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lundi 14 février 2011

Haiti/La marmite de la politique et de la finance : Entre le conjoncturel et le structurel

samedi 12 février 2011
Débat
Par Leslie Péan *
Soumis à AlterPresse le 11 février 2011
« Qui ne sait pas vers quel port il doit tendre n’a pas de vent qui lui soit bon ». Sénèque
Reconstruction pour faire face aux dégâts causés par le tremblement de terre, campagne contre le choléra, création d’emplois, éducation et insertion des jeunes, construction d’un État de droit, recouvrement de la souveraineté pleine et entière, tels sont les objectifs que nous impose logiquement une analyse sérieuse. Des actions qui exigent un financement substantiel. Le président Préval a préféré faire des calculs de politicien sur ces problèmes et a renoncé à l’option qui consistait à réunir toutes les forces vives de la nation, en Haïti et à l’extérieur, pour trouver les solutions appropriées. L’image de l’État s’effrite au fur et à mesure qu’il affiche son incapacité à assumer ses responsabilités élémentaires telles que la sécurité, le cadastre, l’eau potable, l’électricité, etc. Les citoyens ne font que subir la matérialité de l’État marron dans un pays où l’arbitraire continue de s’imposer aux bons droits du citoyen.
Le problème fondamental de l’État marron est qu’il laisse parler les gens tout en refusant le dialogue et la confrontation des idées. Il affiche un comportement rétrograde qui consiste à considérer toute discussion avec les partis d’opposition comme un signe de faiblesse. Les bailleurs de fonds sont son seul interlocuteur. Février et mars 2011, ces mois de tous les dangers, annoncent de gros risques.
Les démocrates doivent faire preuve de lucidité et d’un sens des responsabilités jamais pris à défaut. Toute évaluation sérieuse des dernières élections du 28 novembre devrait théoriquement aboutir à leur annulation, accompagné de l’arrestation, du jugement et de l’incarcération de ceux et celles qui ont organisé cette mascarade. Malheureusement, en politique, la justice dépend du rapport de forces. L’action politique se ramène souvent à un jeu de qui perd gagne.
Le mouvement démocratique a des forces certes, mais il a aussi des faiblesses et des lacunes. Ce mouvement a fait des erreurs en s’alliant au gauchisme chrétien qui l’a discrédité. Il n’est pas condamné à jamais et peut s’en sortir en faisant sans complaisance une véritable autocritique. Nous sommes conscients aussi de la nécessité de poser un regard lucide sur le chaos engendré par les assassins de Roberto Marcello. Nous comprenons la peur de ceux qui veulent paraitre politiquement corrects en ne disant pas la vérité aux assassins et même en escamotant systématiquement le sujet.
Nous disons aux démocrates que c’est justement pour diminuer les risques réels créés par ces assassins qu’il faut les maitriser et les empêcher de poursuivre la manipulation sécuritaire déclenchée pour devancer les réactions populaires. Du règne des tontons macoutes à celui des chimères, nous avons affaire à des gens qui ne reculent pas devant le crime pour défendre ce qu’ils estiment être leur droit de séquestrer le pouvoir. Conscient des limites de la mobilisation populaire devant les menaces des assassins et de la position ambiguë des forces internationales, les démocrates devraient envisager de faire un pas en arrière puis de faire deux pas en avant dans un dispositif gagnant contre les assassins. Dans ce cas, le scénario du deuxième tour devient le moindre mal.
Les échéances de la fin du mandat de Monsieur Préval et du deuxième tour des élections présidentielles ne peuvent plus être reculées. On aura beau mettre tout en branle, faire revenir l’ancien dictateur Jean-Claude Duvalier, lui donner un microphone pour faire sa propagande abominable afin de mieux corrompre la jeunesse, orchestrer des attentats armés contre les policiers et la population civile, le pouvoir prévalien ne peut plus se dérober à l’attente des Haïtiens et de ses traditionnels tuteurs. Quant à l’ultime manœuvre des parades pseudo-légalistes menées au sein du CEP pour ne pas publier officiellement les résultats, elle ne peut que précipiter le départ de Préval. Les comédiens n’y pourront rien.
