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samedi 9 juillet 2011

La Banque mondiale partenaire majeur de la reconstruction

Avec ses 17 projets mis en oeuvre et 11 millions de dollars décaissés en moyenne par mois, la Banque mondiale se targue d'être un partenaire important d'Haïti et encore plus après l'approbation de 500 millions de dollars en faveur d'Haïti pour les trois prochaines années. L'envoyé spécial de l'institution, Alexandre Abrantes, en poste dans le pays depuis plus d'un an, fait la part des choses en invitant les Haïtiens à considérer le chemin déjà parcouru, notamment après le séisme du 12 janvier.

Haïti: « Il y a une formule mathématique appliquée dans l'allocation des fonds à chaque pays. Cela dépend de la performance, de la population, des indicateurs économiques...du pays en question », a répondu l'envoyé spécial de la Banque mondiale en Haïti, Alexandre V. Abrantes, à une question du Nouvelliste, relative à la récente plaidoirie du président Michel Martelly en faveur de l'accès d'Haïti à des fonds beaucoup plus importants. Cependant l'institution, selon son représentant, a consenti des efforts exceptionnels pour accorder une allocation de pays en crise dans le cas d'Haïti : 500 millions de dollars américains pour les trois prochaines années, suite à la demande formulée par le président Martelly.
Alexandre Abrantes comprend vite que l'approbation de ces fonds confère à la Banque mondiale une lourde responsabilité dans l'appui au gouvernement pour l'exécution de ses projets. Aussi, les responsables de la banque ont-ils pensé à renforcer son staff en Haïti. Estimé à près d'une dizaine d'employés avant le séisme, le personnel de la BM en Haïti tombe pratiquement à plat au lendemain du séisme. Elle est en train de remonter la pente. « Nous sommes une vingtaine dans la représentation, bientôt une trentaine. Nous avons des spécialistes dans tous les secteurs : le secteur privé, les infrastructures. Le secteur économique est dirigé par un spécialiste senior haïtien.
Fier de siéger en Haïti, le Portugais qui a roulé sa bosse dans divers pays de l'Amérique latine et de l'Afrique de l'Ouest livre mot après mot sa vision du développement. « La Banque mondiale s'intéresse à la relance du secteur agricole, à soutenir l'éducation. Un des projets en passe d'être financé doit aider le gouvernement à mettre en place une structure pour aider les enfants à avoir accès à l'éducation là où il n'y a ni écoles publiques ni privées. Nous allons débuter avec des initiatives communautaires comme on l'a fait en Colombie et en Amérique centrale », a confié M. Abrantes, conscient des difficultés de faire fonctionner une école à la campagne avec le personnel nécessaire.
La création d'emplois est aussi une priorité pour la Banque mondiale. « Nous voulons renforcer les pôles de développement dans le Nord, le Centre et l'Artibonite », informe le numéro un de la BM en Haïti. Le haut cadre de la Banque mondiale croit que son institution doit se concentrer sur les projets en cours particulièrement sur celui relatif au logement à Delmas et à Carrefour-Feuilles présenté comme emblématique dans les initiatives de l'institution en Haïti.
Si le projet se porte bien à Delmas, en revanche, à Carrefour-Feuilles, c'est différent, selon les appréciations de la Banque mondiale. « A Delmas, nous n'avons que le Camp Acra et celui du Pétion-Ville Club, géré par Sean Penn. Par contre, à Carrefour-Feuilles les gens sont éparpillés dans des camps divers », indique le responsable de la BM. Il affirme qu'il s'efforce de faire mieux. C'est-à-dire à ne pas reconstruire dans les zones inondables où les glissements de terrain sont fréquents. Les responsables exigent aussi des techniques antisismiques dans les constructions. « Et sur ce point, tous les bailleurs se sont accordés sur la même stratégie », rassure Alexandre Abrantes. Il faut faire mieux qu'avant.
Mais en Haïti les décaissements, pour l'homme de la rue comme pour le gouvernement, sont un sujet qui alimente tous les débats. Dans toutes les conversations, surtout en période d'installation d'un nouveau président. A ce sujet, Alexandre Abrantes rappelle que pas moins de 11 millions de dollars américains au profit d'Haïti sont décaissés chaque mois. « Est-ce peu ou beaucoup ? S'est-il demandé? "Comparé à ce que fait la Banque mondiale en Amérique latine, c'est beaucoup", dit-il. Et pour corroborer de la bonne santé de la coopération, le fonctionnaire met en relief les 17 projets de la Banque actuellement mis en oeuvre dans le pays. "Seize se portent bien, un seul accusé de retard, c'est un très bon ratio"
A la question de savoir si les fameuses conditionnalités de la BM ne gênent pas l'Etat haïtien, Abrantes réplique immédiatement : « Je ne sais pas si c'est la réalité. Cependant dans tous les pays, il y a une proportion des projets qui ne marchent pas à 100 %. Nous nous sommes rendus compte que bon nombre de projets rendaient le travail de la banque difficile », a souligné le Portugais, numéro un de la BM dans le pays. « C'est pourquoi nous avons développé un plan stratégique : au lieu de faire tout, nous complétons les travaux d'autres bailleurs. Ou tout simplement nous finançons ce que les autres ne font pas », ajoute-t-il.
« Pourquoi la Banque mondiale irait investir dans les routes quand l'Union européenne et la Banque interaméricaine de développement (BID) s'en occupent. Y aurait-il de la valeur ajoutée? Nous préférons les niches. Nous investissons dans des secteurs négligés par les autres bailleurs », dit-il en signalant que la période d'urgence due au séisme est terminée.
Dans les infrastructures routières, s'il y a un besoin, c'est dans l'entretien. On peut faire un projet complémentaire par rapport à ce que font les autres bailleurs. Par exemple la BID a engagé au niveau de l'éducation 100 millions de dollars dans la construction de bâtiments d'écoles publiques. « Il faut faire moins de projets mais plus grand suivant une stratégie déterminée », insiste Abrantes.
« A propos de la lenteur de la reconstruction dénoncée par plusieurs secteurs, Abrantes appelle à la patience et souligne qu'aux Etats-Unis d'Amérique, pour reloger les déplacés de Katrina, cela a pris du temps. Cinq ans après, des gens n'avaient pas d'abris. En Indonésie, ça a pris deux années avant que les gens commencent à quitter les camps, et quatre ans pour les déplacer définitivement. Pourtant, ces deux pays ont de loin plus de ressources qu'Haïti », nuance le représentant de la Banque mondiale en Haïti.
Pour lui, les efforts qui ont été consentis méritent d'être appréciés en dépit du fait que les camps comptent encore plus de 600 000 personnes. Il existe, dit-il, de moins en moins de déblais dans les rues. « Les Haïtiens sont très entreprenants, ils ont saisi l'opportunité offerte pour gagner de l'argent à partir des matériaux de récupération », constate-t-il.
Le fonctionnaire de la Banque mondiale n'est pas insensible aux passations des marchés. Il précise que la Commission nationale des marchés publics (CNMP) fait partie intégrante d'un accord avec le gouvernement pour le décaissement des fonds à l'appui budgétaire. « Nous avons assuré le suivi pour que cette commission ait un rôle de plus en plus important dans son domaine. Finalement, il y a plus de transparence dans le processus de passation de marché. Et cela va s'accentuer avec la fin de la période d'urgence qui permettait des raccourcis avec les normes de passation de marché public.

