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mercredi 15 décembre 2010

Malaise à la CIRH

Sept mois après sa création, la CIRH tarde à être efficace. Les donateurs ne se bousculent pas aux portillons malgré les efforts assidus de l'ex-président américain Bill Clinton. En plus de ce bilan mitigé, les craintes d'un échec et l'isolement de la partie haïtienne, confinée à un rôle de figurant, éclatent au grand jour. Le directeur exécutif de la Commission, Gabriel Verret ,peu convaincant, peu diplomatique, est dans l'oeil du cyclone. Récit de la quatrième réunion de la CIRH.
Haïti: 7 heures 33. Le ciel est gris et la brise glaciale. Les 12 membres de la « partie haïtienne de la CIRH » commencent à arriver. Des ministres du gouvernement aussi. L'avion qui doit les emmener à la quatrième réunion de cette commission à Santo Domingo fait le plein sur le tarmac de « Log base », la plus importante plateforme de la MINUSTAH en Haïti, non loin de l'aéroport international Toussaint Louverture, sur la route de Mais Gâté. L'ambiance est amicale. « Carte d'embarquement, s'il vous plaît ! ». L'exclamation traverse la petite salle d'attente. L 'hôtesse, forte, athlétique, un anglais imprégné de l'accent hindou, attire l'attention et met un terme aux bruissements des groupuscules immergés dans leurs discussions. Deux heures d'attente ! Rien de grave, même sans le café matinal, compensé par des cigarettes tranquillement grillées par des accros à la nicotine. On ne fait pas la tête.
Les pires craintes de turbulence sont dissipées malgré les nuages et une météo affreuse, ce mardi 14 décembre 2010. Le vol est agréable jusqu'à l'aéroport international Las Américas. La navette, après l'atterrissage, tant bien que mal, emmène tout le monde, journalistes compris, à l'immigration où 10 dollars US pour le permis de séjour sont exigés à ceux n'ayant pas le visa dominicain. Aucun statut particulier pour ces membres de la CIRH qui, en principe, « analysent » et « valident » des projets dont les enveloppes atteignent dans certains cas des dizaines de millions de dollars.
L'immigration et les douanes franchies, le pied de grue s'impose. Une dizaine de minutes seulement. Suffisant pour constater l'étalage ostentatoire et fier de la réussite du voisin dont les infrastructures témoignent du progrès, de la stabilité politique et économique des dernières décennies.
« Délégation d'Haïti » gravé sur un bout de carton par un Dominicain signale la fin de l'attente. On s'engouffre avec les sacs de voyage dans un vieux bus. Le sourire radieux, les lèvres roses articulant le « Buenos dias » d'une jeune dominicaine ayant un faux air de Jennifer Lopez, l'histoire de Mariella sur le pylône occultent l'inconfort dans le bus jusqu'à l'hôtel Hilton où, surpris, on apprend que la réunion se tiendra à cinq heures. La météo fait des siennes aussi dans le « Big Apple ». Clinton est empêché et le Premier ministre Jean-Max Bellerive interviendra depuis Port-au-Prince par vidéo conférence.
Une fois le check-in terminé, la sixième étage est rapidement envahi. Le lunch y est. Salades, pâtisseries. Régal. Paradoxalement, les premiers signes d'inconfort sont décelés. « Je ne vais pas avaliser n'importe quoi. Nous sommes comme le Parlement, c'est de notre responsabilité de jouer effectivement notre rôle », crache un membre de la partie haïtienne de la CIRH. Malaise ? Peut-être.
Trois heures nous séparent de la réunion et on a le temps de faire la sieste, visiter l'hôtel, reprendre un bain.
Une trentaine de minutes après cinq heures, Bill Clinton entre dans la salle, kleenex en main. Les représentants de la partie haïtienne ont déjà pris siège. Vilaine grippe et tristesse à cause de la disparition de M. Richard Holbrooke, ambassadeur, envoyé spécial de Obama pour le Proche-Orient. La réunion démarre, Clinton situe le cadre : « Il faut poursuivre les efforts pour la reconstruction d'Haïti, peu importe le gagnant de l'élection présidentielle. » « Malgré le choléra, enchaîne-t-il, nous avons fait des progrès et nous devons poursuivre. C'est important. Si le peuple haïtien voit des projets tangibles, il croira que le travail peut être fait », ajoute Clinton qui souligne que des projets pour un montant de 2. 6 milliards de dollars ont déjà été approuvés par la CIRH.