Dans cette conjoncture, nous l’avons déjà souligné, l’opposition démocratique ne doit pas se tromper de cible. Elle ne doit pas, par ses incohérences, offrir elle-même les armes qui serviront à la réduire. Elle doit intégrer l’économie politique internationale dans toutes ses dimensions et pas seulement au niveau de l’économique où la macroéconomie sert à réduire le rôle de l’État en supprimant les déficits publics. L’accouchement rocambolesque des résultats du premier tour des élections, puis le refus de laisser au président Préval la possibilité de s’offrir d’autres échéances sont des indicateurs majeurs d’un autre temps. La locomotive de l’antinationalisme de l’internationale est en route.
Le gouvernement Préval peut-il encore prendre le nationalisme comme cheval de bataille ? Quelle gymnastique pourra-t-il encore faire pour que l’international revienne à de meilleurs sentiments à son endroit en lui disant de ne plus boucler ses valises ? L’annonce du deuxième tour le 20 mars n’a-t-elle pas anéanti ses espérances ? Peut-il encore prendre des mesures dont la grossièreté sera une insulte à l’intelligence du peuple haïtien ? Se laissera-t-il dominer par sa volonté de garder le pouvoir à n’importe quel prix et se retrouver ainsi sur la ligne de mire de la communauté internationale ? Espérons qu’il ne fera pas un choix politique suicidaire dans les réponses qu’il donnera à ces questions.
Les clins d’œil pour renouer avec les vieilles amours
Dans cette situation de déliquescence, les démocrates doivent s’armer de savoir et de courage pour se rappeler que le conjoncturel fait partie du structurel. Les activités quotidiennes de production, de consommation et d’investissement (activités conjoncturelles à court terme) sont organisées de telle manière à dégager un surplus de revenus, un surplus financier qui sera placé dans les pays du centre (France, Etats-Unis d’Amérique) dans le cadre des rapports structurels imposés à Haïti par le monde capitaliste. De 1804 à nos jours, les dirigeants haïtiens ont été incapables de maitriser la finance et de mettre en place des politiques d’atténuation des exportations de capitaux afin d’augmenter le capital productif installé dans la perspective d’un développement national. L’une des raisons, c’est qu’ils vivent dans l’ignorance complète des subtilités de la finance et qu’ils subordonnent les intérêts financiers du pays à leurs propres intérêts politiques. À preuve le président Lysius Salomon qui accordera la concession de la Banque Nationale d’Haïti à la compagnie française Société Générale de Crédit Industriel et Commercial en 1880 dans le but de faire échec à ses adversaires, les Libéraux de Boyer Bazelais. Les fuites de capitaux accentuent l’absence d’institutions pour garantir les droits de propriété, l’état défectueux des infrastructures et l’insuffisance du niveau d’éducation, conditions qui, par effet de rétroaction, entravent les entrées de capitaux. Nous reviendrons plus loin sur cette question des rapports entre finance et politique.
Le défi à relever est grand, surtout à un moment où des adversaires se font des clins d’œil pour renouer avec leurs vieilles amours rompues pour cause d’infidélité, d’incompatibilité et de trahison. On a déjà vu l’alliance conclue entre des briseurs de la grève des étudiants de 1960 et le parti Lespwa/INITÉ pour faire briller au Sénat des kidnappeurs et des nullités absolues. Nous vivons un moment particulier de notre histoire de peuple qui exige des dirigeants de l’opposition une vision orientée sur le long terme car le grotesque risque de dépasser toutes les limites. Étudions le passé pour comprendre le présent surtout quand il s’agit d’un passé récent en l’occurrence.
