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jeudi 26 août 2010

Chavannes Jeune, pêcheur d'hommes

Enfant turbulent, Chavannes Jeune, à un cheveu de lâcher l'école, rêvait de devenir pêcheur de "kribich". Condamné à mourir analphabète par certains de ses profs à la petite école, il a été sauvé par un religieux catholique qui l'a ramené sur terre et lui a permis de prendre conscience de son potentiel. Il a, dans la foulée, fait de brillantes études en génie civile,en théologie et a été consacré pêcheur d'hommes. Après une expérience mitigée de cogestion du pouvoir avec René Préval faite de surprise et de « trahison », ce fils du Grand Sud est une nouvelle fois candidat à la présidence. Portrait.
Haïti: Chavannes Jeune est né le 28 décembre 1953 à Morancy, une section communale des Cayes. Fruit des oeuvres légitimes des époux Beuville Jeune et Anne Fontaine, il est, à peine haut comme "deux pommes", la plaie de ses professeurs à la petite l'école. Turbulent et très peu porté sur les études, le benjamin d'une famille de cinq enfants se fait expulser de trois écoles de Dame-Marie, une somptueuse ville côtière de la Grande-Anse où les vents du large dansent avec les brouillards ondoyants qui tapissent les plantations de cacao. « Je voulais devenir pêcheur de kribich *», explique Chavannes Jeune en fouillant dans sa mémoire pour camper le lutin qu'il était, le garnement frondeur qui n'avait cure des sermons et prédictions de ses profs. « Ils disaient que je serai un analphabète toute ma vie car ils avaient des doutes sur mes capacités à poursuivre des études. Mais au fond, à l'époque, cela m'arrangeais. J'acceptais avec joie cette idée. »
Possédé peut-être par Poséidon, Chavannes, l'enfant de la promesse, allait être remis sur le droit chemin. Par un catholique : le frère canadien Théodile Henry, directeur de l'Ecole des Frères de Dame-Marie, l'unique établissement où il n'avait pas de « casier ». « Tous les enfants de Dieu sont doués d'intelligence et sont capables de lire et d'écrire », avait dit le religieux au petit en qui sommeillait une prodigieuse intelligence. Suite à ce déclic, il est toujours premier de sa classe jusqu'au certificat avant de retourner aux Cayes avec son évangéliste de père aussi nomade qu'un Touareg. Là, il passe trois ans au Lycée Philippe Guerrier (6e à 3e) avant de rentrer terminer ses études classiques à Port-au-Prince en 1972.
Détenteur d'un diplôme en génie civile chez Richard Leconte en Haïti, Chavannes Jeunes, grâce aux contacts de son père, entre autres, l'un des fondateurs de la Mission Evangéliste Baptiste du Sud d'Haïti (MEBSH), décroche une bourse et passe deux années en France, sur les côtes de l'Esterel, à l'Ecole nationale des Ponts et Chaussées. Au Washington Seattle, il fait des études en Administration publique pendant deux ans. Il étudie la communication au Wheaton College et suit des cours post-universitaires en développement en Israël et au Brésil.
Suivant les traces de son paternel, il fait ensuite des études de théologie à l'université Seattle Pacific et coiffe le tout avec une maîtrise et un doctorat. « J'ai fais un doctorat en divinité à Columbia Bible University de Caroline du Nord, raconte Chavannes Jeune, petite taille, regard perçant, calvitie prononcée assis derrière un modeste bureau métallique installé au numéro 7 à Delmas 33.
Président de la MEBSH de 1997 à 2002, Chavannes Jeune travaillait depuis bien avant dans l'éducation civique, la formation des jeunes. Au contact de la population dans le Sud, la Grand'Anse, les Nippes, l'Ouest et de leurs besoins, il confie avoir élaboré des projets de développement pour Haïti. « Depuis 1976, j'accumulais de la frustration face aux blocages de plusieurs projets et programmes, confie M. Jeune, qui, en 2004, lors d'un congrès de 407 agents civiques formés, avait fait le grand saut en politique. Au cours de ce congrès, on a créé l'Union nationale pour la reconstruction d'Haïti (UNCRH).Et on m'a choisi comme candidat à la présidence ».
