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vendredi 10 juin 2011

HAITI -- BÉNODIN -- L'imbroglio constitutionnel et ses conséquences 4‏

Thèmes de l’Emission de la semaine
Orlando le 10 juin, 2011
Actualités Politiques : Grandes Lignes

Dans la foulée d’un imbroglio juridique qui persiste depuis quelques semaines, le jeudi 2 juin, par arrêté présidentiel, Martelly a annoncé l’annulation de la version de la constitution amendée, promulguée et publiée le 13 mai 2011. En effet, la raison de cette mesure, est que la version publiée ne soit pas conforme à la vraie version votée en Assemblée Nationale le 9 mai 2011. Cependant, le fait de n’avoir pas établi une date pour la mise en vigueur du texte authentique adopté en Assemblée Nationale, est interprété comme une ambiguïté. Il y a-t-il vraiment ambiguïté ?

L’arrêté présidentiel d’annulation de la version de la constitution publiée le 13 mai, a établi la cause, sans l’ombre d’un doute. Il y a eu modification occulte, non-autorisée du texte voté en Assemblée Nationale. La nécessité d’avoir recours à un arrêté présidentiel pour trancher et solutionner la crise en question, a mis clairement en exergue qu’une fourberie avait été commise par des autorités. Qu’il y a eu une substitution frauduleuse, intentionnelle, imposant leur volonté et servant exclusivement les intérêts politiques d’un groupe de parlementaires et du chef d’état sortant.
Il y a-t-il une procédure corrective, évocable, prévu par la constitution dans le cas de l’annulation du résultat d’un processus d’amendement qui a manifestement avorté ? Conformément à ce qui est contenu au Chapitre XIII de la constitution, on ne peut réenclencher ce processus qu’à la dernière session ordinaire de la 49e Législature, la déclaration d’amendement. Martelly ne pourra promulguer et publier une constitution amendée qu’avec la 50e Législature à sa première session ordinaire. Dans le cas d’amendement constitutionnel, il n’y a ni correction, ni remplacement, ni replâtrage prévus. Peut-on revenir avec une seconde tentative d’amendement, après que le chef d’état sortant ait promulgué et publié une première qui a avortée ? L’annulation du résultat de l’amendement par arrêté présidentiel met fin au processus d’amendement. Et rétablit par défaut la constitution de 1987 dans sa version originale.
Stevens Benoît, le premier parlementaire à dénoncer la substitution, est allé plus loin dans ses révélations. Il a déclaré publiquement sur les ondes de la radio Signal FM, que trois sénateurs et Préval seraient à l’origine des modifications apportées au texte voté en Assemblée Nationale. Il a offert plus de précision en ajoutant, que l’un de ces trois sénateurs ayant participé aux changements du texte constitutionnel amendé, avant sa publication dans le Moniteur, soit le sénateur Jocelerme Privert. Stevens Benoît a promis d’apporter plus de détails concernant ce crime contre la nation.
A ce carrefour, où l’impératif du changement a été clairement articulé et prôné par les deux candidats à la présidence, au cours de leurs campagnes électorales et particulièrement au cours des derniers efforts du second tour, « the last stretch ». Où le peuple constamment victime de l’impunité, est assoiffé de justice. Où l’inégalité devant la loi, crée et perpétue depuis plus de 200 ans ce mythe, le crime politique n’est pas un crime. S’il s’agit, selon les dires du nouveau pouvoir, d’établir en vérité un État de droit, de combattre sérieusement l’impunité et la corruption. Si ses déclarations ne sont, ni de la démagogie, ni des vœux pieux. Il est impératif pour lui d’établir à partir des faits, la culpabilité de tous ceux qui ont conspiré pour commettre intentionnellement ce crime de lèse-constitution. En d’autres termes, il faut précisément, à cause de l’autorité et du rang de ceux qui y sont impliqués, saisir l’occasion pour mettre fin à ce mythe malsain, le crime politique n’est pas un crime. Il ne faut pas avoir peur de tracer l’exemple avec sévérité et fermeté ! Il ne faut pas craindre de forger et d’établir dès à présent l’image de marque du nouveau pouvoir !
