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mardi 8 février 2011

Reconstruire le Palais national n'est pas une priorité

La carcasse désarticulée du Palais national rappelle l'ampleur du drame vécu par le peuple haïtien le 12 janvier 2010 et illustre, selon certains, le peu d'emprise du gouvernement sur la reconstruction de la capitale. Cependant, loin des projecteurs, l'ISPAN et ses techniciens s'attèlent à récupérer d'inestimables trésors nationaux qui seront entreposés dans le nouveau que ni Manigat ni Martelly ne semblent pressés de construire sans au préalable des logis pour les sinistrés.
Haïti: 7 février 2011. Le décor n'est plus le même au Champ de Mars, vingt-cinq ans après le départ pour l'exil du dictateur Jean-Claude Duvalier. Il n'y a pas de foule en liesse pour marquer une date dont on a oublié la signification. Des milliers de sinistrés du séisme du 12 janvier sont cependant entassés, sous des tentes sales jouxtant les ruines du Palais national, bouclé en milieu de journée par des casques bleus et des agents de la CIMO à cause d'une énième manif de quelques centaines d'opposants réclamant le départ du président René Préval.
« Préval doit partir aujourd'hui. Son mandat arrive à terme! », lance, orageux, un homme dans la quarantaine, orateur principal d'un attroupement composé de chômeurs et de férus de politique, en face des grilles du Palais, à l'avenue de la République. « Oui, mais c'est le Blanc qui décide. Il restera à son poste jusqu'au 14 mai. Et Mirlande Manigat et Martelly se plieront à la volonté du Blanc », rétorque, sarcastique, un jeune homme de 22 ans. Satirique, barbiche, bonnet vissé sur la tête, il enchaîne et provoque le fou rire en se demandant dans quel palais le nouveau président siégera, car, un an après le séisme, la façade principale du siège de la présidence avec les dômes affaissés est à ses yeux le symbole de l'inertie et d'un manque d'emprise sur l'avenir, sur la reconstruction.
La reconstruction du Palais national interpelle Mme Mirlande Manigat, mais ne fait pas partie des priorités. « Présidente de la république, je ferai en sorte qu'on reconstruise le Palais, même si, dans une certaine mesure, ce n'est pas la priorité. Si j'ai à choisir entre donner des maisons aux gens qui vivent sous les tentes et reconstruire le palais, je choisirai de donner des maisons aux gens », soutient l'ancienne constitutionnaliste en lice pour la dernière ligne droite du scrutin présidentiel prévu pour le 20 mars par le CEP. « J'aurais préféré que l'on ait tout rasé au lieu de laisser ce squelette désarticulé, horrible, qui nous rappelle de manière criante le drame que nous avons vécu le 12 janvier », confie l'ex-première dame sans exprimer une quelconque préférence que le palais soit reconstruit avec des ressources financières haïtiennes ou non.
Joseph Michel Martelly, le compétiteur de Mme Manigat, est dans le même registre. « Oui, il faut reconstruire. Mais la priorité est la construction de logis pour les sinistrés qui vivent sous les tentes », selon Martelly, qui n'a lui non plus aucune préférence quant à la provenance des fonds pour rebâtir ce symbole national.
« C'est une oeuvre nationale, qui doit être financée avec des capitaux nationaux. On dépense tant d'argent pour des choses futiles tels que le carnaval, les concerts sur les places publiques », indique Carl Labossière, le journaliste haïtien le plus âgé encore en activité pour qui « ce serait une honte de solliciter l'étranger pour rebâtir le palais ».
Georges Michel, historien, médecin et journaliste senior, croit qu'il ne faudrait pas s'embarrasser d'arguments nationalistes sur le sujet. « Si Hitler entrait en enfer, alors je me battrais aux côtés du diable », argumente Georges Michel en paraphrasant Winston Churchill, Premier ministre et héros britannique de la Seconde Guerre mondiale. « Dans la guerre, on ne choisit pas ses alliés », poursuit-il en indiquant par ailleurs que c'est une « bêtise de vouloir reconstruire le palais à l'identique ». « Il faut, indique Georges Michel, construire un plus grand palais avec la même architecture en respectant les normes parasismiques ».
L'Ispan y travaille, loin des regards
« Avec un financement de l'ordre de 20 millions de gourdes, le chantier de la restauration du Palais national, sévèrement atteint par le séisme du 12 janvier, a effectivement débuté le 20 juin dernier. Cette première phase consistera en ce que les restaurateurs appellent les « mesures conservatoires » devant précéder toute intervention de restauration proprement dite. Ces mesures conservatoires, opération délicate, prépareront sous diverses formes les interventions futures", confie le directeur de l'Institut de sauvetage du patrimoine national (ISPAN), l'architecte Daniel Elie.
Selon Daniel Elie, « les travaux n'ont pas été interrompus ». « L'ISPAN, révèle-t-il, travaillait et travaille encore dans les décombres afin de récupérer les objets d'art, le mobilier, les luminaires, etc. Il s'agit souvent d'opérations lentes et délicates, voire dangereuses. Cependant, la phase de démolition et de dépose a commencé. Elle se réalise avec précaution au marteau-piqueur; afin d'éviter des dommages collatéraux et des accidents dus à un bâtiment fragilisé par le séisme ».
Quid des financements proposés pour sa reconstruction
« Jusqu'à aujourd'ui, il n'y a aucune promesse formelle pour le financement de la seconde phase du projet qui consisterait à la reconstruction " à l'identique" du Palais national. Le chef de l'Etat français, Nicolas Sarkozy, aurait, lors de sa visite en Haïti au mois de février 2010, déclaré "qu'il pourrait participer en la reconstruction du Palais national, et il attend de recevoir un plan haïtien pour mieux articuler les interventions françaises dans l'effort pour la reconstruction du pays". Ceci a été rapporté par la presse haïtienne », explique Daniel Elie dont les hommes ont dégagé sous les décombres du 1er au 3 octobre 2010 le buste en bronze de Toussaint Louverture, oeuvre d'Edmond Laforestrie, qui se trouvait à l'entrée du bureau officiel du président de la République. Cette oeuvre d'art échappe ainsi une seconde fois à une catastrophe affectant le siège du gouvernement de la République après l'explosion du Palais national le 8 août 1912, qui coûta, outre le président Cincinnatus Leconte, la vie à 200 personnes.
Sous les ruines du Palais national, il y a des toiles, des bustes, des objets d'art de grande importance. Le président René Préval, qui s'était montré peu enthousiaste par rapport à une reconstruction rapide du Palais national lors d'une conférence de presse au milieu de l'année 2010, avait en revanche garanti que l'inventaire des objets trouvés sera comparé avec l'inventaire du patrimoine du palais fait par la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif, afin d'éviter une quelconque déprédation de cette partie du trésor national gisant sous les décombres de ce palais ayant servi 89 ans, dont les plans ont été dessinés par l'architecte Georges Baussan.
Roberson Alphonse
ralphonse@lenouvelliste.com
roberson¬_alphonse@yahoo.com
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Commentaire
Le palais symbolise quand même quelque chose. C'est le siège présumé de la démocratie. Il faut donc à la fois le reconstruire et reconstruire la démocratie. Et il est plus qu'évident que Préval ne devrait pas faire partie ni de l'une ni de l'autre solution. Sa seule présence est déjà signe de mauvais augure.

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