Quatrième aux élections de 2006, « nonobstant les contestions pour fraudes », Chavannes Jeune, candidat agréé pour la présidentielle du 28 novembre 2010 sous la bannière de l'Alliance chrétienne et citoyenne pour la reconstruction d'Haïti (ACCRHA) revient sur la déchirure de l'UNION, l'affaire Chavannes/Germain. « C'est douloureux de voir un collaborateur immédiat se transformer en traître, en Judas », dit-il en accusant de faussaire l'ingénieur Jean Marie Claude Germain, actuel ministre de l'Environnement, qui a inscrit sans titres ni qualités avec un faux document l'UNCRH à la plateforme présidentielle Inite. « J'ai fourni des preuves au ministre de la Justice. Cela est resté sans suite, déplore Chavannes Jeune. La justice élève une nation. J'ai vu que le pays n'irait nulle part avec des dirigeants qui méprisent la justice », explique-t-il en confiant toutefois avoir pardonné à M. Germain. « Je l'appelle lors de grandes occasions, comme le 1er janvier dernier. Mais, il ne me retourne jamais mes appels. Des gens disent qu'il aurait dit que la politique unit, divise et réunit », raconte M. Jeune pour qui il y a une leçon à apprendre de toutes les expériences, une allusion aux joutes de 2006.
Serein, Chavannes Jeune, malgré une expérience de cogestion désastreuse du pouvoir avec le président René Préval, se présente comme un homme de conviction. « J'ai refusé de m'associer à son projet de dépeuplement des autres partis politiques et d'amendement irrégulier de la Constitution », soutient le candidat qui promet, s'il est élu, d'adopter des mesures d'urgence en vue de reloger les sans-abris du 12 janvier, d'amorcer la refondation de l'Etat, de créer les conditions en vue d'attirer les investissements directs d'étrangers, des locaux et des Haïtiens de la diaspora...
la critique de ceux qui clouent au pilori les opérateurs politiques des vingt dernières années pour cause d'échec, il répond qu'il n'y a pas de génération spontanée. « Les jeunes doivent intégrer les structures politiques afin d'apporter du sang neuf. Vous ne pouvez pas dire que votre mère a échoué parce qu'elle est analphabète. Cela ne peut pas vous servir de prétexte pour ne pas aller à l'école », argumente Chavannes Jeune. « Nous sommes, poursuit-il, à un carrefour difficile. Il est temps de cesser de s'apitoyer sur notre sort, de critiquer pour critiquer. Il faut se mettre à l'oeuvre pour bâtir la nation dans un esprit de cohabitation et de persévérance ». Ouvert à la possibilité de faire des alliances, il milite pour des élections crédibles et le regroupement des partis et plateformes en 4 grands blocs politiques. Fan de Rémy Lochard, d'Alabanza, d'Eben Ezer, du Violette et de l'Aigle Noir, le leader de (ACCRHA) croit dans l'avenir d'Haïti. Reste à savoir si le pêcheur de kribich raté et pêcheur d'hommes consacré saura pêcher les électeurs qui lui ouvriront les portes de la présidence...

Roberson Alphonse

ralphonse@lenouvelliste.com

http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=82886&PubDate=2010-08-25

Commentaire

S'il a eu le courage après tout ce qu'il a vécu, après ce manque total de discipline, de se rattraper et d'atteindre les sommets qu'il a connus, peut-être a-t-il acquis la fermeté de caractère nécessaire pour gouverner un pays. Encore que ce pays s'appelle Haïti. Souhaitons-lui bonne chance! Heureusement qu'il n'est pas le seul! La question cruciale: les Haïtiens sauront-ils entre qui et qui faire leur choix? Seule la réponse correcte à cette question pourra lui offrir une vraie possibilité de changement.

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