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jeudi 24 novembre 2011

Haiti « n’est pas gouverné » : constat de la commission d’enquête du Sénat sur l’affaire Bélizaire

mardi 22 novembre 2011

Extrait du rapport de la commission d’enquête présenté le 22 novembre 2011 à l’assemblée du Sénat

Obtenu par AlterPresse
À partir des auditions des témoins et acteurs de l’affaire qui ont défilé devant la commission, celle-ci a fait un certain nombre de constats au nombre desquels on retient les plus importants.
A.- Par rapport au gouvernement
A.1.Le pays n’est pas gouverné. Personne ne sait rien de tout ce qui s’est passé. Des membres du gouvernement ont défilé devant la commission et chacun cherche à se disculper ou au mieux à se décharger de toute responsabilité dans l’affaire. Pire, certains membres du gouvernement en accusent d’autres d’avoir été celui par qui le scandale est arrivé. La commission aurait pu mettre face à face dans une même salle quatre membres du gouvernement ou mieux quatre membres du CSPN et cela aurait été la grande bagarre ou pire, l’éclatement du gouvernement.
A.2.Le gouvernement n’est pas une équipe comme on devrait s’y attendre. Ceux qui ont comparu devant la commission ont fait montre d’un extrême isolement. Chacun gouverne pour lui-même. Personne n’est solidaire du gouvernement et le groupe n’a pas de direction.
A.3.- Au niveau de ce gouvernement triomphe une certaine interprétation de la loi qui produit un gouvernement très compartimenté. Chacun se réfugie dans sa solitude et ne sait pas ce que fait l’autre en essayant de protéger au mieux son territoire pour que l’autre ne s’y infiltre pas. Personne n’ose non plus dialoguer avec l’autre sur ce qu’il fait ou ne fait pas. Tout se passe ainsi comme à l’intérieur d’un un film western.
A.4.Le plus effrayant de toute l’affaire est de constater comment une seule personne dans tout le pays a la capacité de mobiliser autant d’hommes et de femmes armés sans que personne d’autre n’ait un droit de regard sur ce qu’il fait. Clemenceau disait que ‘la guerre était une chose trop importante pour la laisser aux mains des seuls militaires’. Nos dirigeants ne semblent pas avoir compris le message de la sagesse de Clemenceau. Comment laisser au seul directeur de la Police Nationale d’Haïti la latitude pour mobiliser toutes les unités spécialisées de la PNH ? À un moment où le président de la république est en dehors du pays et que le directeur mobilise toutes ces forces, qu’adviendrait-il s’il avait la malveillante volonté de faire un coup de force ? Cela dénote de la nullité ou tout simplement de l’inexistence du CSPN.
B.- Par rapport aux Comportements
B.1.Il est à remarquer que tout le long du processus il y a une certaine obstination à procéder à l’arrestation du député Bélizaire.
B.1.a. D’une part, il y a le président de la république qui refuse de faire marche arrière. Du moins, c’est ce que dénotent ses alternances d’acquiescement et de négation. Tantôt, il veut arranger l’affaire à l’amiable ; Tantôt il veut quand même continuer. Mais quelle affaire avait-il voulu arranger à l’amiable ?
B.1.b.Le ministre de la justice qui dit vouloir intervenir mais il se cache derrière une correspondance qui n’arrive pas pour donner au commissaire du gouvernement tout le temps nécessaire de consommer le forfait.
B.1.c.Le ministre de l’intérieur qui fait semblant de vouloir protéger celui qu’il appelle son ami mais qui conseille à des députés et des sénateurs de se retirer de l’affaire.
B.1.d.Le commissaire du gouvernement qui, malgré les doutes soulevés par le directeur de la DCPJ et les réserves émises par son ministre de tutelle, s’enfonce tête baissée dans l’affaire jusqu’à obtenir l’arrestation du député.
B.2.On a constaté aussi un ensemble de démissions, d’omissions et de permissions dans les actes et les comportements des membres du gouvernement et/ou autres cadres de l’administration publique.
En effet, certains hauts responsables de l’état ont tout simplement démissionné de leur fonction en étant là et laissant faire sans que cela ne les dérange. D’autres ont tout bonnement négligé de faire ce qu’ils avaient à faire pour barrer la route aux violations des droits de la personne, des prescriptions constitutionnelles et des lois de la république. D’autres encore ont affiché une attitude permissive facilitant toutes formes de violations de la loi sous leurs yeux complaisants.

