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mardi 12 juillet 2011

Arithmétique haïtienne : 29 sénateurs peuvent voter, 18 pour, 16 contre

Alors que 16 sénateurs ont annoncé vendredi qu'ils ne voteraient pas pour Bernard Gousse, de retour d'Espagne, samedi, le président Martelly a annoncé que 18 sénateurs sont prêts à donner un vote favorable à son Premier ministre désigné. Une guerre psychologique de chiffres et de déclarations entre le Parlement et l'exécutif sur fond d'arithmétique: il y a 30 sénateurs seulement.

Haïti: La confusion est à son comble au Sénat de la République suite aux déclarations du chef de l'état Michel Martelly qui, commentant la position du groupe des 16 sénateurs soutenant une position contre la ratification de Me Bernard Gousse, a déclaré que 18 sénateurs seraient prêts à voter en faveur de son premier ministre désigné.
Un groupe de 12 sénateurs constituait initialement l'opposition à la chambre haute. Deux abandons occasionnels ont eu lieu. Le 3e sénateur des Nippes, Nenel Cassis qui avait abandonné le groupe majoritaire s'est rallié à ses ex-camarades de la plateforme INITE. Il en est de même pour l'un des chefs de file de l'opposition au parlement Evalière Beauplan qui s'est, lui aussi, rangé du coté du camp adverse, hostile a Bernard Gousse.
Selon le sénateur Youri Latortue un groupe des ses collègues, issus des formations politiques Ayiti Annaksyon, alternative et autres seraient prêts à voter en faveur de Me Gousse si ses pièces sont conformes aux exigences constitutionnelles estimant que la démarche des sénateurs du groupe majoritaires « n'a aucune valeur légale ». Michel Clérié et Edwin Zenny élus sous la bannière INITE se prononcent aussi pour la ratification de l'ex ministre de la justice portant à 12 l'effectif du groupe minoritaire.
Les deux groupes respectivement de 17 - si on doit compter Anacacis - et 12 ont au total 29 membres soit le nombre de potentiels votants, le président du Sénat n'ayant pas le droit de voter. L'opération arithmétique parait impossible pour faire passé Gousse mais en politique certaines portes ne sont que rarement fermées. Si le président Martelly a parlé de bonne foi on devrait s'attendre à des défections au sein du groupe anti Gousse.
Les pro et anti Gousse s'affrontent à renfort d'arguments
Les pro et anti Gousse ne cessent de défendre leurs positions respectives dans les couloirs du parlement. Le premier sénateur de la Grand'Anse, Andris Riché de la plateforme Alternative s'insurge contre le radicalisme de ses collègues qui ne souhaitent pas que le premier ministre désigné fasse le dépôt de ses pièces. Il estime que Me Gousse est assez honnête et compétent pour devenir le chef du prochain gouvernement. Le 2e sénateur de l'Artibonite, Jean Willy Jean Baptiste estime que le document des 16 est une fuite en avant et prévient qu'il pourrait y avoir des défections dans leurs rangs.
Pour leur part les anti-Gousse ne démordent pas ou du moins jusqu'ici pas encore. Le premier sénateur du Nord-Est Jean Baptiste Bien Aimé continue de se montrer hostile au premier ministre désigné et déclare que ce dernier a posé des actes anti démocratiques quand il était le garde des sceaux de la république. Il annonce que son vote défavorable ne sera qu'une sanction. Le 2eme sénateur du Nord Moise Jean Charles déclare pour sa part que le chef de l'état s'est trompé en indiquant que le prétendant à la primature aura la bénédiction du grand corps. Il réitère sa désapprobation au choix de l'intéressé.
« Il n'a même pas besoin de venir perdre son temps au Sénat mardi prochain », avait déclaré vendredi dernier le sénateur Joseph Lambert, le coordonnateur de la plateforme politique INITE de qui est issu le GPR. « M. Gousse reste et demeure mon choix, et il se présentera mardi au Sénat », a rétorqué sur un ton ferme et résolu le président Michel Martelly, de retour samedi d'Espagne. Le chef de l'Etat a indiqué qu'il va poursuivre les négociations en vue de dégager une majorité au Parlement tout en soulignant que 18 sénateurs sont prêts à donner un vote favorable à Bernard Gousse.
