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lundi 9 mai 2011

Haiti-Amendement de la Constitution : Les inquiétudes de la Plate-forme des Organisations Haïtiennes des Droits Humains

samedi 7 mai 2011
Communiqué de la POHDH
Soumis à AlterPresse le 5 mai 2011

Dans la continuité des activités réalisées par la POHDH en rapport à l’amendement de la Constitution, la Plate-forme des Organisations Haïtienne des Droits Humains publie la réflexion qui suit.
La constitution haïtienne de 1987 comme tous les textes de loi, a été écrite dans un cadre et dans un contexte précis. Ce contexte définit en grande partie la forme et le contenu de la dite constitution.
En vigueur depuis près de 25 ans, cette constitution qui n’a jamais été appliqué dans toutes ses coutures a toujours fait l’objet de débats en fonction particulièrement de certaines de ces dispositions notamment la question de la nationalité et celle de l’efficience des calendriers électoraux entre autres. Nombreux sont les acteurs du système politique qui ont vu et qui continue à voir dans le dit texte une base convenable pour la mise en place et l’effectivité de la démocratie en Haïti.
La modification de la constitution de 1987 à soulever toute une série de débats se basant sur le respect des normes procédurales.
Les remous sur les modifications proposées ne concernent pas uniquement la question de la procédure de modification. Ils concernent également le respect de l’esprit de la constitution dans son contenu.
Ayant déjà publié un texte portant sur les actes d’irrespect de la procédure d’amendement, dans le but d’attirer l’attention de la population haïtienne sur les modifications de fond pouvant entraver la bonne marche de la démocratie dans le pays, la POHDH publie les réflexions suivantes.

Des modifications, retraits et ajouts apportés
Trois catégories de modifications retraits et ajouts ont été apportés à la Constitution de 1987. Les premières concernent des appellations, des changements de concept ou de simples retraits qui pourraient traduire un changement de vision, de philosophie et/ou d’orientation. Il en est par exemple de la modification des articles portant sur la dénomination des forces de défense du territoire national (art.263, 264, 266). [1] Ou plus importante encore, la modification apportée à l’article 11 qui remplace le concept de « Nationalité Haïtienne d’origine » en « Nationalité Haïtienne de naissance ».

La deuxième catégorie de changements apportés visent à mettre le plus haut niveau de l’Etat de droit au diapason de l’Etat de fait ; ou encore porté des modifications qui tiennent compte de l’expérience acquise de la pratique en œuvre au cours des années d’application de la constitution. Ainsi, certaines pratiques qui était imposé soit par une loi, un décret, un arrêté, ou simplement par la force des choses, sont maintenant intégrées dans la loi mère de la nation. On pourrait citer la rentrée de la circonscription électorale dans la division administrative du territoire haïtien (art.90). Ou encore, la rentrée du « principe du quota d’au moins 30% de femmes […] à tous les niveaux de la vie nationale, notamment dans les services publics » (art.17.1). Dans cet ordre d’idées rentrent les modifications apportées aux articles 63, 92, 92.1, 95 et 134.2 qui concernent une synchronisation du mandat des élus locaux, des membres du parlement et du président de la République ainsi que la date de la rentrée parlementaire.

Une troisième série de modifications portées sur des actes qui visent des modifications en profondeurs pouvant toucher jusqu’au fondement même de la démocratie. Dans cette catégorie se range la création du Conseil Constitutionnel dans les articles 190 bis. Il est important de signaler que la création d’un Conseil constitutionnel est une mesure qui touche les fondements mêmes de la forme de démocratie en vigueur dans un Etat. Dans la constitution de 1987 en vigueur, le contrôle de la constitutionalité est assuré en grande partie par la Cour de Cassation. La mise en place d’un Conseil constitutionnel redessine la structure politique du pays parce qu’elle peut conduire à un risque de renforcement du pouvoir personnel du Président de la République. A ce titre, Il nous parait important de rappeler les perturbations qu’a récemment connut la Cote d’Ivoire suite à un arrêt de son Conseil Constitutionnel.

Des modifications apportées, si certaines telles celles qui se rapportent à la question de la citoyenneté ou de la nationalité pourraient être considéré comme nécessaire sinon souhaitable. D’autres telles par exemples celles qui portent sur les prérogatives du Conseil Interdépartemental déterminant dans le cadre des questions se rapportant aux principes de la décentralisation ; celles qui concernent la question du remplacement du chef de l’Etat en cas de vacances présidentielle entres autres, sont à questionner parce qu’elles mettent en périls des acquis démocratiques durement conquis et établis.

En effet, dans le texte d’amendement publié dans le Moniteur du Mardi 6 octobre 2009, la nouvelle formulation de l’art.11 établit les nouveaux critères de la perte de la nationalité. La nouvelle formulation de l’art.12 quand à elle confirme l’idée voulant qu’un citoyen haïtien peut conserver sa nationalité même en détenant au vue et au su de tous une ou plusieurs autres citoyennetés.

