Le Conseil électoral provisoire serait devenu une nouvelle entité de l'Université d'Etat d'Haïti, la plus sûre pour augmenter ses chances de décrocher des bourses d'études en terre étrangère ; le rectorat de l'UEH ne peut pas empêcher les étudiants conseillers-électoraux de gravir les échelons. Serait-ce qu'ils ont trop bien travaillé ? Quel travail et en faveur de qui ?
Haïti: Depuis quelque temps, chez nous, la coopération internationale est une garantie de survie sur presque tous les plans. De sorte que personne ne pourra s'étonner de voir se multiplier à travers l'Université d'Etat d'Haïti des programmes d'échange visant à la formation et au renouvellement des cadres. De même, en terre démocratique, il n'y aura nulle surprise de constater que des étudiants se voient octroyer des bourses d'excellence sur la base de mérite. Sans doute, tout cela, au nom de l'égalité des chances et de la transparence. Hier seulement, l'ambassade de France en Haïti a décidé de proposer des bourses de master (deuxième cycle) aux étudiants de l'Université d'Etat d'Haïti, toutes entités confondues.
L'étonnement est venu avec son lot de surprises. Encore une fois. Plus choquant et agaçant cette fois-ci. Dans une circulaire du Conseil exécutif de l'UEH, adressée à un directeur de l'Ecole normale supérieure, considéré comme doyen, la direction de cette institution a été informée que cinq soi-disant étudiants de ladite institution auraient été « sélectionnés par le Consortium des universités françaises pour Haïti dans le cadre de l'attribution des bourses du gouvernement français ». Les noms retenus, qui seraient ceux des étudiants de l'Ecole normale supérieure, sont : Raynald Exantus (Paris 13), Josette Gaboton-Théagène (Rouen), Joseline Noel (Cergy Pontoise), Edberge Valbrun (Paris 13) et le fameux mystère, Jean Thélève Pierre-Toussaint (Poitiers). La circulaire est enregistrée au numéro BR/1591.
Pourquoi devrions-nous y voir un mystère ? Quoi d'étonnant dans le choix d'un étudiant sans doute brillant, avec un dossier académique faisant des jaloux ? C'est la glasnost à l'haïtienne ! En effet, ce qui est certain à propos de M. Jean Thélève Pierre-Toussaint, c'est qu'il est conseiller électoral. Cela dit, si on s'accorde sur l'idée que le Conseil électoral provisoire aurait intégré l'Université d'Etat d'Haïti, M. Pierre-Toussaint serait bel et bien étudiant de l'ENS. Mais non, c'est faux, que disons-nous ? Il serait seulement étudiant de l'UEH et pas nécessairement de l'ENS. Il faudrait pour cela que le Conseil électoral provisoire haïtien soit devenu un département d'études de l'ENS, une section comme on aime à le dire à l'ENS. Malheureusement, le rectorat de l'Université d'Etat d'Haïti est incapable de donner la preuve que notre conseiller électoral fut étudiant de l'ENS, c'est du moins l'information qu'il a communiquée à la direction de l'ENS. En effet, dans un renvoi figurant sur la circulaire du 18 juillet 2011 adressée à cette direction, nous pouvons lire : « Ce dossier ne figure pas dans la liste de présélection du RUEH ». De quoi s'agit-il ? C'est quoi exactement cette nouvelle blague ?
Selon ce renvoi, il y aurait eu une présélection qui devait passer et qui, de fait, est passée par le rectorat. Si le mot de présélection conserve encore son sens, personne ne peut et ne pourra se voir sélectionné si, d'abord, elle n'a reçu la bénédiction du rectorat. Or, ce dernier est en train de nous dire qu'une merveilleuse personne aurait violé la règle préétablie. Que devons-nous croire ? Le « Consortium des universites françaises pour Haïti » aurait-il, dépassant par-là même ses compétences, intégré de son seul gré une personne étrangère à la liste des présélectionnés ? Avec quelles motivations ? D'autre part, à supposer que cela se soit passé ainsi, le rectorat serait-il lié par de tels agissements ? Ou, plutôt, devons-nous croire que le rectorat n'aurait pas eu le contrôle de son pouvoir de présélection ? S'agit-il d'interférences malveillantes ? Serait-on en train de nous dire que les bourses sont octroyées de façon absolument discrétionnaire ? Nous voulons dire, de façon totalement démocratique ? C'est à croire que la démocratie est définitivement condamnée à correspondre à de la démagogie. Devons-nous encore rappeler ici que la circulaire est entérinée par le recteur de l'Université d'Etat d'Haïti lui-même ? Pourquoi signer un tel papier ? Serait-ce un aveu sincère de l'irresponsabilité de soi ? Quand deviendra-t-on une république ? Par ailleurs, puisque nous ne savons que poser des questions, en informant l'ENS de ce vide, ne pouvons-nous pas voir dans ce geste une invitation lancée à celle-ci de le combler ? Car, après tout, qui mieux peut décider de qui est étudiant et qui ne l'est pas ? Heureusement (pas pour les valeurs républicaines) les administrations ont toujours cette faculté d'occulter comme elles veulent la réalité. En fait, elles décident de la réalité.
Pour notre part, nous restons encore à attendre que se dissipe l'obscure transparence qui nous est proposée au travers de cette circulaire. Comme si le rectorat n'aurait aucun pouvoir pour non seulement annuler cette sélection douteuse, mais encore instruire le dossier et poursuivre, le cas échéant, celui qui serait en pareil cas coupable de faux. Sauf à supposer que dénoncer la magouille, sans l'attaquer, serait gage d'intégrité. Il est devenu tellement courant chez nous d'entendre les autorités déplorer que nous sommes tentés, au lieu de déplorer à leur suite, de les implorer d'agir et de sévir contre ce qui ne fait que continuer de nous avilir.
Jean Tibère
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=95457&PubDate=2011-07-29
Commentaire
Dans la mesure où nous comprenons de ce qui se passe, il s'agit d'un cas très irrégulier pour éviter de dire corruption. Cela doit-il étonner dans un milieu où l'ex-président de la république, d’après ce que nous avons vu, impose un candidat indépendamment des votes des électeurs? Le premier citoyen de la nation ayant le sagesse d'enfreindre tous les lois n'invite-t-il pas ses subalternes à en faire autant? C'est dommage, mais c'est comme ça. Nous devons donc trouver un moyen pour attaquer le mal à la base avant qu'il ne fasse métastase, c'est à dire de le dénoncer dès que nous en aurons reçu le moindre signal. C'est la seule façon d'avoir une chance de l’éradiquer définitivement. Ils ont donc bien travaillé ceux qui nous envoient ce cri d'alerte!
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