Haïti: Depuis des années, une sourde bataille se déroule dans le secteur de la santé : comment empêcher aux étudiants issus des universités privées d'entrer dans le système public de la résidence hospitalière ?
En un mot, des étudiants de l'Université d'Etat d'Haïti s'ingénient de toutes les manières pour priver le pays d'un nombre plus important de spécialistes. Ils nient le droit des autres médecins de servir le pays et de se former.
Cette bataille qui charrie aussi son lot de critiques sociales - les étudiants qui proviennent des universités privées ont de l'argent et vont prendre notre place, manger notre pain - est sans équivalent dans l'histoire de l'enseignement.
Imaginez les lycéens interdire l'université publique aux élèves des écoles privées. Absurde.
Pourtant, depuis près de 10 ans, un pays qui a moins de 3 spécialistes pour 10 000 habitants se permet le luxe de laisser faire les forts en thème.
Les ministres de la santé, de la formation professionnelle et le rectorat esquivent le problème avec adresse, les facs privées le minimisent pour ne pas effrayer la clientèle future, la corporation médicale s'en accommode comme d'une maladie chronique. Il y a même des Premiers ministres, des présidents de la République qui prennent parti ou, pire, ignorent le problème.
Chacun cherche à ne pas s'aliéner un secteur qui a mené avec vigueur mille mauvaises batailles depuis 1986. Comme une épine, les internes, résidents ou étudiants du secteur public embarrassent ou terrassent les tenants du pouvoir.
Dans le meilleur des cas, les responsables-irresponsables les manipulent avec des pincettes ou les isolent comme un virus mortel. Le problème reste entier d'année en année.
Après sept ou huit ans d'études (selon l'université), les étudiants issus des facs privées ou de la formation acquise à l'étranger doivent quémander une place pour se former dans des disciplines qui sont en demande de cerveaux pour simplement assurer la relève, même pas pour augmenter le nombre de praticiens en service actif.
Les médecins formés en Haïti partent. Ne rendent pas au pays ce qui lui est dû. Certains préfèrent finir paramédical aux USA ou au Canada au lieu d'affronter l'incertitude du marché local. Quand ils sont en résidence hospitalière, le service de santé s'assure de leur disponibilité pendant trois ans. Une aubaine.
Bien entendu, les centres de santé de niveau universitaire n'ont pas suivi la courbe ascendante du nombre d'étudiants formés en médecine ces dernières années. Nulle part il n'est pris en compte qu'il faut plus de places et de formateurs en résidence hospitalière si nous avons multiplié par 10 le nombre de médecins qui sortent des facs privées et publiques.
Personne ne veut imposer un examen sérieux qui permettra de jauger le savoir des médecins issus de différentes écoles de formation mais qui tous auront à soigner la population. Un matching à l'américaine est inimaginable ici. Les responsables n'y tiennent pas, les étudiants du public s'offusquent de l'idée même.
Comme pour le Conseil Electoral Provisoire, c'est la théorie de l'impossible qui s'applique : l'Hôpital de l'Université d'Etat d'Haïti (HUEH) doit accommoder tout le monde même si les structures d'accueil et de formation ont peu évolué depuis 1986, époque où les facs de médecine privées n'existaient pas. Les étudiants qui sont en formation de spécialisation à l'Hôpital La Paix de Delmas ou à l'Hôpital Justinien au Cap-Haïtien doivent se contenter du peu qu'ils reçoivent et s'estimer heureux.
Les centaines de médecins haïtiens formés à Cuba depuis près de quinze ans subissent une double discrimination. Les Cubains coopérants médicaux sont les chouchous du ministère de la Santé. Les Haïtiens n'intègrent pas le système et doivent attendre cinq ans avant de pouvoir accéder à la résidence hospitalière. Une injustice qui les pousse à repartir pour l'Espagne ou Cuba poursuivre leur formation au détriment du pays.
Cette coopération avec Cuba qui s'exécute sans plan global du côté haïtien est l'expression de l'absence de réflexion en santé publique. Depuis des années, le remède cubain pallie nos déficiences sans que quiconque ce soit ne sache où elle va.
La théorie de l'impossible transposée dans le domaine de la formation médicale et dans la santé publique consiste à laisser dégénérer le malade en espérant que le temps guérira toutes ses blessures.
Frantz Duval
duval@lenouvelliste.com
Commentaire
On a beau se plaindre, rien n'y fera. Sauf un changement dont on ne peut pas savoir d'avance s'il va être positif ou négatif - mais il faut se risquer - pourra redonner de l'espoir à la population. C'est à dire quel que soit le secteur concerné, on est condamne à voir le président, le premier ministre et chaque ministre, en attendant que le pays entier les suive, en faire à sa tête. Une constitution ? Un bout de papier ! Des lois ? Pour quoi faire ? Tout se mue par un seul ressort, l'intérêt de celui qui est à la tête et le secteur qui le concerne directement. Voilà ce qu’on pourrait appeler une mentalité de prédateur ! L’art de gouverner les hommes en peu de mot se résume ainsi dans la jungle qu'est Haïti au XXIe siècle! Ces hommes qui acceptent un poste dans l'administration de la chose publique pour se sacrifier à leur pays, n'est-ce pas? Qui nous sauvera de nos LIBERATEURS!
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