Haïti: Haïti redoutait un embrasement mercredi au lendemain de l'annonce des résultats de l'élection présidentielle, jugés "incohérents" par les Etats-Unis, le candidat du pouvoir s'étant qualifié d'extrême justesse pour le second tour.
Le quartier général d'Inité, le parti au pouvoir, a été incendié dans la matinée à Port-au-Prince, après une nuit de violences sporadiques qui se sont répandues dans tout le pays dès l'annonce tardive des résultats préliminaires du scrutin par le Conseil électoral.
Tandis que des milliers de manifestants, jeunes pour la plupart, convergeaient de bonne heure vers le centre-ville de Port-au-Prince, les pompiers entouraient le siège du parti de Jude Célestin, le candidat adoubé par le président René Préval pour lui succéder.
M. Célestin est arrivé deuxième au premier tour de la présidentielle du 28 novembre, derrière l'ex-Première Dame Mirlande Manigat, mais il ne devance que de quelque 6.000 voix le chanteur populaire Michel Martelly, dont les partisans sont descendus dans la rue.
A moins d'une modification des résultats d'ici à la publication définitive des résultats le 20 décembre, le second tour opposera le 16 janvier Mme Manigat, qui a obtenu 31% des voix, à M. Célestin (22%). Malgré son score de plus de 21% des voix, Michel Martelly, mieux connu sous son nom de scène de "Sweet Micky", est exclu de la compétition.
Empêchés d'approcher du palais présidentiel par des unités anti-émeutes, les partisans du chanteur se déplaçaient mercredi dans toute la ville. Certains brandissaient des portraits de M. Martelly, d'autres, armés de bâtons, frappaient des poubelles ou jetaient des pierres.
Des milliers de manifestants étaient également rassemblés à Cap-Haïtien (nord), la deuxième ville du pays, selon des journalistes locaux.
A Pétion-Ville, dans la banlieue de Port-au-Prince, un jeune partisan de M. Martelly a appelé la population dès 05H00, aux cris de "Réveillez-vous!", à soutenir son candidat.
Témoin des violences de la nuit, des bennes à ordures étaient déversées sur la chaussée où des carcasses de voitures finissaient de se consumer. Les habitants se déplaçaient à pied, mais les commerces restaient obstinément fermés.
"Nous allons détruire le pays jusqu'à ce qu'on nous donne Martelly comme président", a lancé pendant la nuit à l'AFP un jeune manifestant cagoulé.
Les manifestations semblaient être les plus grosses dans le pays depuis la réélection de M. Préval en 2006. Haïti a entre-temps été meurtri par le séisme du 12 janvier dernier (250.000 morts) et est aux prises avec une épidémie de choléra qui a fait 2.120 morts depuis mi-octobre. Les Casques bleus présents dans le pays sont accusés d'avoir introduit la bactérie mortelle.
Les Etats-Unis se sont dits "préoccupés" par les résultats "incohérents" de l'élection, au regard de résultats partiels donnés lundi par des observateurs homologués par l'Union européenne, qui avaient mis le candidat du pouvoir en troisième position, loin derrière M. Martelly.
La France a appelé au calme et demandé à ce que les recours soient traités "de manière rigoureuse et transparente" par le Conseil électoral.
Mme Manigat, 70 ans, a été brièvement la Première dame d'Haïti en 1998 sous le mandat de son mari Leslie Manigat, renversé par les militaires. Si elle l'emporte le 16 janvier, cette universitaire sera la première femme à diriger le pays depuis son indépendance en 1804.
Disant vouloir lutter contre la corruption et pour l'éducation des jeunes, elle s'est aussi prononcée pour le départ progressif des Casques bleus, présents depuis 2004.
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=86543&PubDate=2010-12-08
Commentaire
Je ne suis pas convaincu que la violence soit la solution au problème que confronte Haïti, s tentative de démocratisation, maintenant. Si la violence avait une telle efficacité, Préval serait eternel au pouvoir car c'est exactement la méthode qu'il a utilisée pour y rester coute que coute, à sa manière. Car que représente le remplissage des urnes avant les élections? Que représente l'interdiction aux représentants des autres parties d'exercer leur fonction ou aux électeurs autres que ceux de Célestin, de choisir celui qui doit les gouverner? Mais encore une fois, cela ne mène nulle part. Détruire ce qu'on n'a même pas dans le pays, c'est se détruire, c'est se fracturer davantage qu'on ne l'est déjà par tout ce que le gouvernement a fait et a refusé de faire. Une autre méthode s'impose. Cela est d'autant plus nécessaire que ceux qui utilisent la violence aujourd'hui la justifient d'avance contre eux-mêmes. Comment? Une fois au pouvoir, qui nous garantit qu'ils ne vont pas procéder comme le fait Préval aujourd'hui? Et si cela arrive, comme c'était le cas avec Aristide et bien d'autres encore, quelle force morale les accompagnera quand ils prétendront qu'il ne faut pas recourir à la violence? Dans le pire des cas, on pourrait leur suggérer d'utiliser tous les autres moyens en leur possession avant d'en arriver à cette réaction extrême. Ils n'ont pas encore épuisé tous leurs moyens, il nous semble.
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