Soixante-douze heures après la publication du communiqué de presse du CEP autorisant des candidats à s'inscrire avec le rapport favorable de la CSC/CA, sans certificat de décharge de leur gestion prévu à l'article 233 de la Constitution, en raison de l'absence de la Commision bicamérale du Parlement, la conseillère électorale Ginette Chérubin désavoue ses pairs et explique. Interview.
Haïti: Le Nouvelliste- Quelle est votre position par rapport au communiqué # 16 du CEP ?
Ginette Chérubin- Le communiqué # 16 du CEP, pose problème, à mon avis, parce que, tel que présenté, il court-circuite le processus de décharge qui, selon la Constitution, passe par le Parlement. La résolution a été prise en mon absence due à des raisons indépendantes de ma volonté. Je ne l'ai donc pas signé et, en plus, je ne puis le cautionner, faute d'arguments.
LN- Est-ce que les Conseillers électoraux ont analysé différentes options face à l'épineuse question de la décharge compte tenu de l'absence de la Commission bicamérale de décharge du Parlement ?
GC- Bien avant mon voyage, face à la problématique de décharge non délivrée par la Commission bicamérale, tel que le prescrit la Constitution, à des fonctionnaires sujets audit document et désireux de s'inscrire comme candidats, le CEP avait entamé une réflexion visant à inspirer des mesures adéquates. Deux options s'étaient présentées, chacune, avec leurs avantages et désavantages.
Première option :
Solliciter, sur la question, en référence à l'article 136 de la Constitution, l'avis de l'Exécutif - plus précisément du Président de la République - compte tenu du dysfonctionnement du Parlement en absence de la Chambre des Députés et, par conséquent, de l'impossibilité pour la Commission bicamérale de siéger.
• Avantage :
L'exécutif prendrait seul la responsabilité de la mesure exceptionnelle qui s'impose en pareil cas.
• Désavantages :
o Il s'agit d'une mesure spéciale, adaptée à la circonstance spéciale d'une défaillance de l'Etat, donc ne garantissant nullement l'assentiment de tous les acteurs et susceptible de débats.
o Le CEP, en mettant en oeuvre la mesure prescrite par le Président de la République - quelle qu'elle soit -, courrait le risque de se voir, une fois de plus, accuser d'allégeance et de dépendance totale vis-vis de l'Exécutif
Deuxième option : le CEP prendrait, de son propre chef, une mesure jugée adéquate.
• Avantage :
o Décision du Conseil prise, en toute autonomie (sans intervention de l'Exécutif)
• Désavantage :
o Il s'agit, comme dans le premier cas, d'une mesure spéciale, adaptée à la circonstance spéciale d'une défaillance de l'Etat, donc ne garantissant nullement l'assentiment de tous les acteurs et susceptible de débats
J'avais personnellement soutenu la seconde option.
Pour une mise en contexte, il faut dire que l'objectif visé était : d'une part, de trouver une disposition permettant aux élections d'être le plus inclusives possibles - l'accusation d'un parti pris sélectif nous ayant déjà été faite ; d'autre part, de rester dans l'esprit de la Constitution qui prône le respect des droits civils et politiques des citoyens. C'est dans cette perspective qui éviterait d'exclure de la course électorale, des hommes et femmes d'Etat déjà rodés dans les espaces de pouvoir et de décision - qu'ils soient de l'opposition ou proches de l'Exécutif - que, suite à des consultations de juridiques, j'avais souscrit à la démarche consistant à accepter, dans le cas de candidats sujets à la modalité de décharge, le rapport favorable de la Cour Supérieure des Comptes « aux simples fins d'inscription de ces candidats » et « sous réserve de leur décharge». Cette approche se tenait, à mon avis, parce que ledit rapport n'est autre que l'audit requis par le Parlement, selon la Constitution, pour statuer sur les cas cités et qu'il serait paradoxal d'avoir une situation où la Commission bicamérale rejetterait l'avis technique de la Cour Supérieure des Comptes et n'accorderait pas la décharge, en dépit d'un audit favorable. En outre, le Parlement étant appelé à installer le Président de la République, la mise en place de la Chambre des Députés doit précéder, coûte que coûte, celle du Chef d'Etat. Par conséquent, il serait possible à la Commission Bicamérale de finaliser, de manière célère, des dossiers de décharge déjà présentés, avant l'investiture Présidentielle.
En mon absence, a été publié un communiqué qui omet les réserves évoquées ci-dessus. Ce qui change, selon moi, l'esprit initial du texte et qui ne me procure pas, personnellement, dans le contexte actuel, des éléments nécessaires à une argumentation convaincante, ne serait-ce que pour moi-même.
LN- Comment vos pairs Conseillers ont reçu votre sortie médiatique qui désapprouve leur décision.
GC- Mal, en dépit du fait qu'avant d'intervenir dans les médias, je leur avais fait part de mes préoccupations et de mon désaveu qui, en fait, ne peut leur être que bénéfique en suscitant une auto-évaluation de l'acte posé et en contribuant à renforcer les balises pour les futures décisions au CEP.
Je suis sincèrement désolée d'en arriver à ce point, alors que le processus électoral a déjà pris sa vitesse de croisière. Mais ma position a toujours été légaliste - c'est ce qui m'avait valu, antérieurement, la démission de mon poste de Ministre, sous le Gouvernement Smart en 1996. Je suis très sensible à tout écart vis-à-vis du prescrit légal ou constitutionnel. D'autant plus qu'à mon poste actuel, j'ai été proposée par un secteur de la Société Civile - en l'occurrence, celui des Associations de Femmes et que je dois tenir mes engagements vis-à-vis de ce secteur.
LN- Envisagez-vous de démissionner de votre poste ?
GC- Je suis en pleine concertation avec les Associations de femmes qui m'avaient désignée, sur les décisions à prendre, suite au communiqué d'autant plus que cette démarche correspond à un point du protocole d'accord qui nous lie.
LN- Certains disent que le CEP est en passe d'être renvoyé à cause de pressions exercées par l'internationale suite à la publication du communiqué # 16.
GC- Je ne suis pas au courant de ces pressions. Et j'arrête toujours ceux qui soutiennent l'ingérence de l'Internationale dans la moindre petite décision d'un pays auquel elle prête assistance. Ma réponse est toujours de les exhorter à ne pas hisser à la caricature la situation déjà pénible d'une présence étrangère dans un pays indépendant et souverain. Croyez-moi : l'Internationale ne s'impose que quand elle ne trouve pas d'interlocuteur valable. J'ai personnellement - d'ailleurs au CEP aussi - expérimenté des cas où l'Internationale a eu à changer d'avis ou s'est gardée d'opiner, face à une argumentation valable. Autant elle peut être arrogante, autant elle peut avoir l'élégance de se taire.
LN- Est-ce que vous abandonnez un bateau qui coule ?
GC- Je ne saurais vous faire part d'une décision alors que je suis dans un processus de réflexion personnelle et de concertation avec le secteur qui m'a proposée. Un bateau qui coule peut toujours reprendre son cap. Tout dépend du savoir-faire de son capitaine et de son équipage.
LN- Est-ce que l'on va replâtrer ou renvoyer le CEP ? Qu'en pensez-vous ?
GC- Ceci n'est pas de mon ressort.
06/07/10
Ginette Chérubin
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=82173&PubDate=2010-08-06#Suite
Commentaire:
N'avais-je pas raison de dire qu'il y a encore des gens honnêtes chez nous? Et il y en a beaucoup d'autres que nous ne connaitrons peut-être jamais. Malheureusement pour Haïti!
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