Petite discussion pour changer le menu de la réunion entre l'ex-Premier ministre jamaïcain Perceval Patterson, représentant de la CARICOM, et Bill Clinton. Patterson se plie. Le président dominicain Leonel Fernandez arrive. Comme Clinton, il exprime sa foi dans l'avenir d'Haïti.
Fernandez, proactif depuis le tremblement de terre du 12 janvier, insiste sur la nécessité d'une conjugaison des efforts afin d'aider au relèvement d'Haïti en proie à une épidémie de choléra et aux prises à des élections ayant donné lieu a des actes de violence. « Ce sont des défis qu'il faut surmonter avec l'effort de chacun », explique-t-il en appelant les donateurs à poursuivre avec le versement des fonds promis.
« Beaucoup de travail doit être fait pour enlever les déblais, construire des logements, créer des emplois et permettre à nouveau la croissance de l'économie d'Haïti. Il faut avoir un agenda ambitieux non seulement pour permettre à Haïti d'être comme elle était avant le tremblement de terre du 12 janvier, mais surtout pour garantir son développement durable », ajoute-t-il avant un moment d'émotion provoqué par des flash-back. Une vidéo projetée sur un écran en face du siège du chairman montre des scènes insoutenables du tremblement de terre. Parmi elles, celles de deux hommes fuyant l'effondrement du Palais national et des actions menées sur le terrain pour enlever les déblais et la pose de la première pierre d'un hôpital qui sera construit à Mirebalais.
Gabriel Verret, directeur exécutif de la CIRH, sept mois après la création de cette commission présente le plan d'action. Huit secteurs prioritaires, les objectifs, comment trouver des fonds et l'urgence d'appliquer des politiques publiques notamment dans le domaine foncier. « Je ne rentre pas dans ces détails », lâche M. Verret, ex-conseiller économique du président René Préval. Des redites par rapport à la deuxième réunion de la commission au Karibe, à Port-au-Prince.
« Ce plan n'est pas les dix commandements. Je pense qu'il peut-être revisité », nuance Clinton dont le prestige a jusqu'ici servi de garant à cette commission.
Patterson revient à la charge
Au terme de l'identification d'une série de failles organisationnelles, d'opacité, de non transmission d'information à temps aux membres de la CIRH par le comité exécutif, Perceval Patterson rappelle la responsabilité commune et le devoir de reddition de comptes. Comment les contrats sont-ils signés ? Quelles sont les critères d'évaluation des projets approuvés ?, s'interroge l'homme politique caribéen en affichant son scepticisme.
« Je sonne désespéré. Je suis désespéré. La situation réclame de la célérité. Nous n'avons pas de temps à perdre », confie-t-il en ajoutant qu'il sait « que le peuple haïtien n'attendra pas indifférent la réalisation d'actions tangibles comme le ramassage des déblais, la construction de logement ».
« Les gens ne doivent pas vivre dans cette situation, presqu'un an après le tremblement de terre », indique Perceval Patterson qui invite à prendre en compte la charge émotionnelle de cette date.
Clinton, diplomatique, encaisse, explique avec au début une nervosité à fleur de peau. Gabriel Verret explique également. Sans convaincre. Le stock des excuses semble avoir été épuisé avec le temps et les mises en place que l'on ne saurait ne pas avoir fait.
Gabriel Verret passé à la moulinette
Mme Suze Perci Filippini, représentante de l'Exécutif à la CIRH, demande la parole. Contre toute attente, elle annonce qu'elle va donner lecture de « la position de douze membres de la partie haïtienne de la CIRH et du mode de fonctionnement de la commission ».
