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vendredi 31 décembre 2010

L'Edito

Nous pouvons faire mieux
Haïti: L'année 2010 s'achève. Heureusement. Qu'elle meure, cette année horrible! Rarement tout un pays peut aussi bien identifier l'avant et l'après d'une tragédie. Ce 2010 est un 1804 de la déchéance comme celui du début du 19e siècle était celle de l'Indépendance. Le 12 janvier 2010 nous marquera à jamais.
Depuis, chacun dans sa sphère sait ce qui s'est passé. On ne peut pas dire que l'histoire s'est arrêtée. Non. Elle a poursuivi imperturbable sa course. Le premier moment d'égarement passé, nous nous sommes mis à nous relever. Pour secourir. Déconstruire. Reconstruire. Espérer.
La première erreur de ce 2010 de malheur a été de compter sur l'aide extérieure avant tout. Nous en payons encore le prix, et cela ne finira pas. Nous avons oublié que les grandes catastrophes sont comme les linges très sales. Il faut avant de les apporter au pressing faire la première lessive entre soi.
Si la catastrophe a mis à nu nos faiblesses en terme de capacité à porter secours, elle a aussi souligné la pauvreté du reste du pays en tout. La région métropolitaine et quelques villes ont été frappées et le pays s'est effondré.
Aucune autre ville n'a pu envoyer du secours aux sinistrés, et quand la peur et le dénuement ont conduit les victimes vers des villes de province, ils ont vite compris qu'il n'y avait ni eau potable, ni médecins, ni abris, ni écoles pour les accueillir. Rien. Sinon une misère plus grande que leur détresse.
La catastrophe du 12 janvier a aussi souligné le vide idéologique dans lequel nous évoluons. Si le président René Préval a caricaturé à l'extrême notre écroulement en se taisant dans les premiers jours qui ont suivi le séisme, les autres acteurs n'ont pas fait mieux depuis. Aucun leader d'opinion n'a émergé pour nous guider de sa parole, aucun intellectuel ne s'est levé pour nous galvaniser autour d'un objectif fort, pour nous proposer une idée comme ligne directrice. Les chanteurs comme les poètes sont restés sans mots et sans voix et les écrivains ont été plus présents ailleurs en représentation qu'ici à raviver la petite flamme qui brûle encore en nous. Même notre goût pour la révolte est en berne.
L'échec est collectif et ce ne sont pas les politiciens qui rêvent d'une élection à 18 tours avec un gagnant différent à chaque scrutin qui diront le contraire.
Les élections de 2010 étaient un échec avant, pendant et après leur tenue. Le vrai drame du 28 novembre est là.
L'engouement pour Wyclef Jean ou Michel Martelly s'explique par l'effondrement de la société civile organisée, par l'inefficience du secteur privé, vrai moteur en panne d'un introuvable mieux-être, et par celui de la classe politique vieillissante et sclérosée.
"Wyclef ou Martelly ne changerons rien à mon sort. Au moins ils me feront danser", cette phrase sortie de la bouche d'un potentiel électeur dit tout. La continuité, que René Préval ne symbolise pas seul, ne propose rien au pays et c'est la bonne santé mentale de la population qui la pousse à chercher ailleurs ses nouveaux maîtres et leaders. On ne doit pas s'y tromper, et si il n'y a pas de débat réel sur les fraudes au niveau des législatives, c'est bien parce que tout le monde sait d'expérience que dans ce pays il y a deux chefs : les Blancs qui se croient maîtres de notre destin et le président de la République.
Notre dernière plaie, le choléra, s'inscrit dans la même lignée de l'effondrement de notre pays. La maladie de la pauvreté et de la malpropreté a mis du temps à nous placer sur la carte de sa géographie mortelle. Ce retard est la seule chose qui soit insolite devant la flambée qui s'est abattue sur nous depuis mi-octobre.
Haïti est sans doute le seul pays au monde où les plus riches qui habitent des maisons à plus d'un million de dollars vivent dans la même précarité que le plus pauvre des pauvres. Aucun des deux ne peut, chez lui, ouvrir un robinet qui lui donnera accès à de l'eau potable ou bénéficier des facilités de l'évacuation de ses eaux usées par le système des égouts de ville. Que dire d'autre ?
L'Etat, les pouvoirs publics, nos taxes et l'aide internationale par milliards déversée sur Haïti ne sont au service ni des riches ni des pauvres. Tout, dans tous les domaines se fait sans plan directeur, ni objectifs.
La CIRH est le dernier des monstres qui, avec les ONG, nous aident à mourir en gardant intact la bonne conscience mondiale et celle des élites locales.
La caricature annuelle, cette année encore oeuvre de Teddy Kesser Mombrun, qui illustre ce numéro de fin d'année que vous avez en main est sans doute morbide, mais elle ne reflète que trop bien la mort qui a plané autour de nous cette année. Mort qui plane encore par-dessus nos têtes.
Et c'est parce que nous sommes convaincus que les pays, comme les sociétés, organismes vivants, meurent comme les autres, que nous vous demandons en 2011 de faire autrement mal à ce bout de terre que nous ont légué nos ancêtres.
Nous pouvons faire mieux. Nous devons faire mieux.
Pour une année 2011 meilleure, Le Nouvelliste formule ses voeux de santé et de courage à tous ses lecteurs, abonnés, commanditaires et collaborateurs. Forgeons-nous ensemble un avenir plus digne de nos espérances.


Frantz Duval
duvalf@hotmail.com


http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=87309&PubDate=2010-12-30


Commentaire
Cette année aura été l'année du paroxysme du délire, de l’abjection et de l'inutilité du gouvernement dans un pays comme Haïti. Honte à ceux qui disent gouverner et empêchent le pays d'avancer!

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