieur le Président, je sais combien vous et bon nombre de nos collègues partagez toutes ces préoccupations que je viens de vous rappeler. Je compte donc sur votre appui et sur votre compréhension. Je vous remercie de votre attention et je vous renouvelle l'assurance de ma très haute considération et de ma plus parfaite collaboration, pour le plus grand bien de notre chère patrie.
Steven I. BENOIT
Président de la Commission
Anticorruption et droits humains
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=96097&PubDate=2011-08-16
Commentaire
C'est bien dit, très bien dit. Mais cette voix de la sagesse trouvera-t-elle un écho au sein de cette assemblée, d'abord auprès du président du sénat haïtien? Laissons les faits répondre à cette question. Car il serait honteux de clore dictatorialement et en privé une discussion commencée en public. Et c'est le genre d'aberration qui risque une fois de plus de ternir la réputation de ces sénateurs sauf évidemment les exceptions obligatoires dont fait partie M. Steven Benoit et quelques rares autres. Le pays n'en peut plus de supporter des paresseux, des gobe-chèques qui jurent de ne rien faire pour justifier leur salaire et encore moins la confiance du peuple. !Que verguenza!
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