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jeudi 13 janvier 2011

Claude Prépetit ne sent pas le changement

Un an après le tremblement de terre qui a mis le pays à genoux, les autorités continuent de faire obstacle à la science. L'ingénieur Claude Prépetit, qui fut le premier à tirer la sonnette d'alarme sur les risques sismiques auxquels le pays fait face, dit constater qu'aucune leçon n'a été tirée de la catastrophe. Les institutions qui travaillent dans le domaine sont toujours traitées en parent pauvre, budget revu à la baisse, aucune mesure de prévention... Bref. Nous sommes en train d'oublier ce qui s'est réellement passé le 12 janvier 2010. Dans une interview accordée à Magik 9, le scientifique a exprimé ses frustrations et ses préoccupations.
Haïti: La science n'étant pas un outil politique pour les gouvernements, elle est traitée en parent pauvre, selon l'Ing. Claude Prépetit. « Ce n'est pas un mandat présidentiel de cinq ans qui va résoudre le problème, a-t-il dit. Il faut des institutions fortes qui travaillent dans le domaine, une campagne d'éducation sur le phénomène. Il ne faut pas tomber dans l'oubli. » Aucun moyen n'a été donné aux instances concernées pour faire de la recherche, a-t-il dénoncé. M. Prépetit a considéré ce comportement des autorités comme une mentalité qui fait impasse sur la science.
« Un an après le tremblement de terre, j'ai l'impression que beaucoup de gens ne comprennent pas encore le phénomène. Malgré que des milliers de personnes aient été tuées, la vie reprend son cours, comme si de rien n'était...On ne devrait pas l'appréhender ainsi. Il faut la mise en place des institutions pour aborder le phénomène, a réclamé M. Prépetit. Avant le 12 janvier, le concept construction parasismique était peu connu. Il a fallu le tremblement de terre pour que ce terme devienne populaire. Mais une construction parasismique ne s'apprend pas à travers des séminaires. Il faut qu'au niveau de l'université il y ait un cursus approprié. Des cours en dynamique des structures et génie parasismique. »
Paradoxalement, le budget des institutions qui travaillent dans le domaine a été revu à la baisse dans la loi de finance 2010-2011, se désole M. Prépetit. Signe que les dirigeants n'ont rien appris de la catastrophe. « Au lieu de prêter plus d'attention aux institutions qui oeuvrent dans le domaine, leur budget a été revu à la baisse », a dénoncé M. Prépetit invité cette semaine à l'émission Panel Magik sur les ondes du 100.9 fm
L'Université doit prendre sa responsabilité
En un an, - Claude Prépetit l'a reconnu - les universités ne pouvaient pas rapidement monter des laboratoires de recherche sur le phénomène. Elles se sont surtout concentrées sur les mesures pouvant aider à la reprise des cours. Cependant, selon l'ingénieur, la catastrophe aurait dû déclencher le réflexe d'installer dans les universités des laboratoires, des centres de géologies... afin d'aborder sérieusement le problème.
« Avant le 12 janvier 2010, le phénomène était peu connu en Haïti. Au niveau des universités, il n'y avait pas de section de géologie, de sismologie ni de laboratoires de recherche qui étudiaient le phénomène. Hormis le Bureau des Mines, il n'y avait pas d'institutions de l'Etat qui travaillaient sur le tremblement de terre », a-t-il fait remarquer tout en soulignant que cet état de fait ne doit pas perdurer indéfiniment.
Au lendemain du 12 janvier, la communauté scientifique était présente dans le pays. Ce n'était pas à cause d'Haïti, cela pouvait être n'importe quel autre pays. « Elle était là pour trouver des éléments capables de faire avancer les observations sismologiques, a avancé Claude Prépetit. Les informations recueillies serviront certainement à leur pays. Une batterie d'appareils a été placée sur toute la presqu'île du Sud dans le but de contrôler le phénomène. »
Ces appareils ont été placés provisoirement en Haïti et la quasi-totalité de ces équipements ont déjà quitté le pays. Cependant, à travers le projet Winner de l'USAID, un financement de 100 000 dollars a été accordé au Bureau des mines, ce qui a permis de faire l'acquisition de sept appareils sismologiques qui sont déjà sur place, selon Claude Prépetit. L'un d'entre eux a été installé ce mardi 11 janvier au Bureau des mines. Les autres seront repartis un peu partout sur le territoire national.
Ce geste est donc considéré comme un pas en avant après le 12 janvier. « Mais il faut renforcer les institutions et leur donner des moyens, pour que ce pas soit efficace, a indiqué l'ingénieur Prépetit. Il faut envoyer des jeunes étudier à l'extérieur afin de constituer notre propre pôle d'experts sur le phénomène. »
Il ne faut pas tomber dans l'oubli
Claude Prépetit dit craindre que d'ici deux à trois ans, l'on ne parle pratiquement plus de tremblement de terre en Haïti. « Si nous oublions et banalisons ce qui s'est passé le 12 janvier et continuons à construire de la même façon, le prochain tremblement de terre fera plus que 300 000 morts. Il avoisinera les 500 000 », a-t-il regretté.
« Nous ne devons plus construire de la même façon qu'avant le 12 janvier. Les permis de construction doivent être délivrés de façon responsable. Il faut qu'il y a un suivi dans les chantiers... Il faut qu'il y ait un changement. Un an après, je ne sens pas ce changement », a avancé l'ingénieur.
Des tremblements de terre, il y en aura toujours en Haïti, a-t-il rappelé. La peur ne changera rien. « Ce qui est important, ce sont les dispositions à prendre pour éviter d'être victime à nouveau. Un an après la catastrophe, je comprends que les gens soient toujours traumatisés. Mais il faut sortir de cette peur pour attaquer directement le problème, puisque, les risques existeront toujours. Haïti n'est pas le seul pays dans cette situation. Il faut prendre des dispositions comme le Chili et d'autres pays à risques sismiques », a exhorté Claude Prépetit.
Projet en attente de financement
Un protocole avait été signé après le tremblement de terre entre le Bureau des mines, le Laboratoire national et la France pour l'élaboration d'une cartographie de micro-zonage afin d'identifier toutes les failles du pays et leur évolution. « Un an après, nous sommes toujours à la recherche de financement pour le projet. Pourtant, d'autres projets qui concernent d'autres secteurs ont été pris en compte dans le processus de reconstruction du pays », s'insurge Claude Prépetit.
Avant 2010, Haïti était peut-être le seul pays de la région à ne pas disposer d'un système de réseau de surveillance sismique, alors que La République dominicaine, la Jamaïque, Porto Rico... tous ces pays disposent d'un tel système. Le seul appareil pouvant enregistrer les ondes sismiques qui existât en Haïti était au service des élèves au Lycée Français.
Selon l'ingénieur, des demandes de financement de matériels sismiques auprès des instances internationales sont restées aujourd'hui encore sans réponses. « Après le 12 janvier, très peu de choses ont été réalisées pour faire face à cette réalité sismique. Le Bureau des mines fonctionne encore sous des tentes », a-t-il fait remarquer.
Aucune prévention pour la faille Nord
S'agissant de la faille qui traverse le nord du pays, Claude Prépetit dit constater que rien n'a été fait pour éviter une catastrophe dans cette partie du pays. « Aucune mesure n'a été prise en ce sens », a-t-il dénoncé.
Avant 2010, il y avait très peu de connaissance sur l'existence des failles. « On savait qu'il y avait une faille qui traverse les presqu'île du Sud et un autre qui traverse le Nord et c'est tout. Aucune étude n'a été faite pour savoir en dehors de ces failles, quelles autres failles pourraient provoquer un tremblement de terre », a regretté M. Prépetit.
Lorsque le Bureau des mines avait soulevé la possibilité que le pays soit frappé par un séisme de magnitude 7.2 rien n'avait été fait avec le rapport du Bureau, a rappelé língénieur.
Pour l'année 2010, environ 20 000 tremblements de terre ont secoué la planète dont 19 ont fait des morts. 98% des personnes tuées dans les secousses sismiques viennent d'Haïti. Il n'est pas normal que tous ces gens soient tués.
« C'est à nous de prendre des résolutions pour éviter à l'avenir ce nombre élevé de tués », Claude Prépetit dixit.