Analysons ensemble en profondeur les conjonctures électorales de 1902, 1908, 1911, 1915, 1930, 1946, 1957, 1987, 1990 et 2006. À partir de cette remontée dans le temps, voyons comment ces éléments conjoncturels systématisés et institutionnalisés sont liés au structurel. Faisons une lecture décalée de chacune de ces conjonctures pour y voir les clous qui y sont ajoutés à la structure du cercueil national. En 1902, les Allemands volent au secours de Boisrond Canal pour imposer Nord Alexis à la présidence. En 1908, les grands commerçants investissent le jeu électoral, rencontrent Antoine Simon à la tête de ses troupes entrant à la capitale et le plébiscitent président tout en lui disant de ne pas laisser débarquer Anténor Firmin qu’ils considéraient dangereux pour leurs intérêts.
En 1911, c’est l’alliance ouverte avec la corruption, en mettant le consolidard Cincinnatus Leconte au pouvoir, encore une fois pour empêcher l’arrivée d’Anténor Firmin. Ce dernier n’est pas autorisé à débarquer au Cap même après avoir déclaré à l’écrit qu’il renonçait à la politique. Depuis 1915, les Américains font la pluie et le beau temps en Haïti. Les marines interviennent dans les élections et choisissent Sudre Dartiguenave à la place de Rosalvo Bobo, renvoient le Sénat le 5 avril 1916 et abolissent la Chambre des députés le 17 juin 1917 quand cette dernière refuse de voter la Constitution de 1918 accordant le droit de propriété aux étrangers en Haïti. En 1930, après dix ans de luttes, les nationalistes arrivent à s’imposer et Sténio Vincent est élu pour négocier la fin de l’occupation américaine conformément à la campagne menée par l’Union Patriotique.
Une occupation qui perdure dans la conscience haïtienne et dans les faits
Les Américains ont mis sur pied la Garde d’Haïti pour les remplacer. Vincent est vite retourné par les marines américains qui s’arrangent pour organiser les élections législatives frauduleuses de 1932, chassant tous les nationalistes du Parlement. C’est ce qui permettra la signature de l’Accord du 7 août 1933 donnant aux Américains le contrôle des finances haïtiennes [1]. Il s’agissait d’assurer que les recettes douanières haïtiennes soient contrôlées par le représentant fiscal américain, comme prévu dans l’article IX de l’Accord du 7 août 1933. Ces recettes douanières devaient garantir l’amortissement des titres détenus par les capitalistes américains. Ces titres découlaient de l’achat par la City Bank des titres des emprunts commençant avec la dette de l’indépendance de 1825 et renouvelés par le biais des emprunts de 1874, 1896, 1910 et 1922.
En effet, les Américains avaient tout verrouillé pour assurer le service des contrats d’emprunt et le paiement de tous les titres en circulation. D’abord le représentant fiscal américain et son adjoint, puis les trois directeurs américains à la Banque Nationale de la République d’Haïti auront pour tâche de veiller au grain, ceci jusqu’à la fin des années 1950, avant que le Fonds Monétaire International (FMI) ne vienne prendre la relève. Ces exemples montrent très clairement comment des évènements d’ordre conjoncturel ont servi à consolider le problème structurel du financement de l’économie haïtienne par des capitaux étrangers. En effet, pour être élu président en 1922, Louis Borno s’était engagé à accepter l’emprunt de 1922 auprès de la City Bank.
« Les pères ont mangé des raisins verts, et les dents des enfants en ont été agacées. » Les mots d’Ézéchiel et de Jérémie dans la Bible prennent tout leur sens aujourd’hui. En effet, selon une déclaration de la Women’s International League for Peace and Freedom faite en 1926, « Nous préparons les Haïtiens à être des subordonnés, à travailler sous les autres, lesquels prennent les responsabilités. Nous leur enseignons à accepter le contrôle militaire comme la loi suprême et à acquiescer à l’usage arbitraire de l’autorité [2]. » La littérature nationale attend encore son John Steinbeck pour produire une œuvre majeure comme Les Raisins de la colère sur l’impact de cette occupation qui perdure non seulement dans la conscience haïtienne mais aussi dans les faits. Une occupation qui explique aujourd’hui qu’un président puisse refuser de tenir les élections aux dates prévues, reconduire un parlement caduc pour passer les lois à sa guise afin de prolonger son propre mandat, et mettre en branle une mascarade électorale sans se soucier des réactions populaires.