« Les douze membres de la partie haïtienne ici présents se sentent complètement débranchés de la vie de la CIRH. A l'heure des TIC, il existe un déficit crucial de communication et d'information de la part du secrétariat exécutif et encore plus du comité exécutif. En dépit de notre fonction dans la structure de l'institution, nous n'avons à ce jour reçu aucun rapport de suivi des activités de la CIRH. Les contacts s'établissent seulement à la veille des réunions du conseil d'administration. Le conseiller n'a ni le temps de lire, ni d'analyser, ni de comprendre et encore moins de réagir intelligemment aux projets qui lui sont soumis à la dernière minute, malgré toutes les doléances formulées et toutes les promesses faites à ce sujet », révèlent les signataires de cette déclaration.
« Les projets sont transmis au Conseil sous forme de tableau de synthèse, la veille des réunions. Les changements de procédures dans les formalités de soumission de projets online varient sans aucun avis. Le recrutement et le choix des firmes conseils se sont réalisés à l'insu de la partie haïtienne du conseil d'administration. Aucun document n'est venu informer le Conseil sur les critères d'embauche et sur le profil des candidats », poursuit les signataires de cette déclaration dont les démarches pour « faire le point sur le mode de collaboration entre les deux instances » ont été « ignorées ».
Verret répond. Mélodrame
« J'accepte la critique. Ce n'est pas nécessairement utile et constructif de répondre ici à certaines questions soulevées », répond M. Verret, hésitant et visiblement embarrassé. Clinton, subtilement, détend l'atmosphère en expliquant qu'il est de la responsabilité de la partie haïtienne de veiller au grain, avant le dérapage verbal ou la boulette de Jean-Max Bellerive qui souligne qu'il n'est pas toujours facile pour que des "individus" d'horizons différents puissent travailler sans difficultés.
Remontée, un sanglot dans la voix, Mme Filippini s'est montré indignée à cause du qualificatif « individu » utilisé par le Premier ministre Jean-Max Bellerive. Un mot attentatoire à sa personne et à la professionnelle qu'elle est, dit-elle, alors que M. Verret, peu attentionné à la formulation de la proposition de M. Clinton et de Ricardo Seitenfus, représentant de l'OEA en vue de tenir des consultations rapprochées sur l'avancement des dossiers entre la partie haïtienne et le comité executive, continue de pianoter sur son Blackberry. On dirait que Veret avait une reunion plus importante sur son smartphone.
Au terme de la réunion, le Premier ministre Jean-Max Bellerive s'est excusé du fait de sa maladresse en utilisant le mot « individus ».
Selon les infos, la prochaine réunion de la CIRH est fixée au mois de janvier 2011, un an après le séisme. Entre-temps, sept mois après la création de cette commission, les résultats sont minces et les défis énormes. Clinton perdra-t-il la face ? Gabriel Verret, plus sensible aux sollicitations des donateurs que des nationaux sera-t-il à la hauteur ? Seul le temps le dira face au spectre de ce géant en papier mâché, comme le disent les détracteurs de cette structure...
La reunion s'est achevée vers minuit, heure dominicaine. Elle aura duré plus de deux heures de plus que prévu. Elle s'achève sans une declaration finale ni grande annonce. Un fait est certain, la CIRH doit corriger le tir.

Roberson Alphonse

Commentaire
Un premier ministre qui ne sait pas contrôler sa langue est-il digne de représenter les Haïtiens dans une situation aussi délicate? Fait-il exprès d`indisposer ces gens qui pourtant nous aident parce qu`il veut tout assumer tout seul et sans contrôle, inspire en cela, évidemment par son chef? Quel dommage que nous soyons diriges par des ``individus`` (pour répéter le premier ministre) de ce calibre-là à un moment aussi crucial de l`existence de ce pays en déclin.

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