Dieudonné Joachim
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=94695&PubDate=2011-07-08

Commentaire
De très beaux discours! Le hic, c'est que sur le terrain, le progrès est quasiment invisible. C'est ce qu'on appelle la macroéconomie qui engloutit la micro sous son poids de mastodonte. Mais il faut dire ici que la culture compte. En République Dominicaine ou dans tout autre petit pays de la zone où l'on peut parler d'organisation, de gouvernement, de culture de la construction, de modernisation, cette invisibilité des prestations de la banque mondiale serait résolue facilement. On verrait les nouvelles constructions, des ouvriers qualifiés en train de travailler, de nouveaux hôpitaux en train de se construire, de nouvelles routes tracées, ...bref, il y aurait un gouvernement central, jouant le rôle de coordonnateur général, distribuant après concours des contrats, informant régulièrement la population sur ce qui se fait et pourquoi c'est fait d'une certaine façon, etc. On ne verrait pas des fonctionnaires internationaux se multipliant pour partager la somme "prêtée" au pays (généralement le plus fort pourcentage), car un fonctionnaire local capable leur ferait comprendre qu'il y a des gestionnaires tout aussi capables à l’intérieur du pays. On ne verrait pas un gouvernement pressé de recevoir de l'argent pour construire sans se préoccuper de la valeur de ce qu'il va construire (rebidonvilliser)puisque le premier pas consiste à préparer des ouvriers. Ces ouvriers qualifiés signifieraient d'abord la multiplication des institutions qui les préparent, de l'emploi pour les formateurs, un nouveau niveau de vie pour leur famille...Une vraie réorganisation de la société. Pourquoi construire sur des déchets car les services de voirie n'existent même plus à la capitale. Ne serait-ce pas une bonne idée de commencer par nettoyer? On estimerait mieux la valeur de ce qui est neuf et beau. Cela aussi compte! Et dire que ces mêmes déchets, recyclés correctement - plusieurs spécialistes (dont Jean-Erich René)le rappellent constamment à ceux qui veulent les entendre - pourraient résoudre considérablement le problème du reboisement en créant du combustible pour la cuisine, les boulangeries, les blanchisseries (...). Haiti cesserait d’être un entonnoir sans fond où l'argent entre mais se disperse sans qu'on en voit l’utilité pour la majorité des habitants de ce pays. En même temps que certaines poches sélectionnées se remplissent avec une célérité record. Tout se résume en une question de confiance, de transparence et de respect de soi et des autres.

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