La bonne politique pour s’approprier les futurs possibles
L’Accord du 7 août 1933 a mis l’économie haïtienne dans un corset. En enlevant les leviers de la politique fiscale et monétaire aux Haïtiens, ces derniers ne pourront plus prendre les décisions conformes à leurs intérêts propres. Cela ne signifie pas que dans les luttes politiques des décisions douloureuses ne peuvent pas être prises à un moment donné de la conjoncture. L’important est de savoir ce qu’on veut et où on veut aller. Il ne faut surtout pas être dans l’errance et ne pas avoir de conviction. Comme le dit Sénèque dans sa lettre LXXI à son disciple Lucilius, « Qui ne sait pas vers quel port il doit tendre n’a pas de vent qui lui soit bon [3]. » Les démocrates haïtiens se doivent de développer leur capacité d’anticipation et ne pas se contenter uniquement de réagir. La réactivité n’est pas la bonne politique pour s’approprier les futurs possibles. Les inerties engendrent des retards qui bloquent les possibilités de voir l’avenir autrement. Il importe donc d’intégrer la globalisation dans l’analyse politique avec ses conséquences sur l’éveil politique de secteurs de la population longtemps absents de la scène politique.
Ce même jour du 7 août 1933, en Allemagne, les Juifs sionistes signaient avec les nazis un accord par lequel ils mettaient fin au boycott antinazi qui étranglait Hitler dans les premiers mois de son gouvernement. Les Juifs pour ne pas tout perdre acceptaient de quitter l’Allemagne avec des produits manufacturés sortis des usines allemandes. Un Accord de Transfert des Juifs (au nom de code Haavara) permettra de sauver 60 000 Juifs tout en donnant 100 millions de dollars à l’État juif en gestation. Certains pensaient que, sans cet Accord de Transfert du 7 août 1933, le gouvernement d’Hitler aurait été renversé dès la première année par le boycott international. Haïm Arlozoroff [4], le cerveau de ce compromis des Juifs avec les nazis et ministre des Affaires étrangères de l’Agence juive, sera assassiné par des inconnus le 16 juin 1933, deux jours après son retour d’Allemagne où il avait ouvert les négociations secrètes avec le Reich. Entretemps, l’opération Haavara aura été reconnue en octobre 1933 par le congrès sioniste de Prague. On comprend donc que Haïm Arlozoroff ait mérité de la patrie, car chaque ville d’Israël a une rue qui porte son nom [5].
Le conjoncturel est le reflet du structurel
Revenons en Haïti où la période de l’occupation américaine et le choc de la perte de souveraineté nationale qui s’ensuit donne naissance au courant ésotérique et mystique de la bande à Duvalier. Ce courant maléfique s’organise autour du noirisme politique qui empoisonne les esprits des classes moyennes. En 1946 et 1950, le général Magloire entrera en scène avec l’armée pour imposer Estimé ou lui-même afin de continuer la politique anti-nationale des gouvernements antérieurs dont les éléments les plus marquants ont été la mise à mort de la paysannerie. Le génocide des paysans haïtiens a connu plusieurs étapes dont les dépossessions terriennes au profit des compagnies américaines comme la Hasco, la Compagnie d’ananas, la Standard Fruit, la Société Commerciale Haïtienne, etc. ; puis le programme de développement des plantations d’hévéa avec la Shada sous le président Lescot suivi de la liquidation de l’industrie de la figue-banane sous le gouvernement d’Estimé ; puis la vente systématique des travailleurs haïtiens en République Dominicaine. Aux élections de 1957, l’armée du général Kébreau poursuit la tradition de son prédécesseur Paul Magloire et impose François Duvalier à la présidence après le massacre du 16 juin 1957 des fignolistes protestant contre le coup d’État. Un massacre similaire sera réédité par des sbires à la solde des militaires lors des élections du 29 novembre 1987 dont les partenaires internationaux ne voulaient pas. Enfin le 16 décembre 1990, le Conseil Électoral Provisoire (CEP) remplace le Gouvernement dans la détermination des vainqueurs aux élections. Dans chacune de ces conjonctures, les élections auront servi à couvrir les questions structurelles tout en les reflétant. Le rapport est dialectique entre conjoncturel et structurel. Et pour cela soulevons le couvercle de la marmite de la politique et de la finance.
