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jeudi 4 août 2011

Regard (Chronique hebdo) Haiti : S O S leadership !

Par Roody Edmé *
Spécial pour AlterPresse

J’ai écouté avec attention une intervention de l’économiste Fritz Jean, ancien gouverneur de la Banque Centrale haïtienne. Résident depuis quelque temps dans son patelin, Sainte Suzanne, au nord du pays, Fritz Jean brossait au micro de Kesnel Pharel, les perspectives économiques qui se dessinent pour le Grand Nord, dans le cadre des projets de refondation développés depuis tantôt deux ans : la création prochaine du parc industriel financé par la Bid avec le support du gouvernement américain qui génèrerait environ cinquante mille emplois directs ; l’érection de la nouvelle université du Nord supporté par le gouvernement dominicain ; le développement des facilités touristiques de Labadie de plus en plus ouvertes sur la région ; la revalorisation de produits culturels historiques comme le palais Sans-Souci et la Citadelle Laferrière.
Toute chose qui annonce le lancement du pôle régional Nord comme espace de développement avec des projets concrets, une fois n’est pas coutume, dont le financement est déjà disponible. Il reste pour le Gouvernement Haïtien de planifier l’accueil de ces nouveaux investissements de manière rationnel en tenant compte de la planification urbaine, pour éviter la prolifération de quartiers populaires spontanés en dehors de toutes normes.
La question du renforcement des communes environnantes avec accès aux services de base participe d’un minimum de dignité que peut se permettre un effort national pour encadrer ces investissements directs de l’étranger.
A signaler aussi des nouvelles rapportées ici et là dans la presse locale et régionale d’investissements importants en perspective sur le bord de mer de Jacmel, et des initiatives de développement dans les Départements du Centre et de l’ Artibonite animées par des secteurs importants de la société civile à l’échelle nationale et régionale avec le support d’investissements haïtiens et étrangers.
Tout un programme qui serait on ne peut plus motivant et rassurant si le leadership national était en place. Le pays est impatient de voir se déployer ces « hirondelles » qui annoncent le printemps du renouveau haïtien.
Seulement voilà, au lieu de concrétiser ce rêve d’habiter dont parlait un de nos distingués chercheurs, nous nous enfermons dans le cauchemar des luttes factices et contre-productives à prétention hégémonique.
Que peut donner cette confrontation sans grandeur entre deux « minorités » pour reprendre un éditorialiste haïtien ? Sinon une perte inestimable de temps, une hémorragie de nos meilleures ressources vers des cieux plus cléments, une perte scandaleuse du momentum post-électoral.
Il y a deux semaines, le président de la république et le chef de file de l’opposition au Sénat annonçaient un retrait des positions initiales pour une relance plus sereine des discussions, tout cela au nom des souffrances du peuple haïtien. C’était trop beau pour être vrai !
Notre culture politique, faite d’intolérance et de victoires mesquines à la Pyrrhus, où l’on contemple, médiocre gladiateur, dans une jouissance morbide et éphémère, l’adversaire au sol, jusqu’à son retour prochain, avec en prime sa charge de haine et de revanche, ne connait pas le compromis.
Et nous voilà repartis pour des jours plus sombres que les nuits, le président en « nage » perd parfois son sang froid et révèle une certaine fragilité psychologique par rapport à la sensation d’immobilisme qui l’envahit et voit partout des machinateurs de l’échec de son quinquennat.
Le groupe des 16 « embusqués » derrière la panoplie des « pouvoirs conférés » par la constitution se donne les moyens de brider ce président qui voulait bousculer un « système » qui en a vu d’autres.
Et comment renverser ce scénario cauchemar fait de « complots » réels ou supposés, de ligne dure et d’exercices de futilités. D’abord au niveau de l’exécutif, on doit cultiver la conscience nette et claire qu’il faut travailler avec le parlement. Car, il y a dans le pipe line bien d’autres dossiers qui tiennent à cœur la présidence et qui auront besoin de l’aval du parlement. Cette coopération va au delà des individualités à un poste de premier ministre jusqu’ici peu productif et générateur de conflits aussi soudains qu’interminables.
Du coté, des parlementaires, ils doivent éviter d’alimenter la « tentation insurrectionnelle » qui a souvent plombé l’histoire de notre peuple toujours poussé dans ses derniers retranchements. La majorité parlementaire actuelle n’est pas non plus éternelle, bientôt, un tiers du sénat devra se soumettre au verdict des urnes. Sous les lambris de la cité de l’exposition, les grandes manœuvres devront tenir compte de ces échéanciers.
En femmes et hommes d’Etat, nos représentants dans l’exécutif et le législatif devront se faire une raison dans le sens des intérêts bien compris de leurs mandants. La politique est dit-on la continuation de la guerre par d’autres moyens. C’est de bonne guerre que le jeu politique se déploie dans le respect des règles républicaines avec surtout pour horizon indépassable, l’avenir de la maison commune. Il n’y a plus de place pour les conflits stériles de basse intensité sur les ruines de nos palais.
Dans le cas de ce pays exsangue, la morale suprême commande le compromis intelligent.

* Éducateur, éditorialiste / lundi 1er août 2011

http://www.alterpresse.org/spip.php?article11348

Commentaire
Oui, bien sûr, les discussions font partie de la démocratie! Mais quand cela devient aussi stérile que le signale l'auteur de cet article, et quand il s'agit d'un pays où un jour de retard dans n'importe quelle initiative, implique des dizaines voire des centaines de morts, par inanition ou de différentes autres manières, cela devient non pas un crime mais un génocide. Et c'est ce qui a lieu actuellement en Haiti avec des politicailleurs volontairement aveugles, ne voyant pas plus loin que les clôtures de leurs maisons. Les dénoncer en permanence est la seule réaction raisonnable à utiliser, car ils ne comprendront jamais autrement que la situation qu'eux ou leurs prédécesseurs ont créée n'est pas irréversible. Cette classe de politiciens fait partie de ceux qui apprennent avec une extrême lenteur

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