http://www.alterpresse.org/spip.php?article11936

Commentaire
D'aucuns prétendent que ce pays fonctionne comme il convient qu'il le soit, pour le bien des citoyens. C'est là l'opinion de la minorité qui profite de tout ce qu'elle trouve sur son passage: les maigres fonds dont dispose l’État, les dons des organismes internationaux, les apports de la diaspora et, pire encore, les prêts demandés et obtenus au nom de tous les citoyens d'Haiti. C'est au sein de cette minorité vorace et peu représentative - car trop souvent ses membres accèdent à leur position par fraude - que nous trouvons des sénateurs (pas tous), des députés (pas tous), des directeurs généraux, etc. Vient ensuite Michel Martelly, un chanteur qui, par un heureux hasard (heureux pour lui), occupe l’exécutif. Mais son impréparation, sa tendance extrême à l'improvisation, son manque de modèle (c'est à peine de sa faute) nous exposent tous aux plus graves risques. Mais un certain courant parmi ses proches semble lui avoir conseillé des collaborateurs qualifiés, ce qui pourrait prévenir pas mal de dérives. Il croyait pouvoir les appeler sans coup férir et commencer à travailler, à réaliser ce rêve qu'il n'avait même pas osé nourrir, avant de s'y trouver plongé corps et âme. C'est là qu'il s'est surtout trompé. Car non seulement il ne comptait pas avec le manque de bonne volonté, la peur du changement - surtout si le changement risque d’être sérieux - de ceux qui ont traditionnellement gratté le fond des caisses de l'État sans rien faire, mais aussi il souffre d'une faiblesse. C'est un facteur explosif dans tout cela qui représente un point de convergence entre l'exécutif et le législatif. L'arrogance, trop souvent traduit en violence verbale. Les parlementaires qui, dans leur majorité, n'avaient jamais pensé se hisser si haut aussi facilement, (certains vous diront carrément qu’étudier, c'est gaspiller son temps) provoquent le chef de l’état. C'est comme ces policiers ou militaires délinquants qui provoquent un citoyen dont ils savent que s'il parlait trop leur carrière serait menacée (il y en a qui sont de parfaits délinquants et là où l'on s'y attendrait le moins!) L'objectif de ces délinquants armés consiste à forcer Le citoyen pacifique à réagir. C'est le seul moyen d'avoir une raison de l'abattre EN ETAT DE LÉGITIME DÉFENSE (?). Si le chef de l'état qui n'est pas moins irréfléchi dans ses réactions, mais qui semble vouloir aller de l'avant, était plus sage, peut-être éviterait-il de tomber dans le piège des provocations, des interpellations grotesques qui dénoncent le manque de finesse, le manque de délicatesse, l'absence totale d’éducation de ceux qui occupent des postes dont ils ne comprendront jamais la signification. Deux instances du pouvoir en Haiti, deux tempéraments convergents qui condamnent le peuple à payer un prix élevé. Celui de n'avoir jamais su choisir ni dans un sens ni dans l'autre. En fait, à part le président de la république et quelques rares parlementaires, le peuple a-t-il réellement choisi? C'est alors et alors seulement qu'on pourrait lui dire qu'il a le système qu'il mérite. Tandis que nous y sommes et puisque les faits l'exigent, quand le printemps haïtien se déclenchera-t-il?

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