Politique et Finance
Les changements conjoncturels électoraux ont renforcé le rôle séculaire de la finance internationale qui garde Haïti en otage, bloquant du même coup le développement du secteur financier local. Une situation qui contribue à expliquer l’inégalité criante des revenus avec 4% de la population s’appropriant 66% des richesses nationales. La politique progressiste pour diminuer les inégalités en Haïti passe par la fin de l’apartheid financier qui accable les petits et moyens entrepreneurs. Le sous-développement du système financier mérite l’attention de la classe politique. L’analyse du bilan consolidé du système bancaire indique que seulement 8% des emprunteurs reçoivent plus de 80% du total du crédit alloué en 2009. La concentration de l’offre de crédit n’est pas altérée par le développement du microcrédit dont l’encours annuel représente moins de 3% du total de l’encours des prêts du secteur bancaire d’une valeur de 90 millions de dollars. Enfin, l’effet d’éviction de l’État marron a eu pour conséquence de raréfier les crédits disponibles pour le secteur privé. De juillet 2009 à juillet 2010, les crédits alloués au secteur privé représentent la moitié de ceux alloués au secteur public.
La tentation du recours au financement international pour reconstruire Haïti est grande mais il importe de faire attention car la politique d’endettement est génératrice d’inégalités [6]. Ceci est illustré autant par le krach de 1929 que par la crise économique et financière actuelle qui remonte à 2008. La vigilance est recommandée pour empêcher qu’Haïti ne retourne à la politique financière de malheur des 35 dernières années. En effet, de 1975 à 2009, Haïti a payé annuellement 20 à 25% de ses maigres revenus d’exportation, soit une moyenne de 50 millions de dollars, pour rembourser les dettes contractées auprès des institutions financières internationales (FMI, BID, Banque mondiale, etc.) qui n’ont servi à rien sous les gouvernements des Duvalier et de leurs successeurs. Malgré l’annulation des dettes, il ne faut pas recommencer à s’endetter pour permettre la continuation de la politique consistant à piller le cadavre.
Tout comme l’Accord de Transfert des Juifs en 1933 négocié par Arlozoroff n’a pu être possible que parce qu’il y avait le boycott des nazis organisé par les Juifs, sans le mouvement de boycott des élections conduites par Préval et son CEP, la contestation électorale n’aurait pas pris le tournant que l’on sait, aboutissant aux recommandations du rapport de l’OEA. Il ne faut pas se tromper de cible. Le conjoncturel représente l’état actuel des choses à changer et ne doit pas être vu comme un élément extérieur aux objectifs fondamentaux de la lutte politique. C’est en collant à la réalité que les démocrates doivent faire apparaître la substance du structurel qui s’exprime dans le conjoncturel. Sans évacuer la composante internationale qui a sa dimension propre, la composante générique pour le changement, c’est le peuple. Et c’est en le mobilisant qu’une solution durable peut être trouvée à la crise nationale qui ronge Haïti.
Soyons réalistes. La solution de la table rase n’a guère de chances de succès dans la conjoncture actuelle. En œuvrant dans ce sens, les démocrates feront le jeu de Préval et contribueront à perpétuer le problème structurel qu’est la dépendance économique et politique d’Haïti envers l’étranger. Les démocrates ont pour devoir d’articuler sans perdre de temps un programme politique minimum cohérent à proposer à l’électorat et à discuter avec les deux finalistes. Ils doivent tout faire pour ne pas donner l’impression qu’ils sont mus par des intérêts personnels.