Va-t-on permettre que cette fausse perception d’ambiguïté imputée au texte de l’arrêté présidentiel, soit exploitée comme diversion, ou suffire comme prétexte pour évacuer la question la plus pertinente et la plus pressante d’imputation du crime de lèse-constitution à qui de droit ? Va-t-on éterniser inutilement les débats autour de quelle version amendée ou non de la constitution, sera en vigueur ? L’arrêté présidentiel, ayant rétabli par défaut la constitution de 1987 dans sa version originale, peut-il s’agir encore de date d’entrée en vigueur de la charte fondamentale amendée en Assemblée Nationale ? L’arrêté présidentiel a fait échec et a mis fin au projet occulte d’amendement de la constitution géré par Préval et sa clique. De la déclaration d’amendement à la publication, ça n’a été qu’une série interminable de violations de toutes sortes de toutes les étapes du processus d’amendement. Le processus d’amendement a été vicié du commencement jusqu'à la fin !
Il y a pire ! S’agissant de promulguer le texte voté en Assemblée Nationale, comment l’authentifier quand les procès-verbaux à partir desquels on devrait retracer le fil des événements, ont disparu et sont introuvables, d’une part ? D’autre part, supposons que le problème de l’authentification du texte voté en Assemblée nationale soit résolu. Préval étant celui qui doit promulguer et publier la version authentifiée pour qu’elle puisse être mise en vigueur par Martelly n’étant plus président est-il autorisé dans ce cas à promulguer et à publier à nouveau le texte authentifié, amendant la constitution de 1987 qui vient d’être rétabli par l’arrêté présidentiel dans sa version originale ? L’opportunité d’amender la constitution a été bâclée par ceux qui en avaient la responsabilité ! La chance d’amender la constitution est ratée !
Maintenant, la crise est-elle complètement résolue parce qu’on a évité le pire en retournant à la constitution de 1987 dans sa version originale ? Doit-on passer l’éponge et oublier le fait qu’il y a eu conspiration avec l’intention de tromper la bonne foi de tout un peuple par le biais d’actes frauduleux violant intentionnellement la constitution ? Certes, on a évité la catastrophe. On y a échappé de justesse, grâce à ce décret présidentiel. Cependant, dans un état de droit, s’il est question d’en établir un, n’y a-t-il pas lieu de poursuivre en justice les auteurs et complices qui délibérément ont conspiré pour provoquer cette catastrophe ? En ratant l’opportunité d’amender la constitution, la nation toute entière et certains secteurs en particulier, tel que la Diaspora par exemple, ne sont-ils pas sévèrement punis, victimes de cette conspiration ? La Diaspora ne va-t-elle pas perdre l’opportunité de la récupération de ses droits civils et politiques ? La nation toute entière, à cause de cette conspiration, ne va-t-elle pas perdre l’opportunité de bénéficier, pour la première fois, d’un conseil constitutionnel, etc. ? Doit-on craindre, à cause du rang et de l’autorité des complices, l’ampleur du scandale ? Ou doit-on exploiter précisément l’ampleur du scandale comme dissuasion pour empêcher à l’avenir la répétition de tels abus d’autorité par des autorités d’aussi haut rang. Doit-on retourner sur la pointe des pieds au traditionnel « kase fèy kouvri sa » au nom du maintien de la fraternisation, du calme et de la sérénité au sein de la classe politique ? Doit-on continuer à contribuer, aux sons des cloches de bois, à la pérennisation du mythe « le crime politique n’est pas un crime » ? Dans la même veine, qui a libéré Amanus Mayette, Privert et Neptune incarcérés pour le massacre de La Scierie, dès son retour au pouvoir ? Qui, dès son retour au pouvoir a mis fin au procès intenté contre Aristide ? Qu’en sera-t-il du combat pour éradiquer l’impunité et la corruption ? C’est au début d’un pouvoir qu’on établit son orientation. Qu’on établit son image de marque !
Il faut battre le fer quand il est chaud ! Il ne faut pas perdre l’occasion d’établir dans l’action, la volonté ferme de changer de direction ! Il faut que le dire et le faire soient en harmonie ! L’expérience, à travers les ans, a prouvé que seul le leadership par l’exemple est réel, reconnu et respecté ! Pensez au patrimoine exécrable que Préval vient de léguer à la nation ! Pensez au patrimoine que vous allez léguer à la nation ! C’est à ce carrefour qu’il faut prendre la décision entre : être seulement craint, ou être surtout respecté !

Adrien Bance (bance.adrien@videotron.ca)

Commentaire
Il n'y absolument aucune raison d’éviter d’être totalement d'accord avec l’éditorial de BENODIN.

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