Si toutefois l’amendement de la constitution permet la multiple nationalité, elle supprime le droit d’acquisition de la nationalité haïtienne par un étranger. Ce retrait nous interpelle particulièrement dans la mesure où nous nous trouvons dans l’impossibilité de nous rendre compte de son bien fondé.

D’autre part, La constitution de 1987 dans son article 87-3 fait du Conseil Interdépartemental une institution qui compte dans la prise des décisions qui concernent « les projets de décentralisation et de développement ». Dans l’amendement proposé, la formule de l’art. 83.2 révoque les droits susmentionnés du dit Conseil. Il serait également important de noter la révocation du rôle des Assemblées des Collectivités Territoriales dans la nomination de certains membres du pouvoir judiciaire. (art.175).

A plusieurs reprises, des Juges de la cours de Cassation avaient accédé à la magistrature suprême grâce aux dispositions relatives à l’article 149 de la constitution. Cette formule s’était révélé efficace dans la mesure où dans les deux principaux cas, la transition électorale avait été décemment assuré. Rappelons les cas des élections présidentielles et législatives du 16 décembre 1990 et du 7 février 2006. Dans la nouvelle formule proposée, le premier ministre devra assurer la vacance présidentielle avec la possibilité pour ce dernier de se porter candidat à sa propre succession (art.149). Dans ce cas, le nouveau législateur bafoue le travail qui avait été réalisé par les constituants de 1987 qui, dans le souci de prévoir les fraudes électorales et autres, avaient interdit à un chef d’Etat de prendre part aux élections devant assurer sa succession directe.

Généralement, la procédure d’amendement d’une constitution est l’une des plus compliqués parce que les législateurs sont animés par le souci de garantir la pérennité des fondements des droits fondamentaux compris dans la loi fondamentale du pays considéré.

Des changements apportés, celles qui portent sur la reformulation, la dénomination, et autres changements de surface ne sauraient justifiés l’amendement de la constitution.

Considérant les conditions dans lesquelles la procédure d’amendement a été déterminée et menée,

Tenant compte de la radicalité des changements apportés sur le fond du texte des constitutionnalistes de 1987,

Considérant l’histoire de nos constitutions, nous nous posons des questions sur les vrais raisons de cette débâcle.

L’urgence qui a caractérisée la procédure d’amendement de la constitution explique l’absence de certaines mesures qui auraient du trouver place dans toutes démarches d’amendement de la constitution. Nous pouvons citer à titre d’exemple les nouvelles règles directives de l’Université d’Etat d’Haïti comprises dans la disposition transitoire de 1997 qui établit les nouvelles formes de mise en place du conseil de l’Université.

Toutefois, nous pensons que nous pouvons nous y référer dans le cadre de l’analyse des modifications, ajouts et retraits apportés pour une meilleure compréhension des motivations des acteurs concernés par cette démarche d’amendement.

Il nous faut nous questionner sur les groupes d’intérêt qui pourraient desservir les modifications "imposées". Car s’il est vrai que les mesures d’exclusion d’une diaspora participante, intéressé et active contenues dans la constitution de 1987 est à reconsidérer, l’on comprend mal le pourquoi de la constitution du premier ministre en tant que remplaçant de droit du président en cas de vacance de la présidence.

Les nouveaux parlementaires appelés à rendre effectives les modifications apportées à la constitution de 1987 dans le texte d’amendement proposé par le président Préval et voté sans discutions par les deux chambres de la 48e législature, doivent se poser des questions sur les vrais raisons de la proposition d’amendement et tenir compte des retombés que pourraient avoir chacune des mesures sur l’évolution et la santé de la démocratie en Haïti.

Port-au-Prince, le 03 mai 2011



[1] Tous les articles cités fond référence soit à la Constitution dans sa version d’origine, soit à la loi d’amendement proposée.

http://www.alterpresse.org/spip.php?article11011

Commentaire
Ces réflexions qui, il est vrai, sont suffisamment nombreuses pour décourager une lecture tranquille, ne semblent pas inutiles. Au contraire. C`est précisément dans ce contexte qu`il faut que les nouveaux législateurs s`arrêtent sur chacune des réserves formulées, chacune des mises en gardes, pour ne pas nous forcer à tourner en rond, donnant la fausse perception que quelque chose va être fait quand la réalité est autre. Nous insistons sur le fait de la nécessité d`une analyse de la situation de la diaspora mais aussi sur la nécessité ou non du rétablissement des forces armées, comme certains l`ont soulevé. Bref, il y a beaucoup de travail et, apparemment, peu de temps. Souhaitons que l`actuelle équipe parlementaire, pendant cette législature, pourra vraiment livrer la marchandise. A moins qu`il ne s`agisse de faire dormir ceux qui s`agitent un peu trop à rêver d`un amendement en règle de cette constitution de 1987.

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