* Economiste, écrivain

[1] Leslie Péan, Haïti : Economie Politique de la Corruption — Le Saccage (1915-1956), Paris, Maisonneuve et Larose, tome III, 2006, pp. 206-210.

[2] Dantès Bellegarde, L’occupation américaine d’Haïti, ses conséquences morales et économiques, Imprimerie Chéraquit, P-au-P, 1929, p. 19.

[3] Sénèque, Lettre à Lucilius, Wikisource, 2010.

[4] Jacques Attali, Les Juifs, le monde et l’argent, Paris, Fayard, 2002, p. 503.

[5] Le meurtre d’Arlozoroff est encore d’actualité. Voir Tobie Nathan, Qui a tué Arlozoroff ?, Paris, Grasset, 2009.

[6] Michael Kumhof et Romain Rancière, « Endettement et Inégalités », Finance et Développement, FMI, Décembre 2010.

Commentaire
A tout prendre en considération, Haïti est-il encore un pays? Considérez la facilité avec laquelle un chef d'état s'empare des recettes de l'Etat, se retire tranquillement en France et après de belles vacances et de millionnaires gaspillages, revient tranquillement réclamer la place qui lui est due au sein de cette société et est applaudi par quelques braillards affamés mais monnayes pour la circonstance. Voyez cet autre qui répète exactement les mêmes pillages, va passer ses vacances lui, sur un autre continent, en Afrique du sud, plus arrogant que le premier, mais dont les exactions et les crimes sont encore plus frais, menacer de replonger la société dans les mêmes troubles qui ont hanté ce pays pendant son règne. Ou encore cet autre qui, empêtré dans un corps sur lequel il n’a plus de contrôle, ne sachant comment effacer les traces de la corruption qui submerge son gouvernement, laisse à découvert, exhibe dans toute sa nudité (son obscénité), son inaptitude à gouverner et à se gouverner. Qui pis est, s'étant acquis une réputation de politicien adroit, conçue par ceux qui croient (ignorant malheureusement qu'il existe des termes de comparaison autrement plus édifiants) que fin politicien est synonyme d'adroit prédateur, il ourdit tous les subterfuges imaginables (fraude électorale comprise) pour se cacher dans l’ombre de ses deux illustres prédécesseurs et frères jumeaux. Dans quel autre pays au monde un tel triumvirat, ayant pillé un demi siècle durant (29 ans Duvalier et 20 Aristide-Préval), peut-il survivre sans que la justice en attrape au moins un afin qu'il rende une partie des biens subtilisés à la communauté? Mais il y a pire, voilà que l'avocat de l'un d'entre eux nous apprend qu'une pitance de moins de deux millions de dollars a été quand même obtenue mais n'arrive pas à nous convaincre de sa destination. Nageons-nous, flottons-nous dans l'irrationnel, dans le rêve (le cauchemar), ou vivons-nous au XXIe siècle, dans une ère démocratique où les états sont gouvernés, organisés selon des profiles clairement définis, enrichis des nombreuses expériences des siècles passés? On peut, les économistes peuvent évaluer monétairement la somme globale soustraite à la nation pendant ce demi-siècle d'escroquerie, mais on ne pourra jamais jamais effacer cette page obscure et humiliante de notre histoire de deuxième pays du continent américain à accéder à son indépendance. Ni la Tunisie, ni l’Egypte ne vivent dans la crasse qui nous asphyxie. Quelle autre extrême nous reste –t-il à atteindre pour qu'il y ait une révolution, une vraie dans ce pays qui a paradoxalement donné l'exemple à de nombreux autres?

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