Haïti: En avril 2010, à la suite du tremblement de terre du 12 janvier, un arrêté présidentiel déclara d'utilité publique près de 7,000 hectares sis au nord-ouest de la capitale.
0n veut croire que cette mesure - qui se « légitimise » par le souci affiché d'établir un pôle de développement urbain harmonieux et de faciliter le relogement, selon les normes, d'une partie des sinistrés - n'aboutira pas à une de ces verrues, du genre Cité de Dieu ou Grand Ravine, qui galvaudent le front de mer, de beaux paysages de montagne et donnent de Port-au-Prince une indécrottable image de cloaque.
On veut le croire. Mais les faits se présentent pour justifier les appréhensions que la pratique urbanistique de ces dernières décennies fait monter à l'esprit.
Une « squattérisation » anarchique dans une partie de l'aire ciblée par l'arrêté vient, en effet, encore une fois, avilir un autre de nos sites qui, par sa configuration, sa position géographique semble naturellement s'offrir aux regards des planificateurs pour une implantation de nouveaux quartiers dans la région métropolitaine de Port-au-Prince répondant enfin aux exigences des besoins, de la vie et de la culture citadines
C'est à se demander si certains sont capables de s'extirper des réflexes et comportements populistes qui, érigés en système de gestion sociale, ont empli nos villes de favelas hideuses, insalubres et ont conduit Haïti à devenir une des hontes, l'une des plaies de l'humanité moderne.
Le plus décourageant est que l'emplacement - qu'on s'emploie à dégrader à partir de motivations réelles questionnables - a été déjà retenu et acquis légalement pour une expansion citadine moderne allant dans le sens d'un désengorgement, d'une valorisation de la capitale.
Il existe, en effet, un projet - approuvé et encouragé par les plus hautes instances de l'Etat dont la Présidence de la République - dans lequel est programmé l'exploitation intelligente des avantages offerts par ce site sur les plans habitat, commerce, industrie, loisirs, espaces verts. L'ensemble donnerait à jouir d'une qualité fonctionnelle et esthétique qui contrasterait avec l'environnement actuel et apporterait une note attractive à un Port-au-Prince croulant sous le poids de la laideur et de l'inorganisation.
De l'avis de beaucoup qui savent, ce projet de développement intégré d'une zone économique spéciale « Habitat Haïti 2004 », de la NABATEC est l'une des rares planifications cohérentes, structurée, pragmatique, multi vocationnelle, pourvue d'espaces légalement acquis d'implantation, que peut présenter la partie haïtienne de la CIRH dans la perspective d'une reconstruction de Port-au-Prince et de son aire d'influence. Et c'est une telle oeuvre - à laquelle le nouveau regard international sur Haïti donne des chances certaines de se concrétiser dans l'immédiat - qu'une « squattérisation » anarchique non réprimée menace de torpiller.
Comment se présente « Habitat Haïti 2004 » ?
Caractérisé par une périphrase « développement intégré d'une zone économique spéciale » «Habitat Haïti 2004», et sa phase initiale « Haïti 360 Habitat », comportent plusieurs composantes :
- Un parc industriel privé combinant des installations propices à l'assemblage, l'industrie non polluante et d'exportation dans un ensemble structuré en zone franche de 100 lots, équipé de tous les services de support
- Une zone franche publique, complètement équipée des installations et services destinés principalement à une production verticalement intégrée de l'industrie textile, sur un ensemble d'environ 60 hectares. Une entreprise coréenne s'y trouve déjà installée
- Un parc clôturé et sécurisé (96 lots) pour la manufacture locale et l'entreposage des marchandises destinées à la distribution vers l'Artibonite, le Nord, l'Artibonite, le Nord-Ouest, le Nord-Est, le Centre, l'Ouest. Une gare routière ouverte au trafic privé et public et les services de support sont intégrés à ce parc
- une aire de loisirs, récréations, tourisme près de la mer sur 60 ha comprenant
a) Installations et plage accessibles au public
b) Un front de plage pour des développements touristiques et marina en zone franche
c) Un quartier résidentiel haut de gamme de 266 unités avec toutes les infrastructures de bases, espaces verts et services
- Un complexe commercial et artisanal
- Des quartiers résidentiels d'au moins 4 types, adaptés aux échelons économiques (1,850 maisons individuelles sur 130 ha pour revenus hauts-moyens, 14,500 unités sur 400 ha pour revenus moyens-bas, 8,000 appartements pour la location ou en condominium sur 55 ha, 16,000 unités de logements évolutifs avec espaces semi-privatifs et services de proximité )
- Un centre administratif régional (65ha), un centre commercial (20 ha), des centres de services (25 ha), des terrains pour campus universitaire (30 ha), pour des équipements urbains (terrains de jeu, cimetière, etc...), et pour des installations communautaires et hospitalières
La circulation sera facilitée par un réseau d'artères et de rues macadamisées, bien drainées et ornées de plantes sur les bas-côtés . Un système d'égouts assurera la salubrité de l'ensemble, qui sera également doté des infrastructures nécessaires pour l'approvisionnement en eau potable, électricité, éclairage public solaire, télécommunication, évacuation des déchets.
