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samedi 28 mai 2011

L'économie progresse, les institutions publiques piétinent

Ceux qui n'ont pas visité Thiotte, une commune du département du Sud-Est peuplée de 23 000 habitants, au cours des dix dernières années doivent penser à le faire. Ils vont, avec surprise, découvrir une commune en pleine expansion économique. Même si beaucoup reste à faire, les natifs de Thiotte sont fiers de parler des progrès réalisés dans leur commune au cours des dernières années.

Haïti: Thiotte présente l'aspect d'une commune tranquille, encore boisée et en pleine expansion économique. La compagnie V et F est à pied d'oeuvre pour terminer le bétonnage des rues du centre-ville grâce à un financement de l'Etat haïtien et de la Banque mondiale. La même compagnie travaille aussi sur la route transnationale Thiotte/Pedernales. Même si le maire titulaire de Thiotte, Rabel Labner, accueille le projet avec enthousiasme, il estime que les routes sont trop étroites.
A côté du projet de construction des routes, de nouvelles constructions - hôtels, maisons privées, maisons de commerce - s'érigent un peu partout dans la ville. Avec la présence d'une dizaine d'ONG internationales, les hôtels, les guest houses et les restaurants sont très sollicités. Ils affichent souvent complet. « La commune a fait beaucoup de progrès au cours des dix dernières années », se félicite l'agronome Witzer Cyprien.
Propriétaire d'un night-club et d'un hôtel en construction, l'agr. Cyprien n'a aucun regret d'avoir abandonné son emploi pour se consacrer au développement de sa ville natale. « Thiotte est aujourd'hui sur la bonne voie », a-t-il commenté.
Le secteur des ONG reste le premier pourvoyeur d'emplois dans la commune. Les institutions publiques - la mairie, la DGI, le tribunal civil, la vice-délégation, l'office de l'état civil - fournissent aussi quelques emplois aux jeunes. Toutes ces institutions publiques sont logées au complexe administratif de Thiotte construit sous la première présidence de René Préval.
Le commerce avec la République dominicaine reste l'autre source importante de revenus pour les habitants de Thiotte. Pas étonnant que la plupart des maisons du centre-ville disposent d'une boutique de provisions alimentaires. La culture du café et des légumes rapportent aussi gros à la commune. Le secteur agricole deviendra plus rentable dans la commune lorsque les agriculteurs arrêteront de liquider leurs récoltes aux Dominicains.
Des banques au service de la communauté
Aucune des grandes banques commerciales n'est pas encore présente à Thiotte. Des banques communautaires ont été créées pour combler le vide. L'Association des banques communautaires de l'arrondissement de Belle-Anse (Abkap), fondée en 2004, est pour quelque chose dans l'expansion économique de Thiotte. « Nous avons aujourd'hui près de 6 000 clients dans tous les secteurs économiques de la région, notamment l'élevage, le commerce, l'agriculture... », a affirmé le directeur de l'Abkab, Luc Ladouceur. Ajoutant : « Etant une fédération de banques communautaires, nous donnons du crédit à un taux compétitif ». A côté de l'Abkap, deux autres institutions financières, Fonkoze et Crepes, accompagnent la population de Thiotte.
A quand la construction des locaux du lycée ?
Thiotte, selon le maire Labner, a un taux de scolarisation assez élevé. « On pourrait dire que jusqu'à 70% des enfants vont à l'école », se félicite le premier citoyen de Thiotte. Un lycée et trois écoles nationales sont recensés dans la commune réputée pour son café. Les écoles de niveau primaire et secondaire y fleurissent comme à travers tout le pays. Quand on interroge le maire Labner sur la qualité de la formation fournie par ces institutions scolaires, il répond avec prudence : « Comme à travers tout le pays, le niveau de l'éducation varie d'une école à l'autre ».
La construction d'un bâtiment pour loger le lycée de Thiotte reste la principale revendication de la population dans le domaine de l'éducation. Le lycée pour l'instant fonctionne dans une école nationale. « Il est anormal que le lycée continue à fonctionner dans de pareilles conditions », a dénoncé l'agronome Cyprien.
En matière de formation universitaire et professionnelle, Thiotte est traitée en parent pauvre. Seule une école d'informatique y a vu le jour. Après leurs études classiques, les jeunes doivent se rendre à Port-au-Prince ou en République dominicaine s'ils veulent aller plus loin.
Et la santé ?
A Thiotte, au centre-ville comme dans les deux sections communales, le système sanitaire est quasi défaillant. Il y existe deux centres de santé. Celui géré par l'Eglise catholique reste le seul secours de la population. L'autre dispensaire implanté par l'Etat n'existe que de nom.
Beaucoup de cas de choléra ont été recensés dans la zone. L'aide apportée par l'ong Save the Children dans la lutte contre la maladie est bien appréciée par les autorités communales. Même si le centre garde encore ses portes ouvertes, le maire a confirmé que les cas de choléra ont considérablement chuté dans la zone et dans ses environs. Le problème de l'eau potable dans la commune demeure cependant entier. « Les derniers investissements importants dans le secteur remontent à la période des Duvalier », se rappelle Rabel Labner.
La justice décriée
Le système judiciaire est décrié aux yeux des autorités communales et des notables. « La justice est politisée », a commenté un employé d'une organisation internationale. Le juge de paix, a-t-on appris, est membre de la plateforme Inite. « Comment la justice peut-elle être partiale quand le juge est membre actif d'un parti politique ? », s'interroge le maire Labner.
Les cas d'insécurité sont en hausse depuis un certain temps à Thiotte. La vie nocturne est mise à rude épreuve. Le nombre de policiers attachés à la sécurité des 23 000 habitants de la commune ne dépasserait pas 10, selon plusieurs notables interrogés.
La construction d'un bâtiment pour loger le lycée, le renforcement de la présence policière, l'encadrement des agriculteurs, la construction d'un hôpital de référence et d'un centre professionnel sont les principales revendications des personnes interrogées par le journal, dont le maire Rabel Abner.

Jean Pharès Jérôme
pjerome@lenouvelliste.com

Commentaire
THIOTTE, Ce microcosme, amélioré, développé, pourvu des infrastructures les plus urgentes, et doté de suffisamment de petites entreprises pour fournir du travail à ses jeunes et nous avons un modèle de développement pour tout le pays. Cependant, très important, il faudrait parallèlement remplacer les ONG par des institutions gérées par l’état. (Un état lui-même fonctionnel, responsable). Non un remplacement violent, mais factuel, fonctionnel, qui n'impliquerait même pas une invitation à partir, mais un départ volontaire pour aider ailleurs, là ou elles pourraient encore être utiles. N'est-ce pas la un calcul intelligent et dépourvu de conflits stériles? En tout cas, l’expérience est digne d’être améliorée, émulée, répétée.

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