Cohabitation ou affrontement ?
Haïti: Y a-t-il vraiment d'énormes difficultés pour former le gouvernement de Daniel Gérard Rouzier ? Oui et non.
Oui, si le président Michel Martelly et ses principaux conseillers cherchent à diriger sans la participation des groupes parlementaires, notamment le parti INITE, alias Regroupement des parlementaires pour le Renouveau (GPR).
Non, si la sagesse politique et le pragmatisme, alimentés par les normes et les exigences de notre régime semi-parlementaire, semi-présidentiel, guident les décisions de nos nouveaux dirigeants, conscients du primat de la négociation pour inclure les groupes parlementaires dans la composition du cabinet ministériel.
Voila en bref le dilemme terrifiant auquel doit faire face notre fringant chef d'Etat : la cohabitation ou l'affrontement, le consensus ou le blocage, la gouvernabilité ou l'instabilité. Il n'y a pas à en sortir de là. On ne peut pas nier l'importance incontournable du Parlement dans la gestion (bonne ou mauvaise) du pouvoir.
A bien y regarder, la difficulté de gouverner ce pays a toujours été liée en grande partie à la nature tyrannique ou hégémonique des vainqueurs du jour ou des heureux élus. L'exclusion est un mal qui ronge notre société à tous les niveaux. Pourtant, dans un passé pas trop lointain, le président René Préval, en formant en 2006 avec le Premier ministre Jacques Edouard Alexis un gouvernement de coalition dit « gouvernement pluriel», avait donné un bel exemple d'inclusion politique et parlementaire. Mais il y avait malheureusement un hic dans cette formule : l'absence d'un véritable programme de gouvernement patiemment élaboré avec la participation de tous les partis, fondé sur des feuilles de route cohérentes et détaillées en guise d'un pacte de stabilité que le Parlement aurait pour devoir d'évaluer par la suite en toute objectivité.
L'élaboration de ce programme commun de gouvernement aurait pour vertu de prévoir les problèmes d'incohérence et de leadership gouvernemental, les luttes de personnes, les rivalités partisanes susceptibles d'entraîner la paralysie et l'implosion du gouvernement.
Cette lecture sereine et froide de l'après-Préval revêt au fond un caractère certes positif mais exigeant, car Haïti n'est pas un pays apaisé ni stable. Au contraire. Les leçons essentielles des élections du 28 novembre 2010 et du 20 avril 2011 exigent de nos nouveaux dirigeants - y compris nos parlementaires- qu'ils fassent preuve de retenue, de réalisme, de grandeur d'âme, de pondération et d'ouverture mais surtout de flexibilité et de courage patriotique pour ne pas nous entraîner, comme par le passé, dans un tourbillon de crises institutionnelles, de malheurs, d'incertitudes.
Pierre-Raymond Dumas
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=93090&PubDate=2011-05-27
Commentaire
Douter que ces paroles raisonnables trouveront un terrain fertile dans l'esprit de plus d'un membre de ce parlement, c'est tomber dans une généralisation de la mauvaise foi qui n'est pas de mise. Mais il s'y trouvera aussi des individus pour qui "mon intérêt personnel ou l’abîme" sera la devise. Ils sont malheureusement plus nombreux que les pauvres hirondelles de ce parlement qui arriveront difficilement à faire le printemps de cette nouvelle phase politique. Une phase politique d'autant plus délicate qu'on ne sait pas encore ou va ce nouveau président lui-même à qui on ne peut "imputer" aucun plan de gouvernement. Sauf si, évidemment, il se trouve des gens suffisamment fantaisistes pour croire que les millions déjà prévus (compter et dépenser aussi?) sur les appels téléphoniques et sur les transferts tiennent lieu de programme gouvernemental. Ce qui ne serait pas étonnant, compte tenu du niveau de l’analphabétisme en HAITI. Croisons les doigts pour que les mauvaises augures cessent de nous hanter!
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