EDITO
La nasse des inaugurations
Haïti: Le président Martelly a inauguré une école, ce lundi. C'est sa première sortie en tant que président en action après les cérémonies du samedi 14 mai. Attendu dimanche à St-Marc pour visiter une école en chantier, il s'était fait représenter par Michèle Oriol, sa conseillère.
En se rendant ce lundi à cette inauguration plus protocolaire qu'opérationnelle - l'école en question étant l'oeuvre d'une ONG - le président Martelly met le pied dans l'engrenage des chrysanthèmes. Ces gestes pleins de sens pour ceux qui les orchestrent, mais qui malheureusement ne font que faire perdre du temps au président, aux ministres et aux directeurs généraux depuis des années.
Martelly, pour les douze mois qui viennent, à chaque fois qu'il coupera un ruban, devra se souvenir qu'en le faisant, il perd un temps précieux dans la mise en place de ses propres projets et rend service aux organisateurs.
Si l'inauguration fait suite à l'action d'une ONG, le président doit savoir qu'il est encore en train d'amoindrir, d'affaiblir l'Etat dont il a la charge. dans les douze mois qui viennent, si c'est une réalisation du secteur public qui lui vaut l'invitation, il doit se souvenir que la cérémonie est l'accomplissement des fruits du travail de l'équipe précédente. Pas encore l'empreinte de sa marque, le résultat de ses initiatives propres.
Au-delà de ces aspects, il y a des questions qui sont devenues nécessaires devant le constat de l'inefficacité croissante de l'Etat en ces temps de valorisation des actions inutiles ou de moindre utilité.
Le temps et la logistique mis en place pour un déplacement présidentiel pour couper un ruban valent-ils vraiment la peine ?
Ces millions dépensés dans les colloques, conférences, débats et rencontres - pour orchestrer quelques minutes de prises de parole sans conséquence - sont-ils adéquats, efficients et surtout judicieusement investis pour résoudre les problèmes du pays ?
Allons-nous, sous la présidence Martelly, continuer à comptabiliser, dans le bilan des ministères et organismes nationaux et internationaux, les séminaires, colloques et autres journées de réflexion comme des actions porteuses de sens ou d'un intérêt certain?
L'image, le marketing, le cosmétique sont nécessaires, mais jusqu'à quel point ? Peuvent-ils remplacer l'action ?
Quel est la bonne proportion à conserver - car il faut former et informer, personne n'en disconvient - pour ne pas remplacer les faire par les « faire comme si », très à la mode depuis que les communicants ont adroitement pris le pas sur les hommes de terrain ?
Il y a tellement de pétrin sur la table qu'on doit se demander comment va faire Martelly pour ne pas être tenté de remplacer le savoir-faire par le faire savoir, talent qui manquait tant à son prédécesseur ?
Dès samedi soir, la fête était finie. Les ouvriers s'afféraient à défaire au Palais national le décor artificiel de l'investiture et à faire réapparaître les décombres de ce qui fut la plus belle résidence-bureau de la République avant le tremblement de terre du 12 janvier.
Le président Martelly était déjà loin. Après le déjeuner offert au Karibe à ses invités de marque, il se préparait à se rendre aux différents bals et galas organisés pour célébrer son accession à la première magistrature de l'Etat.
La fête était finie aussi dans les têtes. La dose de plaisir-adrénaline-satisfaction de ceux qui ont cru, ont espéré, se sont battus et ont gagné les élections, lentement s'épuise. L'attente de solutions aux difficultés et de l'accomplissement des espérances commence. L'attente de ceux qui, comme les a nommés Mgr Kebreau, « pa tèt kale » est aussi grande que celle des tèt kale.
Les bains de foules des inaugurations vont-ils aider le président à réaliser, dès septembre, sa première et grande promesse : l'école gratuite ?
Frantz Duval
duval@lenouvelliste.com
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=92535&PubDate=2011-05-16
Commentaire
Voila un éditorial lucide! S`il nous fallait retomber dans ce dont nous venons de nous libérer, on pourrait se demander à bon droit «tout ça pour ça»? Mais observons attentivement. Ne nous précipitons pas. Car des erreurs, on sait qu`il y en aura. Cela est même normal. Ce qu`on ne pourra pas, ce qu`on ne devra pas accepter, c`est qu`elles deviennent systématique on point qu`on ait du mal a s`en libérer. Surtout à se libérer des conséquences qui ne manquent jamais d`être graves. Alors, messieurs, au travail!
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