Il est à noter que les constructions souscriront aux normes parasismiques et que les diverses composantes s'inscriront dans une aire sécurisée.
On doit aussi souligner que, sans compter les opportunités pour la main d'oeuvre locale qui découleront de la mise sur pied des parcs industriels, des implantations touristiques et du secteur commercial (plusieurs dizaines de milliers de possibilités d'embauche), Habitat Haïti 2004 génèrera dans sa phase d'aménagement 3,000 emplois permanents et induira plus de 20,000 emplois indirects sur 10 ans.
Les promoteurs
La zone nord-ouest de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince est considérée comme un des pôles d'extension de la capitale. En 1996, La Nabasa et la Tecina décidèrent de s'associer et formèrent la NABATEC S.A. qui entreprit de conceptualiser et d'y mettre sur pied Habitat Haïti 2004.
La Nabasa - qui avait une plantation de sisal et une usine de transformation de pite dans cette zone semi-aride - apporta une partie du foncier. La Tecina - qui s'est créée une réelle réputation d'expertise dans la planification et la construction de maisons d'habitation, de villages résidentiels, d'immeubles de rapport, de parcs industriels - s'engagea dans ce partenariat à partir de son bagage technique et de ses équipements.
Des études de la position et de la configuration du terrain firent ressortir qu'il y avait beaucoup à en tirer au point de vue urbanistique et que, tant l'agglomération engorgée qu'est Port-au-Prince que ceux qui se seraient investis dans ce projet répondant aux normes modernes de développement des villes, auraient à y gagner. A partir de ce constat basé sur une approche pragmatique, une planification rigoureuse et ouverte travailla aux moyens de rentabiliser les possibilités multi-vocationnelles de l'espace disponible. Et fut programmé le quartier en gestation Habitat Haïti 2004, dont la phase initiale est actuellement lancée comme « Haïti 360 Habitat ».
Les premières années de vie du projet furent consacrées à assurer ses assises légales. Les démarches entreprises par l'Exécutif, en vue du contrôle du développement de l'aire métropolitaine, amenèrent la création d'une commission présidentielle nommée pour vérifier l'adéquation des projets et titres de propriété impliqués dans l'aire ainsi déclarée d'utilité publique. Cette commission formula des recommandations positives pour ce qui a trait au projet et aux titres de NABATEC S.A.. Lesquels titres avaient été scrupuleusement examinés par une Sous-Commission de Notaires qui en soumit le rapport tout aussi positif à ladite commission composée d'avocats, d'arpenteurs, de notaires, de dirigeants de la DGI, de l'Office National du Cadastre, de l'Unité d'Urbanisme de la Présidence, du Ministère des TPTC, etc... Les propriétés furent l'objet d'un renoncement certifié par l'Etat Haïtien selon les exigences de l'Arrêté du 10 février 1998. Continuer >
De nombreux investisseurs, et l'Etat haïtien lui-même, firent montre de leur intérêt pour l'initiative dont la version habitat eut même un commencement d'exécution. Cependant, des circonstances particulières conjoncturelles en retardèrent le réel démarrage, bien que des implantations ponctuelles (campus, entreprise, académie) eurent lieu au fil des ans.
Avec le tremblement de terre du 12 janvier, qui est venu douloureusement accroitre la faiblesse du parc bâti port-au-princien, et les obligations de reconstruction de la capitale (reconstruction, certainement pas, on l'espère, selon les méthodes d'au petit bonheur la chance qui ont causé tant de morts, de souffrances et de pertes matérielles), Habitat Haïti 2004 s'impose par son évidente et incontournable opportunité.
Parce que, par son approche multidirectionnelle, cette réflexion travaillée - dont l'adéquation à nombre de nécessités (renforcées par le séisme) a déjà été reconnue - propose une certaine qualité dans l'environnement d'existence et une articulation harmonieuse dans les relations entre les activités citadines, elle retient l'attention. Aussi, avons-nous demandé aux promoteurs de parler de leurs motivations, de ce qu'ils estiment que « Habitat Haïti 2004 » apportera à la communauté. Quatre d'entre eux, MM Gérald-Emile Brun, Jean Robert Simon, Patrick Blanchet, Lionel Beauduy, ont exposé leurs points de vue sur diverses facettes du sujet.