Réagissant à la résolution des 16 sénateurs lui demandant de désigner un autre Premier ministre, M. Martelly a estimé que la forme utilisée par ces parlementaires n'était pas conforme aux normes. Il a déclaré que la résolution des 16 sénateurs du GPR et alliés n'est pas élégante, tout en soulignant qu'il y avait toujours des possibilités de discussion même s'il n'était pas en Haïti. « Ils pouvaient m'appeler s'il y avait quelque chose... », a-t-il dit.
« Le vote est déjà fait et il est éminemment politique. Pour nous autres les seize sénateurs, le dossier de Me Bernard Gousse est un dossier classé. Quelles que soient les conditions, s'il ne se ravise pas et se présente au Sénat, il aura un vote défavorable », Joseph Lambert dixit.
« D'après mon équipe, nous avons 18 sénateurs qui sont prêts à voter en faveur de Me Bernard Gousse », a affirmé de son côté M. Martelly. Cependant, il dit souhaiter que ces parlementaires passent de la parole aux actes. « Je vais continuer les négociations... », a renchéri le chef de l'Etat. Il dit attendre la décision finale des sénateurs pour savoir par où commencer.
La lettre officielle adressée au Parlement pour désigner M. Gousse est datée du 29 juin, tandis qu'elle a été envoyée le 6 juillet. Pour répondre aux critiques faisant croire qu'il avait déjà choisi Me Bernard Gousse avant même la fin des négociations, Michel Martelly a dit ceci : « Après le tri des trois noms, les parlementaires et moi savions déjà qui j'allais désigner ».
Le locataire du palais national a souligné que ce sont les parlementaires qui lui ont demandé de retarder la publication de la lettre de désignation.
Selon le président de la République, la méthode utilisée pour arriver à la nomination de Bernard Gousse est plus que démocratique. Elle est, a-t-il dit, ''superdémocratique''. « J'avais proposé dix noms aux parlementaires et à la commission qui en ont éliminé sept », a rappelé Michel Martelly, soulignant que ce choix a été fait après consultation avec les présidents des deux branches du Parlement. Pour le chef de l'Etat, il est normal qu'il choisisse en toute quiétude l'un des trois derniers noms.
« Nous déclarons que la candidature de Bernard Gousse est irrecevable et est considérée comme une page tournée. Il est un véritable violateur de droits humains et n'a pas les qualités pour devenir Premier ministre... J'avais dit au président Martelly qu'il a l'autorité de désigner la personne de son choix. Cependant, par sagesse et pour gagner du temps, je lui ai proposé d'envoyer quelqu'un d'autre. Il a décidé de faire ce que bon lui semble », les propos du sénateur Joseph Lambert.
Ce mardi, Me Bernard Gousse doit, comme prévu, se rendre au Sénat pour faire le dépôt de ses pièces. Cinq des neuf membres formant la commission sénatoriale qui va analyser les documents du Premier ministre désigné ont préalablement demandé à Michel Martely de faire un autre choix.
Les sénateurs Lucas Sainvil, Nenel Cassis, Jean-Baptiste Bien-Aimé, Yvon Buissereth et Wenceslas Lambert sont tous membres de la commission et signataires de la résolution du GPR.
Ceux qui pensent pouvoir affaiblir le président Martelly se trompent royalement. « Map pi vit demisyone ke-m febli, e mwen pap demisyone, m-la pou 5 kan », a fulminé le chef de l'Etat. Une déclaration qui laisse perplexe plus d'un, puisque jusque-là, il n'a jamais été question de démission du chef de l'Etat.

Robenson Geffrard
rgeffrard@lenouvelliste.com
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=94750&PubDate=2011-07-11

Commentaire
Avouons que malgré la perte de temps qu'implique cet entêtement du sénat à reconnaître Me Gousse et celui du président à insister pour le maintenir comme candidat unique au poste de premier ministre, le jeu est démocratique. C'est le genre de gymnastique politique salutaire (en temps normal) à laquelle le pays n’était pas très habitué. Cependant, tout en étant démocratique, elle représente une perte de temps dans un pays où la majorité a vécu les désastres désormais de nous tous connus. Il est donc temps, pour le bien de cette même démocratie qu'une entente vienne sceller le sort de Bernard Gousse ou inspirer un candidat de consensus. On gagnerait du temps et la paralysie gouvernementale, qui ne convient qu'à ces jongleurs traditionnels de la politique vernaculaire, cesserait de représenter un prétexte pour ne rien faire.

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