Robenson Geffrard
rgeffrard@lenouvelliste.com
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http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=87688&PubDate=2011-01-12

Commentaire
M. Prépetit a certainement eu le mérite d'annoncer le séisme, mais c'est un naïf s'il pense que le gouvernement actuel assumera comme une priorité cette menace. Chaque membre du gouvernement doit avoir déjà fait construire non seulement la maison où il se rendra en cas de menace, mais en plus, sa maison de retraite. Quand on est ministre ou fonctionnaire d’un certain niveau en Haïti, on n'a pas le temps de penser au pays. C'est trop compliqué. On pense à sa famille, aux profits que l'on peut tirer de la situation qui existe. Sauf de rares, très rares exceptions, un politicien haïtien est un prédateur naturel du milieu où il est né. Tout se résume à sa personne. Un investissement étranger? La construction d'une route? L’érection d'un pont? Une campagne pour augmenter la production agricole? La construction d'une école ou d'une université? Tout cela est pure banalité si le pourcentage du ministre n'est pas assuré d'avance. Voilà le portrait le plus fidèle d'un politicien traditionnel haïtien. C'est aussi la raison pour laquelle ceux qu'il baptise du noble nom de "diaspora", c'est à dire, celui qui a été faire des études pour être utile au pays, est stigmatisé, vilipendé, mis à l'écart quand il n'est pas tout simplement assassiné. Il devient un danger public. C'est cette mentalité de troglodyte qui empoisonne l'environnement et rend difficile le relèvement d'Haïti. Donc, M. prépetit, tant que nous aurons ceux qui étaient déjà à au moment du tremblement de terre, ne vous faites point d’illusion !

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