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samedi 26 février 2011

AYITI : Ainsi parla Daniel…

vendredi 25 février 2011
Par Faubert Bolivar
Sur la pièce AYITI, interprétée en Martinique par Daniel MARCELIN et mise en scène par Philippe LAURENT
Soumis à AlterPresse le 24 février 2011
Le travail est simplement, incontestablement, formidable. Au milieu de ses bagages, à l’aéroport où il se trouve coincé sur la route du retour dans son pays mis à rude épreuve par un séisme dévastateur, l’acteur-personnage Daniel se soutient de son immense talent pour nous conter l’histoire d’AYITI. Parce qu’il veut comprendre pourquoi autant de morts pour une seule secousse. Parce qu’il veut déterminer comment son pays, jadis si riche, est devenu si pauvre ; et, surtout, comment ce pays fondé au nom de l’égalité est aujourd’hui si inégalitaire.
C’est ce besoin à la fois d’exorcisme et de compréhension de l’histoire qui amène Daniel à faire défiler devant nous : rois, empereurs, gouverneurs, dictateurs, présidents, colons, peuple. Justes, sanguinaires, assassins, voleurs, incompétents, salauds, pitres. Révoltes, intrigues, coups d’état, occupations… Au fait, l’histoire racontée par Daniel est son histoire d’Haïti. C’est là pour moi le secret de la réussite de la pièce. Son histoire.
D’une part, au sens où il raconte en vertu de sa compréhension de l’histoire. Le comédien n’est pas un historien, cela s’entend.
D’autre part, et plus fondamentalement, au sens où il raconte une histoire qui lui colle au corps, une histoire qu’il a dans la peau – Détail significatif : l’acteur nous révèle que, pour s’être prénommé Daniel comme Fignolé le principal opposant de Duvalier, sa maman l’avait condamné à grandir dans une armoire afin de lui éviter des ennuis avec les suppôts du régime macoute.– Ce caractère doublement subjectif nous livre un Daniel nourri, pétri, travaillé, je dirais même obsédé, par l’histoire et, par cela, propre à nous gratifier d’un texte et d’un jeu vrais.
A sa manière, Daniel a fait un pari price-marsien. Sa pièce aurait pu justement s’intituler « La vocation de l’haïtien : » Car, il a réussi au théâtre ce que Jean-Price-Mars a réussi en tant que théoricien : montrer le chemin pour partir de nous-mêmes afin de revenir à nous-mêmes. Ou, ce qui revient au même : nous inviter à descendre en nous-mêmes, au plus profond de nous-mêmes, pour nous nous rencontrer nous-mêmes, transformés. C’est donc une pièce au vitriol.
Il y a aussi que la pièce suggère énormément. Je pense au temps de parole plutôt long consacré au personnage de l’occupant blanc américain : n’est-ce pas un moyen pour l’auteur-personnage-acteur de nous faire prendre conscience de la place prépondérante occupée par l’étranger dans cette déchéance que d’aucuns voudraient proprement nationale ?
Il y a aussi la petite valise placée d’abord au devant de la scène qui représentait tout le long de la représentation le petit paysan exclu, isolé sur « son » lopin de terre ,et qui, à la fin, se retrouve au centre, près des autres valises : ne suggère-t-elle pas que désormais le peuple est dans la ville, dans la rue, non plus dans ses campagnes reculées, et qu’il tend à constituer une force au cœur des espaces du pouvoir ?
Je pense à la scène finale de distribution des cadeaux : n’est-ce pas une évocation forte que cette histoire racontée, dans sa tragédie répétitive, est livrée, donnée en héritage, à ceux et celles qui en ont été témoins, aux enfants surtout. Comme une manière de dire : à vous, désormais, la lourde tâche de pousser cette histoire à dire autre chose que cette image chancelante de ce vilain petit bonhomme, dictateur, sanguinaire, voleur de son état, comme son père le fut, revenu pour narguer le peuple qu’il a ô combien saigné et spolié ! Et, qui semble nous dire, cynique comme eux seuls : l’argent que j’ai sur mon compte en banque suisse, je ne l’ai pas volé, je l’avais seulement épargné pour le peuple haïtien.
Oui, le travail était simplement, incontestablement, formidable. Et cette ovation debout qu’il y eut à la fin, ce soir de 5 février, à l’Atrium, si elle récompense certainement l’excellente performance de Daniel Marcelin, était adressée à Haïti, ou AYITI, notre pays, tragiquement et insolemment digne et debout dans son histoire, forçant au Respect...
Merci Daniel pour cette énergie de toi à nous transmise. Je te souhaite pour cette pièce autant de représentations qu’un homme peut en donner dans une vie. La patrie, où qu’elle se trouve, t’est, d’ores et déjà, reconnaissante.
Saint-Esprit (Martinique), 19 /02/11

http://www.alterpresse.org/spip.php?article10690

Commentaire
Donc, tous les moyens sont bons pour remplir son devoir d'informer et de former. Bien fait, Daniel!

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