lundi 17 mai 2011
Dans la cour de l’école, les enfants débordent d’énergie. Ils se poursuivent, rient, poussent des cris à n’en plus finir. Certains ont le regard rivé vers la sortie où les parents attendent déjà. Il est une heure de l’après-midi. Nous sommes dans un établissement à Delmas. La cloche annonçant le renvoi vient tout juste de retentir. Fondamentalement, ces enfants quitteront l’école sans être conscients du fait qu’ils sont des « privilégiés ».
P-au-P, 16 mai 2011 [AlterPresse] --- « J’ai failli être analphabète », confie Antonal Mortimé, secrétaire exécutif de la Plateforme des Organisations Haïtiennes des Droits Humains(POHDH) dans une interview accordée à AlterPresse.
« J’ai appris à lire très tard. J’avais alors plus de 10 ans. Dans mon environnement il y avait très peu d’écoles. Mes parents ignoraient l’importance de l’éducation. D’ailleurs bon nombre des miens ne savent pas lire », poursuit-il.
En Haïti le taux moyen de scolarisation atteint à peine 50%, selon l’UNICEF. L’éducation reste le privilège de quelques-uns et le pays, qui s’est pourtant engagé en faveur d’une éducation pour toutes et tous en 2000 à Dakar est loin de pouvoir atteindre les objectifs du millénaire. Le droit à l’éducation comme beaucoup d’autres droits humains, tarde à se concrétiser.
Une exigence constitutionnelle et économique
« L’éducation est une charge de l’Etat et des collectivités territoriales. Ils doivent mettre l’école gratuitement à la portée de tous, et veiller au niveau de formation des enseignants des Secteurs Public et non Public », stipule la nouvelle formulation de l’article 32-1 de la Constitution. Une légère modification de cet article a été approuvée lors de la séance d’amendement de la Loi mère le 11 mai. Mais l’exigence demeure la même. Le rôle de l’Etat reste clairement défini.
Antonal Mortimé précise que sans éducation on ne peut jouir du droit au travail, à un logement décent, à l’alimentation ou à la sécurité sociale. « C’est un besoin » et « un droit fondamental qui est en même temps lié à d’autres droits fondamentaux », souligne t-il.
Selon des chiffres récents dévoilés par le recteur de l’Université Quisqueya, Jacky Lumarque, environ 800 enfants naissent chaque jour en Haïti. Sur ce chiffre, 574 ont la chance de fréquenter une école primaire, 27 passeront leur baccalauréat et seulement 7 obtiendront une licence universitaire. Parmi ces 7 licenciés, entre 5 et 6 iront s’installer à l’étranger.
Les moins chanceux s’inscrivent au chômage ou évoluent dans l’informel où leurs activités ne sont pas reconnues par l’Etat. De manière plus marquée depuis le séisme, ces personnes deviennent également tributaires de l’assistance internationale. Avant la catastrophe le pays recevait une aide alimentaire « indispensable » selon le PNUD, autour de 100 000 tonnes par an.
Un « rêve »
« Parce que l’éducation est l’exigence cardinale qui donne son sens à tout le reste, l’éducation est la condition essentielle du développement. Ne l’oublions pas ! », avait proclamé René Préval à New York lors de la conférence des donateurs du 31 mars 2010.
Le chef de l’Etat sortant avait alors plaidé pour que l’éducation soit au cœur de la « refondation », pour un « nouveau projet d’école » capable de forger « un nouveau projet de société ».
Le terrible séisme du 12 janvier a détruit ou endommagé plus de 4 mille 800 établissements scolaires. Si trois mois plus tard, des efforts ont été consentis pour permettre à la plupart des écoliers et écolières de retourner dans les salles de classe, on est encore loin du « rêve » de Préval.
Des centaines de milliers d’enfants n’ont toujours pas la possibilité d’aller à l’école. Et l’éducation des adultes affiche peu de progrès. 57% de la population est analphabète, selon les estimations officielles. Il s’agit du taux le plus élevé de la Caraïbe.
« Sans éducation certains pensent même qu’on ne peut parler de développement, ni de démocratie. Et le droit à l’éducation par son caractère global, est lié à des droits politiques et des droits civils », rappelle Antonal Mortimé.
En Haïti, l’éducation est aussi un immense marché, alors qu’elle est présentée comme la première demande sociale de la population.
Marcel Orvil, 17 ans, n’est plus retourné à l’école depuis le séisme. Il était en 6e année fondamentale. Entre retourner en classe et se « débrouiller » pour vivre, il a choisi.
« J’avais commencé à faire des économies pour pouvoir retourner à l’école mais ma mère est tombée malade et je ne pouvais pas la laisser mourir. Je voulais m’inscrire à un lycée [école publique]. Mais l’argent a fondu dans les frais de santé de ma mère…depuis que ma mère ne travaille plus je me suis pris en charge », explique t-il.
Devoir de maison aux élus
Selon l’UNICEF, le coût élevé de l’éducation est l’un des principaux obstacles à la transformation de ce privilège en droit véritable en Haïti.
Pour sa part, Lourdes Edith Delouis, coordonatrice de la Confédération Nationale des Educatrices et Educateurs d’Haïti (CNEH) croit que la solution est de favoriser davantage l’enseignement public.
« C’est au niveau des écoles publiques que les valeurs de démocratie, de solidarité, de partage peuvent acquérir tout leur sens. Parce que dans les écoles privées, lorsque l’enfant ne paie pas, il est renvoyé. Après le 12 (de chaque mois), il a des comptes à rendre à l’économat. Par contre dans le public il y a un souci différent », juge t-elle.
Mais l’Etat a-t-il les moyens d’assurer entièrement ce service ? Quels seraient les défis pour aboutir au respect véritable du droit à l’éducation ?
Quoi qu’il en soit, permettre aux familles de surmonter les coûts de l’éducation est aussi l’une des promesses du nouveau président élu, Michel Martelly. Stratégies, mise en œuvre, coûts : tout reste cependant à préciser alors que l’espoir est plus que jamais ravivé.
« Mes huit enfants et les trois de ma sœur décédée sont à ma charge. Quatre des miens vont à l’école. (…) Parmi les enfants de ma sœur, j’ai permis au plus âgé de finir sa dernière année… J’aimerais beaucoup que l’éducation soit gratuite. Tous pourront ainsi fréquenter une école et plus tard quand je serai morte, ils pourront se prendre en charge », témoigne Ermissile Lauredan.
Assise devant un abri de tissu et de carton situé en face du Palais présidentiel en ruine au Champs de Mars, cette mère de famille fait griller des pistaches (arachides) qu’elle compte vendre ensuite. Son unique source de revenu, rapporte t-elle. [kft gp apr 16/05/2011 13 :40]
http://www.alterpresse.org/spip.php?article11044
Commentaire
La tache est immense mais la plus importante décision demeure. Limiter la corruption et le népotisme et vous aurez suffisamment de ressource pour aller de l`avant. Au moins commençons par le commencement!
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