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vendredi 26 août 2011

Haïti-Reconstruction : « Le manque d’argent, ce n’est rien… » Portrait d’une réfugiée des Palmes (Ouest d’Haïti)

mercredi 24 août 2011

Enquête

Dans le cadre du partenariat médiatique « Ayiti Je Kale »*, dont fait partie AlterPresse

P-au-P, 24 août 2011 [Ayiti Kale Je / AlterPresse] --- « Je n’ai pas les moyens, j’ai tout perdu avec le séisme », déclare Germaine Clercilien, une réfugiée vivant sous une tente, depuis le lendemain du tremblement de terre du 12 janvier 2010, au parc Gérard Christophe, ancien terrain où se jouaient [avant le séisme] les matches de football de la division nationale dans la ville de Léogâne (à une trentaine de km au sud de la capitale).
Avant le séisme, Clercilien, mère de 6 enfants, payait le loyer d’une petite maison.
Maintenant, elle vit dans une tente exigüe, un petit espace d’environ 8 m2, encombré de quelques possessions qu’elle a pu récupérer du séisme, dont ses habits, un seau et 2 matelas.
« Comment me sentir à l’aise, alors que je ne suis pas chez moi ? », déclare Germaine Clercilien, à peine tirée de son sommeil, sous la tente où elle vit avec trois de ses enfants.
Et ses autres enfants ?
« La maison est trop petite. Je suis obligée d’envoyer les trois autres chez une amie et chez une sœur », souligne-t-elle.
Comme il n’y a pas des douches, elle se dit obligée de se doucher « quasi nue, en plein air » à côté de sa tente.
« La situation dans le camp, c’est qu’on est là… Les latrines sont horribles, les moustiques nous embêtent », se plaint Clercilien.
« Les latrines ne sont pas bien entretenues. Les odeurs nauséabondes nous font mourir ».
Au lieu d’utiliser les quelques cabinets encore en service, les personnes réfugiées préfèrent disposer de leurs déjections dans des sacs en plastique qui s’amoncèlent aux abords du camp.
Pendant plusieurs mois, les latrines du camp ont été maintenues en état grâce à l’organisation humanitaire américaine « Save The Children ».
Mais voilà que les fonds sont épuisés, la distribution d’eau et l’évacuation des déchets (ce qu’on appelle « desludging » en anglais) ont cessé, et il ne reste plus aujourd’hui, de l’organisation, que le logo sur les portes souillées des latrines malodorantes et inutilisables.
En effet, depuis mars 2011, le bureau pour la coordination des affaires humanitaires (Ocha) de l’organisation des Nations-Unies (Onu) a sonné l’alarme au niveau national.
« La plupart des fonds de nos partenaires, affectés aux systèmes sanitaires, à la livraison d’eau et à la gestion des camps seront épuisés avant juin 2011 », a averti l’Ocha dans son « bulletin humanitaire », daté du 10 au 25 mars 2011.
« Advenant l’abandon de l’entretien des installations sanitaires, il y aura une hausse de la défécation en plein air, du transport d’excréments aux mauvais endroits, de la propagation du choléra et de l’insécurité, notamment pour les femmes ne trouvant pas d’endroit privé pour se soulager », toujours selon l’Ocha.
En dépit de ce constat graphique, sombre et potentiellement fatal, les acteurs se sont retirés.
Une étude, datée de mars 2011, constate que :
• Seuls 48 % des résidents des camps ont quotidiennement accès à de l’eau potable en quantité suffisante.
• Seulement 61 % de cette eau est correctement traitée au chlore, ce qui laisse planer des risques de contamination par le choléra.
• En moyenne, une seule installation sanitaire dessert 112 personnes dans les camps de déplacés.
• La quantité de camps, munis d’installations pour se laver les mains, est maintenant tombée à 18 %.
Ces statistiques sont encore plus alarmantes pour les camps de Léogâne.
Ici, 179 personnes se partagent chaque latrine et seulement 20 % de l’eau consommée est traitée au chlore, alors qu’Haïti vit toujours « au temps du choléra.
En date de 31 juillet 2011, 386 personnes étaient hospitalisées (chaque jour), 419 511 personnes avaient été touchées et au moins 5 968 avaient péri.
Nul ne saurait soupçonner cette réalité en visitant le site internet de Save the Children.
Le géant humanitaire s’y vante plutôt d’ « assurer les services sanitaires et la distribution d’eau pour une centaine de camps avec des réservoirs d’eau communautaires, les toilettes portatives, les installations pour le lavage des mains, les douches et la livraison d’eau par camion ».
Évidement, le parc Gérard Christophe ne figure pas sur la liste du site internet consulté.
Avant le 12 janvier 2010, Germaine Clercilien était commerçante. Elle vendait des produits dans la rue.
Impossible aujourd’hui de trouver les montants qu’il lui faut pour repartir en affaire.
Mais, « le manque d’argent ce n’est rien. Le pire, c’est quand les moustiques et le soleil nous rendent la vie dure », s’indigne la réfugiée.
Ce qu’elle aimerait qu’on fasse pour elle, c’est lui « donner une maison », puisqu’elle dit ne pas avoir les moyens économiques d’en louer une. Elle souhaite aussi exploiter un commerce et envoyer ses enfants à l’école.
Mais voilà, Germaine Clercilien n’est pas propriétaire de terrain, ce qui l’empêche d’être admissible à l’obtention d’un « T-Shelter » [Voir : « On transite vers quoi ? »].
Le drame de Germaine Clercilien, dix-neuf mois après le séisme, c’est celui de 634 000 personnes déplacées dans 1001 camps, comme celui du parc Gérard Christophe à Léogane, qui ne cessent point de réclamer leur relocalisation et leur relogement.
Quel est donc leur avenir ?
Pour lire la série d’articles (en anglais, français et espagnol) ou pour regarder une vidéo d’accompagnement et écouter le programme audio en créole, visitez http://www.ayitkaleje.org [akj apr 24/08/2011 13:30]

