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jeudi 23 juin 2011

La littérature n'a pas à changer le monde

Haïti: A l'initiative de la Direction nationale du livre, l'écrivain Lyonel Trouillot a donné une conférence jeudi sur « Littérature et société », au lycée Alexandre Pétion.
Un parterre d'élèves des classes humanitaires a assisté à cette conférence qui s'inscrit dans le cadre de la 17e édition de Livres en folie et de la Quinzaine du livre. De nombreux thèmes ont été abordés et discutés lors de la conférence : l'engagement et le rôle de l'écrivain, et de la littérature; la rupture du créateur par rapport à sa classe sociale ou à sa société.
Lyonel Trouillot a exhorté les jeunes, notamment ceux-là qui désirent devenir écrivains ou poètes, à opérer « une rupture » avec certaines pratiques sociales, avec certains modes de pensée et avec certains types d'écriture poétique ou écoles littéraires. « Le véritable écrivain décide de par lui-même. Il est un solitaire. Et il faut qu'il assume sa solitude », conseille l'écrivain à l'assistance.
Le conférencier s'est référé à l'écrivain tchèque Franz Kafka et à l'écrivain et poète haïtien Jacques Roumain qu'il considère parmi les modèles d'écrivains révoltés, qui avaient divorcé d'avec leurs origines sociales, d'avec leurs familles. « Jacques Roumain est l'un des rares écrivains mulâtres haïtiens à rompre avec son origine sociale bourgeoise, avec son identité. D'ailleurs, il a été le premier à inventer le concept de mulâtraille, en écrivant : le mulâtre incohérent que je suis », rapporte Lyonel Trouillot.
La conférence, qui a tourné en un dialogue entre l'écrivain et l'assistance, a été l'objet de débats sur l'engagement de la littérature. Ce sujet a donné lieu à des mésinterprétations du rôle de l'écrivain et de la littérature. Si, pour certains assistants, la littérature est « le miroir fidèle de la société qu'elle doit changer, transformer », Lyonel Trouillot, lui, pense le contraire. « Ce n'est pas à l'écrivain de changer le monde, il revient plutôt au citoyen de le faire », rétorque Lyonel Trouillot. « Car, ajoute-t-il, la littérature ne fait que montrer les choses, la situation, le monde et non les changer. Pour l'écrivain, « la littérature, à l'instar des beaux-arts, est l'utilisation du langage à des fins esthétiques », mais tout en évoquant le réel ou tout en dénonçant des situations inacceptables, révoltantes. « On écrit parce qu'on a quelque chose en soi qui a besoin d'un canal pour s'exprimer. Voilà l'objectif de la création littéraire. Donc on ne va pas à la littérature pour changer la réalité mais pour la dire », a insisté Lyonel Trouillot.
Par ailleurs, il a déploré l'absence de nombreuses thématiques sociales dans le roman haïtien, telles l'insécurité, le rapatriement. Des phénomènes qui font partie de la réalité haïtienne. Très peu de romans haïtiens ont comme cadre spatial les bidonvilles. Par contre, certains des romans du conférencier (« Les enfants des héros », « Rues des pas perdus », « Les fous de saint Antoine ») se déroulent dans des bidonvilles. Le roman d'Henri Kénol, « Le désespoir des anges », est, estime Lyonel Trouillot, l'une des rares oeuvres à se dérouler dans un bidonville.
Lyonel Trouillot, dont les romans ont pour personnages principaux des petites gens, des éléments de la classe moyenne (intellectuels et professionnels), annonce la sortie, en août, chez Actes Sud, de son nouveau roman « La belle amour humaine ».
Ce récit a pour personnage principal un chauffeur-guide. Cet ouvrage ne sera pas disponible à Livres en folie, mais d'autres titres de l'auteur y seront en vente.

Chenald Augustin
caugustin@lenouvelliste.com
http://www.metropolehaiti.com/metropole/full_une_fr.php?id=19244

Commentaire
Lyonel Trouillot, qui est un excellent écrivain, aurait pu être plus modeste. En disant ce que l’écrivain est ou fait, il a oublié de dire "ce que l’écrivain est ou fait" selon lui. C'est une faute presqu’aussi grave que de d'exiger de lui qu'il porte un revolver à la ceinture. Encore que cette possibilité ne soit pas à écarter.

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