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vendredi 6 mai 2011

C'est le ton qui fausse la chanson

EDITO
Haïti: Le président élu Michel Joseph Martelly a élevé le ton ce jeudi pour s'adresser directement aux membres du Conseil Electoral Provisoire. Il a déploré le retard mis dans la proclamation des résultats définitifs des législatives, mais a surtout dénoncé les résultats non conformes à la volonté et au vote populaires. Ce Martelly incisif sera-t-il entendu ?
Le CEP est une institution indépendante. C'est la Constitution, la loi qui en ont décidé ainsi et sa nature qui le veut. Après le recours à l'OEA, la sortie de Martelly ne risque-t-elle pas d'anéantir ce qui reste d'indépendance à cet organisme pour aujourd'hui et surtout demain ?
Il y a même eu ce jeudi des menaces de poursuites judiciaires proférées à l'encontre des membres du CEP par le président élu. Cette menace est une première dans l'histoire mouvementée des CEP et des présidents de la République depuis 1987.
Ce CEP, qui a fauté en tant de points, mérite de se faire secouer les puces. Est-ce au président de le faire ainsi directement ? Le CEP, ses membres, relèvent de quelle juridiction dans l'exercice de leur fonction ?
Certains, échaudés par les leçons du passé, retiendront de la prestation de Martelly qu'il était menaçant. Qu'il outrepasse déjà sa responsabilité de garantir la bonne marche des institutions. D'autres, qui rêvent de poigne de fer, diront que le président élu était simplement ferme. Droit dans ses bottes. Bon pour le service.
Annoncé depuis hier, le président a lu un texte. Il était donc en représentation préparée. Sa diatribe contre le CEP, ce tir à l'arme lourde contre le corbillard qui conduit le CEP à sa dernière demeure, ont cependant l'air d'un écran de fumée. Quel est le vrai message de cette sortie programmée de Michel Martelly ?
A qui s'adressait vraiment son message ?
Au peuple haïtien qui veut un leadership différent de celui de René Préval, Martelly propose la fermeté. Martelly voit déjà des complots qui se mettent au travers de son chemin. Mais Martelly se rend-il compte que personne ne peut s'arrêter d'égrener le chapelet des complots quand on prend ce chemin.
En dénonçant le CEP honni, Martelly n'a-t-il pas en fait lancé une mise en garde aux parlementaires et forces politiques qui sont sur sa route à quelques jours de la formation de son premier gouvernement ?
Les menaces étaient-elles vraiment pour Gaillot Dorsinvil et consorts ou pour les pontes de Inite et du Groupe des parlementaires pour le Renouveau qui contrôlent les deux Chambres?
En réponse à une des rares questions de ce point de presse, le président a annoncé que des hommes et femmes sont entrain de laisser leurs entreprises pour venir l'aider dans la tâche d'apporter le changement au pays.
Simultanément ce jeudi, des noms ont commencé à circuler pour les postes de Premier ministre et de ministres. Aucune source officielle de l'entourage de Martelly ne confirme ni n'infirme le cabinet fantôme qui fait le tour des medias sociaux. Constat sans nuance, il est composé de nouveaux venus à la politique active, de proches de Martelly, d'hommes d'affaires ou de professionnels, alors que l'on sait que les partis majoritaires au parlement rêvent de beaux petits lots.
En somme, les négociations pour déterminer de l'avenir ont commencé. Martelly roule les mécaniques, s'essaye sur le CEP pour se faire entendre des autres. Belle stratégie. Avec les fins politiciens qui sont au parlement, où Martelly n'a personne, cela va-t-il marcher ?
Quels sont les autres options si le ton de la chanson ne suffit pas à convaincre tout le monde de chanter à l'unisson le couplet du changement écrit par Martelly ?

Frantz Duval
duval@lenouvelliste.com

http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=92162&PubDate=2011-05-05

Commentaire
Si ce n`est pas une mise en scène, cette réaction brusque aura eu la vertu de nous révéler au moins deux choses. L`hypothèse une fois posée, de quoi s`agit-il?
D`abord, que le président élu, qui a la réputation d`être enclin à l`agressivité, commet une imprudence. Plus d`un ont commencé de cette façon. Et nous savons vers quel dérive ils se sont glissés presqu`imperceptiblement. Ensuite, et c`est le plus important, si la réaction est authentique, elle aura eu de positif ceci. Martelly réagit comme il le fait et n`a pas peur de la réaction des membres du CEP, au moins de son président, parce qu`il n`a rien à cacher. c`est signe que sa propre élection s`est «vraiment» déroulée dans les conditions qui nous ont été présentées. Il n`a rien à craindre. Car qui ignore que tous les secrets ne peuvent pas être gardés tout le temps? Le jeu politique haïtien entre donc dans une réelle nouvelle phase.

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