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jeudi 10 février 2011

EDITO

Aristide, Martelly, carnaval
Haïti: Le porte-parole du département d'État américain a fait, mercredi 9 février, une sortie remarquée contre le retour en Haïti de Jean-Bertrand Aristide avant la tenue du second tour. Une sortie forte.
Si on comprend bien, il ne faut pas bouleverser, déranger, dérégler la machine électorale. La marche des choses. La bonne, la mauvaise ou la fragile marche des événements.
Si les puissances amies d'Haïti avaient la tête ailleurs lors du périple de Jean-Claude Duvalier jusqu'à Port-au-Prince le 16 janvier, on sent que les yeux des acteurs de la communauté internationale impliqués en Haïti sont braqués sur l'Afrique du Sud.
Aristide, qui ne peut plus être candidat pour redevenir président sous l'égide de la Constitution de 1987, ayant déjà complété (pas tout à fait, en fait) deux mandats, provoque plus d'inquiétudes que Duvalier, qui, lui, peut se prévaloir de ce droit.
Le parti Lavalas, toutes branches confondues, ne fait plus recette sur le béton. Aucun des deux candidats en lice pour le second tour de mars prochain ne cherche, ouvertement du moins, d'alliance avec Lavalas, ni ne déclare le craindre. Aristide, fait-il encore peur ?
Aristide, chouchouté un jour, combattu le lendemain, aidé ou acculé à partir, reste inscrit dans le registre des énigmes de la communauté internationale dans ses tentatives de régencer ou d'aider la classe politique haïtienne.
L'annonce d'un éventuel retour de l'ex président d'Aristide dans les jours prochains, alimentée par les déclarations de responsables de son parti et de dires de son avocat, coïncide avec des rumeurs jamais éteintes d'une possible annulation pure et simple des élections.
Encore et toujours des rumeur diriez-vous !
La presse n'a que cela à se mettre sous la dent. Les langues se délient très peu sur l'avenir du processus électoral.
Ah, ces fameuses élections!
En 24 heures, Michel Martelly aura encore une fois réussi à troubler le bon ange des observateurs.
Hier, dans une note de presse de son parti, le chanteur au crâne chauve posait un ultimatum au gouvernement pour que des ministres soient débarqués des postes de conduite de l'Etat. Des ministres catalogués INITE sont dans la ligne de mire de Repons Peyizan. Ce mercredi, le même Martelly, depuis Santo Domingo, annonce qu'il est prêt à faire alliance avec INITE.
Encore du switch Micky, ou savante stratégie pour déboussoler Mirlande Manigat ? Une tactique pour cajoler INITE ? Ou un gage pour calmer des forces qui peuvent encore peser sur le destin des urnes ?
Martelly est déjà le cauchemar de la classe politique, celui par qui est venue la déstabilisation de la tranquille continuité.
Ce mercredi, le gouvernement a officiellement lancé, avec l'appui du maire de Port-au-Prince, et d'autres édile le carnaval 2011.
Quelle sera l'ampleur de la fête ? Est-il de bon ton de dépenser des millions de gourdes pour garder vivante une tradition centenaire ? Comment faire traverser le Champ de Mars par un cortège festif, au milieu des tentes des réfugiés du tremblement de terre qui campent encore au coeur de la capitale ?
Les candidats à la présidence ne se sont pas encore prononcés sur le sujet. Le feront-ils ? Le carnaval, tout le monde va tenter de le capter et de le transformer en podium. Le gouvernement pour sa politique d'apaisement social et de sortie en beauté. Les politiques en tombeau d'un régime qui s'en va.
Si le carnaval doit garder toute sa force, sa puissance, sa charge émotionnelle, il est évident que l'on peut réclamer du gouvernement à la fois que la fête se tienne, digne et sobre, mais aussi qu'il annonce un plan de relogement des sinistrés du Champ de Mars.
Par pour que l'on puisse danser la conscience tranquille les trois jours gras, ni pour éloigner les réfugiés pour faire place aux stands, simplement pour que le relogement commence enfin en ce lieu si symbolique, le Champ de Mars, et à cette date plus d'un an après le séisme.

Frantz Duval
duvalf@hotmail.com

http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=88979&PubDate=2011-02-09

COMMENTAIRE
A DEFAUT DE PAIN, DU CIRQUE?
Carnaval, avez-vous dit? Cela se peut-il? Un peuple qui meurt de faim, dort à la belle étoile, est privé d'eau potable et se trouve, pour comble de malheur, la proie d'une épidémie de cholera venue on refuse de savoir d'où, doit-il encore faire l'objet du cirque machiavéliquement imaginé par Préval? L'absence de dignité d'un homme peut-elle affecter à ce point un pays entier? Demander l'aumône pour danser? Ce n'est pas vrai! Et les assassinats quotidiens, les viols de femmes, la prostitution des centaines d'orphelins de cette capitale pour ne pas dire de tout le pays? Mesdames et messieurs les membres du gouvernement haïtien, un peu plus de décence, s'il vous plait! Vous avez causé assez d’entorses à la dignité de la nation, épargnez-lui au moins ce dernier affront! Les médias eux-mêmes seraient-ils en train de valider un tel cirque?
Dans de telles circonstances, on réalise plus clairement que jamais pourquoi les fonctionnaires haïtiens détestent l’école, l’université, les centres de formations professionnelles et tout ce qui leur ressemble. L’obscurantisme fait meilleure recette. Pourquoi alors construire des institutions qui risquent d’ouvrir les yeux au peuple ? Shame on you !

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