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* « Ayiti Kale Je » (http://www.ayitikaleje.org/) est une initiative de partenariat médiatique en vue d’assurer des investigations journalistiques sur la reconstruction d’Haïti suite au séisme dévastateur qui a frappé le pays et fait 300.000 morts et autant de blessés.

Le Groupe Médialternatif est un des partenaires de cette initiative, à travers son agence multimédia AlterPresse (http://www.alterpresse.org/), avec la Société d’animation et de communication sociale (Saks - http://www.saks-haiti.org/).

Deux réseaux participent également : le réseau des femmes animatrices des radios communautaires haïtiennes (Refraka) et l’association des médias communautaires haïtiens (Ameka), qui est composé de stations de radios communautaires à travers le pays.
http://www.alterpresse.org/spip.php?article11435

Commentaire
De nombreuses organisations travaillent en Haiti. Et même ce ne serait pas un abus des mots que de dire que toute proportion bien gardée, il y en a qui font plus que la plupart des gouvernements haïtiens depuis la chute de Duvalier. Eux au moins se contentaient de tout monopoliser comme le faisait Trujillo en République Dominicaine. Prenons un gouvernement comme celui de Préval dont on pense reconduire le premier ministre. Ce gouvernement qui a favorisé ses proches aux dépens du reste du pays n'a absolument rien fait dont on puisse dire qu'il y a au moins ça. Mais parce que le pays est totalement plongé dans le "najé pou-n soti", certaines organisations internationales utilisent cet alibi pour "établir des fonds pour Haiti". Ce qui, loin d’être le fruit d'une vocation profonde, est basé plutôt sur les gains faciles, des emplois d'outre-mer luxueux malgré les apparences, se transforme en un scandale auquel personne ne va faire allusion car ce serait renoncer à "être politiquement correct". Mais c'est d'abord, et il faut le réitérer à tout bout de champ, la faute aux politiciens haïtiens qui prennent d'assaut le pouvoir comme les vautours sur la charogne ou ils s'entre-déchirent pour ne rien laisser aux tard venus. C'est un grave problème? Oui, mais c'est beaucoup plus que cela, c'est une absence totale de décorum, de vergogne! Et s'il faut encore plus de précision, ils ont perdu la faculté d'avoir honte.

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