Points de vue des promoteurs
C.L. - Pensez-vous que « Habitat Haïti 2004 » qui est en gestation depuis 13 ans a des chances de se concrétiser ?
G.E.B. - Haïti est un pays complexe tant au niveau du cadre institutionnel qu'à celui des affaires et des rapports entre individus. On n'y cultive pas toujours le sens de l'initiative rentable surtout lorsque cette initiative sort des sentiers battus. C'est aussi un pays qui a vécu des moments particuliers n'invitant pas à l'investissement.
Il y a eu, cependant, des demandes et acquisitions de terrains par de la part de particuliers, d'entreprises, d'institutions, d'ONG. Nous sont également parvenues par écrit des expressions d'intérêt d'investisseurs tant nationaux qu'étrangers. Le Gouvernement s'est engagé par des protocoles d'accord, par exemple celui avec la Corée pour la zone franche publique, et par le biais des Archives Nationales pour la construction d'une Cité des Archives moderne. Il y eut même un début d'implantation dans la composante habitat.
Les résultats ne sont peut-être pas tout à fait ce à quoi nous nous attendions. Mais, ils sont quand même encourageants. Et actuellement, dans l'après-séisme, je ne dirai pas que Habitat Haïti 2004 est un passage obligé. Néanmoins, je pense que ce projet constitue une donne incontournable.
Les problèmes de logement qui se posaient déjà et que le séisme a décuplé, le déficit renforcé en immeubles commerciaux et industriels ont fait ressortir la pertinence de la vision de Habitat Haïti 2004.
Pour ce qui a trait à l'utilisation de la main d'oeuvre qui est un des défis majeurs de la conjoncture, Habitat Haïti 2004 projette des perspectives de 67,000 emplois à partir des parcs industriels, 10,000 à partir du complexe commercial, 3,000 au point de vue construction. Habitat Haïti 2004 se présente donc comme une des réponses réellement adaptées aux exigences du moment et de la modernité en matière urbanistique. Si vraiment, on entreprend de reconstruire rationnellement Port-au-Prince et d'en assurer l'extension harmonieuse, ce projet a plus que sa place pour jouer sa partition dans le concert des actions qui seront mises en branle.
J'ajoute que l'articulation de Habitat Haïti 2004 - dont tous les quartiers et tous les secteurs disposeront des services essentiels - en fait un nodule qui peut servir de modèle pour de nouveaux pôles d'urbanisation intégrée à travers le pays. Les infrastructures de base s'y rencontreront partout de la même qualité. On doit aussi retenir que, bien que les composantes soient reliées entre elles, l'agencement est calculé pour qu'aucune n'interfère avec la vie des autres.
C.L. - Entreprise privée, Habitat Haïti 2004 ne se détourne pas du social. Je vois qu'y est planifiée une gare routière.
J.R.S. - Si nous avons programmé un centre commercial et un centre d'entreposage, il est normal que nous ayons pensé à une gare routière pour faciliter l'arrivée et le départ des marchandises. Cette gare routière est un de ces exemples qui prouvent que l'intérêt privé bien compris est en résonnance avec l'intérêt collectif. Elle cadre avec les projections étatiques visant à l'extension de la capitale et s'inscrit dans ce qu'on appelle la porte nord de Port-au-Prince.
Elle décongestionnera le centre-ville, surtout le boulevard La Saline que l'on peut considérer comme un périphérique destiné à faciliter la circulation automobile et qui, parce que toujours encombré, ne joue pas son rôle.
La gare routière sera gérée par une société différente de la Nabatec, société qui accueillera les capitaux qui voudront l'intégrer. L'aire dans laquelle seront placés la gare, le centre commercial et d'entreposage sera sécurisée. Ceci sera tout profit pour les commerçants, surtout ceux du bas de la ville qui font face à de très sérieux problèmes d'insécurité.
Parlant de société différente, la composante touristique sera du ressort de la Valembrun S.A. qui, elle aussi, accueillera les investisseurs nationaux et étrangers.
Je renchéris sur ce qu'a dit l'Architecte Brun au sujet de la main-d'oeuvre. Par le mouvement économique qu'il créera, un projet de l'envergure Habitat Haïti 2004, qui a tant de facettes sera certainement une source plus qu'importante d'emplois directs et surtout indirects.
P.B. - Pour rester dans le chapitre emplois, il ne faut pas oublier que Habitat Haïti 2004 est prévu pour desservir au moins 250,000 résidents et usagers. Ceci suppose tout un attirail de gens de maison, de commerces et services de proximité : markets, épiceries, pharmacies, cliniques, restaurants, dry cleaning, écoles, etc... Vous voyez donc que jusqu'à la vie privée à Habitat Haïti 2004 génèrera par elle-même des emplois.
