EDITO / Le Nouvelliste
Haïti: Trois ans de maternelle, six ans de primaire, 7 ans de secondaire. Seize ans en tout si on est admis chaque année en classe supérieure. Seize ans ! Voilà la somme d'années que chaque enfant haïtien doit passer sur les bancs de l'école, s'il a l'heureux privilège d'être scolarisé.
Il devra aussi subir quatre examens officiels. Quatre ! Haïti est le seul pays au monde qui oblige une telle lourdeur aux élèves. Des évaluations en série.
Celui qui a fait ce constat est Max Déjean, un éducateur de carrière, lors de la cérémonie de remise de diplômes à la classe de philosophie de l'Institution La Jachère, en Plaine, qu'il dirige.
Seize ans et quatre examens officiels au bout desquels personne n'est sûr de ce que maîtrise l'élève. Personne ne peut garantir qu'il a digéré tout le savoir accumulé et assimilé toutes les matières enseignées.
Quant à la finalité du système, cela ne fait pas l'objet de réflexions. La machine marche, un point c'est tout. Un pied, une dent, comme on dit ici.
Toujours dans le secteur de l'éducation, la Commission présidentielle sur la compétitivité planche sur des propositions qui incluent une école de qualité dans des zones économiques spéciales. Une idée simple qui permettrait de créer des embryons de regroupement de parents qui travaillent, habitent un habitat décent et dont les enfants bénéficieraient d'une éducation d'un niveau acceptable.
Sur le papier, il faut de l'argent et on y va.
Mais savez-vous que depuis 30 ans, les gouvernements successifs ont bâti plus d'écoles que pendant les deux siècles précédents. Sauf que les capacités de formation des maîtres, institutrices, professeurs et autres personnels pédagogiques sont restées stagnantes. Ont régressé.
Le miracle de l'école de qualité ne pourra sortir de son nid, qu'à la condition qu'on importe des profs avant de nous remettre à en former en nombre suffisant pour nos besoins.
Cela est vrai pour tout le parcours scolaire du primaire à l'université. Sauf que, entre sois : de colloque en séminaire, on pratique la politique de l'autruche à outrance. Priant fort que les déficits se résorbent tout seuls.
Le plus grand malheur arrive au préscolaire. Les fameux « kindergardens » qui ont la charge de former nos enfants - de plus en plus nombreux - n'ont pas le personnel qualifié pour les premières années de l'apprentissage. Ils coûtent une fortune aux parents. Ils abîment, déforment, handicapent des centaines de milliers d'enfants depuis qu'il est devenu une mode de mettre tous les enfants dans les jardins d'enfants.
Qui les surveille ? Qui les régule ? Qui les contrôle ? Personne.
Comme il n'y a pas d'examen d'Etat qui sanctionne la fin du kindergarden, le ministère de l'Education nationale et de la formation professionnelle fait l'impasse sur cette tâche herculéenne bien au-dessus de ses forces et de ses ambitions.
La situation n'est certainement pas meilleure pour ladite formation professionnelle des plus grands. Une vaste plaisanterie tant les écoles bourgeonnent, fleurissent, s'épanouissent et jettent sur le marché du chômage des jeunes malformés par milliers chaque année.
Sur le système éducatif, on peut écrire des thèses et aussi dire en quelques mots tout le mal qu'on en pense. Depuis des années, cela ne change rien à la donne.
La reprise de l'école, après le 12 janvier, est en train de jeter les bases d'une descente aux enfers plus rapide pour les écoles, toutes catégories confondues, qui en sont sorties diminuées. Cela sous les yeux complaisants ou compassés des responsables à tous les niveaux.
Alors à entendre des candidats à la présidence claironnés que l'Education est leur priorité, cela fait peur. La mauvaise éducation est notre objectif depuis si longtemps...
Frantz Duval
duval@lenouvelliste.com
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=82243&PubDate=2010-08-09
B
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