L'Etat haïtien a décidé d'exonérer de droits de douane les importateurs de maisons préfabriquées en vue de permettre à certains particuliers de résoudre leur problème de logement dû au séisme. Cette mesure semble ne pas trouver l'approbation de certains observateurs qui croient que l'Etat aurait mieux fait de faciliter aux particuliers l'achat de matériaux sur le marché haïtien pour des constructions locales qui couteraient moins cher. Une de ces mesures concerne particulièrement les importateurs de maisons préfabriquées. Ces derniers, selon ladite mesure, bénéficieront d'une exonération de tous droits de douane et taxes sur l'importation de toute maison préfabriquée dont la valeur en douane ne dépassera pas 150 000 dollars US (6 150 000 gourdes). Pour plus d'information sur cette mesure, Le Nouvelliste a rencontré le ministre des Finances qui a retracé la genèse de cette décision, sa mise en oeuvre et ses effets. Selon le ministre Ronald Baudin, l'idée de cette mesure lui est venue à la suite d'une rencontre avec un industriel qui lui a demandé s'il peut lui faire bénéficier d'une exonération de droit de douane pour l'importation d'une maison préfabriquée en provenance de l'étranger. « J'ai profité de cette demande particulière pour prendre une mesure d'ordre générale qui profiterait à tous les Haïtiens. Selon cette mesure, quel que soit le citoyen qui aurait perdu sa maison lors de la catastrophe et qui voudrait importer une maison préfabriquée, nous allons appuyer cette demande en lui facilitant une exonération de droit de douane », dit le ministre. « Cependant, poursuit M. Baudin, nous avons pris le soin d'imposer deux contraintes à cette mesure, à savoir : la maison en question ne doit pas coûter plus de 150 000 dollars US, et l'importation doit se faire pendant la période de temps que durera l'état d'urgence ». En d'autres termes, une fois l'état d'urgence- votée en avril 2010 par le Parlement haïtien pour une duré de 18 mois- aura pris fin, cette mesure n'aura plus aucun effet. Moins de cinq demandes en deux mois Au dire du ministre Baudin, depuis l'adoption de cette mesure le 14 janvier 2011, les demandes d'importation n'affluent pas de la part des particuliers. « A date, nous n'avons pas encore fait cinq exonérations de ce genre. Et ce n'est pas le manque d'informations qui est à la base de ce désintéressement», indique l'officiel haïtien. « Nous avons vulgarisé assez cette mesure. Lors de la présentation du budget de l'exercice 2010-2011, on a fait référence à cette mesure, Le Nouvelliste a écrit des articles y relatifs, sans parler de l'avis sorti récemment dans les journaux qui en parlent », note Ronald Baudin, qui assure que de toute façon il n'est pas trop tard. « S'il y a des gens qui veulent profiter de cette mesure ils peuvent toujours le faire », a-t-il fait savoir. | |||||
D'autre part, beaucoup de gens- dont les maisons ont été endommagées ou détruites par le tremblement-ont de préférence opté pour la réparation ou la reconstruction intégrale de celles-ci, explique le titulaire du MEF, tentant d'expliquer le manque d'engouement des Haïtiens pour cette décision des autorités fiscales haïtiennes. Une telle mesure ne bénéficie-t-elle pas davantage aux plus fortunés qu'aux plus humbles ? Très certainement, admet le ministre, soulignant que l'Etat a le devoir de protéger tout le monde, le pauvre comme le riche. L'Etat a besoin des deux. Le riche est celui qui, en général, prend le risque d'investir pour créer de l'emploi, générer de la richesse pour aider le pays à se développer. Les plus humbles bénéficieront des programmes de logements sociaux comme c'est déjà le cas. Certains services sociaux offerts par l'Etat sont destinés essentiellement aux gens de conditions précaires. « Un des instruments les plus importants de redistribution de la richesse que détiennent tous les pays est l'impôt, notamment l'impôt sur le revenu qui a la particularité d'avoir un barème progressif », dit le ministre. Ce qui revient à dire que les gens aux faibles revenus sont frappés par des taux d'impôts faibles par rapport aux gens aux revenus importants qui ont des taux plus élevés, explique le grand argentier qui, se faisant, montre que l'Etat fait la part des choses. Entre mauvais choix et attentisme vain Interrogé sur la mesure d'exonération fiscale prise par l'Etat haïtien et l'apathie du grand public par rapport à cette décision, un spécialiste du domaine de la construction estime compréhensible le comportement des gens. Car, argumente-t-il, depuis le déclenchement de ces catastrophes un peu partout à travers le monde, le prix des maisons préfabriquées a crû à un rythme important et coûte de nos jours environ 30% plus cher que la construction d'une maison de même dimension. A son avis, dans une logique d'appui à la reconstruction, l'Etat devrait de préférence faciliter les gens à avoir des crédits auprès des entreprises de matériaux ou du moins permettre à ces entreprises d'avoir une exonération des droits de douane sur les matériaux importés. Cela permettrait donc aux particuliers d'avoir des matériaux à coût réduit et aux entrepreneurs d'avoir une certaine demande à satisfaire. C'est bien dommage, soutient encore le spécialiste, que plus d'un an après la catastrophe Haïti vogue toujours entre les mauvais choix des autorités étatiques et l'inertie et l'attentisme du secteur privé. « Quelle vision commune relative à la reconstruction partagent les membres du secteur privé haïtien ? En quoi les banques haïtiennes sont-elles solidaires du processus de la reconstruction ? Qu'est-ce qui a été fait de concret jusqu'à présent pour sensibiliser les Haïtiens à la nécessité de prendre en main cette reconstruction ? » Telles sont, entre autres, les interrogations de cet expert qui croit que Haïti restera sous les décombres aussi longtemps que nos élites s'acharneront à laisser le soin à la communauté internationale de penser et de matérialiser la reconstruction. | ||
Cyprien L. Gary http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=90630&PubDate=2011-03-25 Commentaire Entre passivité et accusation, autorités gouvernementales et secteur privé en Haiti condamnent le pays à être le pire exemple à suivre en matière de coopération. Y a-t-il un mécanisme susceptible de permettre à ces deux secteurs de la vie nationale de s`entendre? Tant que le gouvernement utilisera le pouvoir comme moyen d`enrichissement rapide pour ses membres et tant que le secteur privé considérera ses clients potentiels comme des adversaires dont il faut tirer le plus de bénéfice possible en moins de temps possible, rien ne sera fait pour relever le pays dont ils ont pourtant besoin tous les deux. Que faut-il donc pour que cela change? Un leader ? Des règles du jeu très claires? En tout cas, il est évident qu`une petite dose, ne serait-ce qu`une toute petite dose des deux aiderait le pays à cesser d`être la caricature observée par la communauté internationale. Exposer le pays au ridicule, c`est exposer tous ceux qui en font partie à être la risée de tout le monde. Evidemment pour en prendre conscience, il faut un sens très développé de la fierté et de la décence. C`est peut être le premier pas à faire! |
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