Je voudrais revenir sur la question investissement. L'Arch. Brun a montré comment les problèmes de l 'heure accentuent l'intérêt pour des initiatives du genre Habitat Haïti 2004, qui répondent aux besoins en bâti de la communauté nationale. Il y a indéniablement un marché pour ce que nous proposons, surtout lorsqu'il s'agit d'un produit de la qualité de celui que nous offrons et comme le capital est toujours à la recherche du profit, l'intelligence lui commande de s'y intéresser.
Cependant, dans sa recherche du profit, le capital est des plus circonspect. Il ne s'engagera que sur des terrains sûrs et on le voit mal s'investir dans l'immobilier à côté d'une aire anarchiquement squattérisée. Car l'anarchie à proximité le porte à penser que son investissement n'est pas garanti, ou tout au moins que les projections à partir desquelles on pouvait espérer un rendement alléchant ne trouvent pas les conditions leur permettant de se concrétiser. Et voilà comment on est susceptible de gaspiller une chance qui autorise à escompter la création de près de 100,000 emplois et qui apporterait certaines réponses modernes et pragmatiques aux cruciaux problèmes de la capitale.
Ceci dit, je comprends que les gens veulent et doivent se reloger. Mais ce relogement peut et doit se faire dans un contexte décent, organisé. L'anarchie - en cette espèce particulièrement - est une solution paresseuse qui entraine plus de maux qu'elle n'en résout. Elle jette le discrédit sur l'ensemble de la communauté et éloigne de notre pays ces investissements nationaux et étrangers qui lui font tant besoin.
L.B. - Il y a une remarque que j'estime importante que je voudrais faire. Parce que Habitat Haïti 2004 offrira les facilités et les avantages de l'urbanisme moderne, il est normal qu'il y sera requis des comportements de citadins civilisés. On ne pourra certainement pas y évoluer dans le laisser-aller du « gade you peyi, mwen fè sa m'pito ». On y aura des normes de propreté, de sociabilité à respecter, par exemple tailler son gazon, maintenir propre la devanture de sa demeure, ne pas déparer le quartier, ne pas salir les artères, rues et caniveaux, ne pas jouer de la musique trop fort, ne pas faire du tapage nocturne, etc...
Je ne vois pas pourquoi ce genre de discipline sociale aurait dérangé nos compatriotes. Car lorsqu'ils vont à l'étranger, ils se plient sans problème aux règles.
Pour moi, là encore, Habitat Haïti 2004 sera un modèle. Elle portera à divorcer sur notre sol d'avec nombre de mauvaises habitudes et y initiera des styles de vie qui seront celles de l'Haïti de demain que nous tous voulons voir belle, propre et prospère.
PROPOS RECUEILLIS PAR CARL LABOSSIÈRE
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=82935&PubDate=2010-08-27
Commentaire
Mesdames, messieurs, vous qui parlez d'absence de programme de gouvernement de nos partis politiques et qui avez raison, voyez-en un tout fait! Quel pays dirigé par des personnes décentes, quelle société civilisée ou désireuse de l'être, ne s'approprierait pas un tel projet, n'écouterait pas attentivement les concepteurs de ce plan d'urbanisme attrayant? C'est tout un programme de gouvernement! On devrait pardonner à un parti politique de s'approprier ce plan et de l'appliquer comme sien plutôt que de faire la sourde oreille face à une vraie possibilité de changement et de changement positif. Est-ce que ces ingénieurs et architectes qui ont l'intelligence d'élaborer un plan aussi positif n'ont pas la patience ou les arguments nécessaires pour convaincre des politiciens sérieux à y jeter un coup d'œil? En tout cas, le développement de plus d'un pays connu ne se passe pas autrement. C'est cette conjonction entre les planificateurs intelligents et les politiciens éclairés qui a mis la République Dominicaine où elle est, un véritable pôle touristique en Amérique Latine et dans les Caraïbes. C'est cette même aptitude à planifier et à faciliter les choses aux investisseurs consciencieux qui font du secteur touristique mexicain toute une institution et qui fonctionne malgré des difficultés locales d’un autre ordre. C'est aussi ce qui fait la force du secteur touristique d'un pays pourtant réputé fermé à cause de son système politique, Cuba. Ce pays dit communiste qui fournit des médecins à toute l'Amérique Latine dont Haïti (qui ne sait même pas les gérer), le Venezuela, entre autres. Qu'est-ce qui nous retient? Pourquoi cette lourdeur à réagir quand il s'agit de suivre les bons exemples?
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