Nombre total de pages vues

samedi 26 novembre 2011

EDITO : Quelle vitrine pour notre secteur privé ?

Haïti: A quelques jours de l'ouverture de la conférence des investisseurs « Invest in Haiti » qui sera organisée par la Banque interaméricaine de développement et la Fondation Clinton, les langues se délient, les positions se précisent, mais surtout les portes s'ouvrent pour le secteur privé haïtien.
Selon les dernières listes qui circulent en petit comité, pour faire de la place aux locaux, l'assistance attendue a dû être plus que doublée. On ajoute à tour de bras des noms. Il y aura une forte représentativité des Haïtiens, selon ce qui se dit.
L'oubli des premiers jours était dû au fait qu'il n'y avait pas de gouvernement pour être le vis-à-vis des organisateurs. Mais diriez-vous, les organisations du secteur privé étaient bien en place, pourquoi ne les a-t-on pas consultées ?
Choc de culture et doute sur la force de frappe de notre secteur privé, consent à dire au détour d'une conversation à bâtons rompus, après promesse du confortable « sous le couvert de l'anonymat », un expatrié qui n'a pas sa langue dans la pochette de son blazer.
« Le secteur privé haïtien se comporte en ayant droit qui attend qu'on le courtise, qu'on le rejoigne sur les hauteurs où elle niche » (sic) alors qu'elle devrait être au devant de la scène, friande d'opportunités et de joint-venture de toute sorte pour enrichir son capital de savoir-faire et accéder à de nouveaux leviers financiers.
Que constate-t-on ? questionne l'ami d'Haïti : le secteur privé ne parle pas. Ne se projette pas. Ne construit pas le rêve d'un demain meilleur. Ne partage rien avec le reste de la population. Ne se campe pas en capitaine d'une équipe encore moins en ce buteur qui doit scorer pour faire gagner la bataille du mieux vivre, reproche-t-il.
« Les patrons de ce pays n'ont ni philosophie ni porte-parole », selon lui.
« Au lieu de se plaindre de tout et encore moins au dernier moment, le secteur privé haïtien devrait annoncer ses intentions, faire valoir ses prétentions, publier le catalogue de ses investissements sur place, monter son plan d'affaires et surtout réclamer des fonds, des moyens. Etre partie de la solution, pas des problèmes.»
« Mardi, le chic absolu serait une contre-conférence, un forum alternatif organisé par le secteur privé haïtien pour présenter le décompte de tous les emplois déjà créés depuis le séisme et des investissements en cours. Parler du présent, prendre option pour le futur, se faire voir et connaître pendant le show des grands amis qui ne vont faire que des annonces », estime en stratège cet ami d'Haïti, qui désenchante de ne pas voir les Haïtiens se prendre en main.
Pour cela, il faudrait que les hommes d'affaires décident d'être la vitrine d'un pays qui veut aller de l'avant et sortent de derrière le paravent de l'indigence, ce cache-misère de nos fortunes et infortunes.

Frantz Duval
duval@lenouvelliste.com
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=99733&PubDate=2011-11-25

Commentaire
Cet éditorial met le doigt sur une plaie béante: la mentalité élitiste de tous les secteurs (de professionnel, des affaires, étudiant, et même politique) de ce pays. Avoir accès à un poste, à une promotion en Haiti, peut produire exactement le contraire de ce qu'il produit ailleurs, une paralysie. On atteint un "niveau élevé" pour y rester, c'est à dire pour tout paralyser afin que rien ne permette à d'autres de jouir un jour de ce même privilège. Pour atteindre une fin aussi machiavélique, il faut beaucoup de sacrifices. Des autres! Nos leaders, c'est un titre qu'on apprécie beaucoup en Haiti, ont donc intérêt à s'exhiber quand il y a une vitrine, une galerie pour se pavaner. Autrement, on gaspille son temps! La partie la moins noble (selon cette mentalité ancien régime) du travail, qui consiste à vraiment travailler, aller à la base, consulter les clients potentiels, créer son créneau au sein de la population, s'adresser à des devanciers plus expérimentés donc capables de nous faire bénéficier de leurs connaissances, de leurs expériences, c'est se ravaler. Cela ne se conçoit pas. C'est comme ces nobles qui se sont fait déplacer par les bourgeois parce que trop paresseux, trop sensibles au jugement des autres (ceux qui critiquent sans rien faire), mais surtout trop parasites. Le travail se fera tout seul, c'est une espèce de devise sacrée. Rétrograde, mais devise quand même. Heureusement qu'il y a encore des esprits lucides pour leur dire à ces perpétuels retardataires ce qu'ils n'aiment pas entendre trop souvent! Quelques-uns se réveilleront, sans doute, et feront la différence, traceront le chemin que d'autres pourront emprunter.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire