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mardi 30 août 2011

Il n'y a pas d'argent dans les études des notaires

Révoltant, abject, gratuit...Les notaires ne trouvent pas les mots pour qualifier l'enlèvement suivi d'assassinat de leur collègue Emile Giordanni le week-end écoulé à Port-au-Prince. Leur message est clair : les notaires ne peuvent pas avoir de fortes sommes d'argent dans leur étude. Ils sont là pour la gestion des documents. Les transactions financières se font par chèque.
Haïti: « Que je sache, aucun notaire ne va accepter 80 000 dollars en liquide d'un client, ni 20 000, ni 10 000, ni même 5 000. Nous autres, nous ne recevons pas de l'argent liquide », a déclaré le notaire Lesly Alphonse dans une interview accordée lundi au Nouvelliste. « Il n'y a pas ce genre de pratique dans la profession notariale, a-t-il ajouté. Pour recevoir 80 000 dollars en liquide, le notaire devrait s'entourer de beaucoup de sécurité ... Même les maisons de transfert d'argent qui sont bien surveillées se font attaquer. Un notaire ne prendrait jamais un tel risque...»
Pour le notaire Emmanuel Lebrun, c'est même interdit par la loi pour un notaire de recevoir 80 000 dollars d'un client. « Nous ne recevons pas de cash mais des chèques. D'ailleurs, selon la loi, le notaire ne peut accepter en liquide plus de cinq mille dollars américains ou 200 000 gourdes... », a-t-il expliqué au journal.
Même position pour Me Lesly Alphone. « Les notaires n'ont jamais d'argent dans leur bureau. Ils formalisent les dossiers, les contrats, les documents. Dans le langage courant, les gens disent que l'argent est chez les notaires, mais dans la réalité, il n'y a pas ce genre de choses. Les transactions financières ne se font que par chèque », a-t-il avancé.
Selon lui, il ne faut pas croire que la profession notariale est devenue subitement dangereuse. « Au moment où l'on se parle, rien ne peut confirmer que Giordanni a été tué parce qu'il était notaire, a-t-il renchéri. La question à poser aujourd'hui, ce n'est pas de savoir si c'est la profession notariale qui est dangereuse. Mais, s'il est dangereux pour un professionnel de faire son travail, quelle que soit sa discipline ou son champ d'action. »
Emmanuel Giordani, qui s'est présenté comme le cousin du notaire décédé, affirme avoir été témoin du rapt. Les ravisseurs, a-t-il dit, exigeaient une somme de quatre-vingt mille dollars (USD 80 000.00) représentant le montant d'une transaction qui aurait été conclue pendant la journée de vendredi en l'étude du notaire. Une somme dont le notaire ne disposait pas, a-t-il précisé.
Me Lesly Alphonse dit espérer que l'enquête diligentée par la police ne sera pas "se poursuit" comme dans la plupart des cas. Les résultats détermineront les motifs de cet assassinat, a-t-il dit.
Pour le notaire, l'assassinat de son collègue est une perte énorme pour le pays. « ...et je ne vois pas ce qui pourrait justifier cet assassinat. Je n'arrive pas à trouver un mot plus fort que dénoncer, sinon je l'aurais utilisé...Je condamne énergiquement cet acte », a-t-il fulminé.
Pour sa part, Emmanuel Lebrun a estimé que cet assassinat est un acte gratuit. Il le redit à qui veut l'entendre, jamais un notaire ne pourrait avoir dans son étude la somme de 80 000 dollars en liquide.
Il a vanté les mérites du notaire Emile Giordanni qui, dit-il, était son ami. « Mon cher, écoutez : s'il y a trois notaires honnêtes, sérieux et compétents à Port-au-Prince, il en faisait partie. Il exerçait très bien son métier. Je ne crois pas qu'on puisse lui reprocher quelque chose... », a dit avec une pointe de déception Emmanuel Lebrun.
« C'est avec un sentiment de révolte que nous avons appris la nouvelle. Nous avions des relations professionnelles et amicales. Moi personnellement, j'ai perdu un professeur. Il avait le sens du partage; il ne pouvait s'empêcher de partager avec ses confrères le fruit de ses recherches. Il était un spécialiste... », a avancé de son côté le notaire Lesly Alphonse.
Le corps sans vie du notaire Emile Giodanni a été découvert, samedi par la police dans un ravin dans le quartier du Canapé Vert, à Port-au-Prince. Il avait été enlevé la veille dans son étude par au moins 4 hommes armés qui l'avaient contraint à prendre place dans le coffre de son propre véhicule.
Le commissaire du gouvernement près le tribunal civil de Port-au-Prince, Sonel Jean-François, qui s'était transporté sur les lieux où le cadavre a été découvert, a annoncé l'ouverture d'une enquête par la Direction centrale de police judiciaire (DCPJ).
Me Giordanni, 62 ans, était le vice-président de l'Association syndicale des notaires de Port-au-Prince (ASNOP). Il était marié et père de 3 enfants.

Robenson Geffrard
rgeffrard@lenouvelliste.com

Commentaire
Nous ne sommes pas spécialiste en la matière, mais n'y a-t-il vraiment rien qu'on puisse faire pour dissuader ces délinquants de jouer avec la vie des autres? Depuis quand Haiti a-t-il commencé à représenter un danger pour ses propres habitants? Tout le monde le sait puisqu'il n'en a pas toujours été ainsi. Mais cela veut-il dire qu'il faille se livrer pieds et poings liés aux délinquants sans que rien ne soit tenté pour enrayer le mal? Personne ne nie que la liste des mesures a prendre est longue. Il faudrait même commencer par les délinquants à cravate (politiciens, fonctionnaires, etc.) et en uniforme, qui sont les plus visibles, donc les spectacles à ne pas offrir à une population jeune. Mais il y a aussi le contrôle à exercer sur ceux qui nous viennent avec l'expertise disponible des Etats-Unis, du Canada, de la République dominicaine etc. Si les lois commençaient à s'appliquer véritablement, si les sanctions avaient une présence effective, soyez certains que la délinquance serait réduite à sa minimum expression. Et le meilleur moment d'essayer, c'est maintenant.

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