Haïti: Certains dansent pour les victimes du séisme du 12 janvier 2010, d'autres se déguisent en "Mme choléra": les Haïtiens fêtaient dimanche le retour du carnaval à Port-au-Prince en tentant d'exorciser les catastrophes qui ont frappé leur pays au cours de l'année écoulée.
L'édition précédente avait été annulée en raison du tremblement de terre qui a fait plus de 220.000 morts, 1,2 million de sans-abri et ravagé la région de Port-au-Prince.
"Nous allons danser pour offrir à la population l'occasion d'oublier!", promet Jocelyne, une adolescente de 13 ans, le visage couvert de paillettes multicolores.
En raison des décombres, des maisons détruites, le parcours traditionnel a été modifié: les défilés passeront dans les rues du centre, avant de rejoindre la place du Champs de mars, transformée en camp de déplacés depuis le séisme.
"Nous somme contents de participer à cette grande fête, nous allons donner du plaisir aux gens qui sont sous les tentes", assure Sarafina, 15 ans, dont le frère a perdu une jambe après avoir passé plusieurs jours sous les décombres de la maison familiale.
Malgré le manque de moyens, des nombreux groupes de musique se sont mobilisés pour faire danser la foule.
"Nous danserons pour toutes les victimes et nous souhaitons que jamais plus le pays ne vive une telle catastrophe", dit Wilnerson, bien décidé à donner corps au thème choisi cette année pour le carnaval: "Célébrons la vie".
Malgré l'envie de faire la fête, les Haïtiens ne veulent pas oublier le séisme, qu'on retrouve ici et là évoqué sur les déguisements des participants.
Autre thème: l'épidémie de choléra, qui a fait plus de 5.000 morts en Haïti depuis la mi-octobre, traitée sous forme de sketch.
Gary, vêtu de noir, et son ami Jean-Jude, en blanc, représentent ainsi "M. Propre" et "Mme Choléra", afin de rappeler aux Haïtiens les règles d'hygiène à observer pour éviter la propagation de la maladie.
"Je représente le choléra qui continue de faire des ravages dans le pays, lui c'est la vie. Nous allons mimer une lutte entre l'épidémie et les règles de propreté", expliquent les deux jeunes sous leur masque.
Le groupe des "avocats marrons" jouera de son côté des scènes parodiant des plaidoiries d'avocats, pour dénoncer une justice haïtienne qui "se vend au plus offrant", dit Reynald Merzier, étudiant en informatique.
"La justice n'existe pas pour les pauvres. Ceux qui ont la responsabilité de protéger les démunis sont ceux qui les exploitent", lâchent ces jeunes étudiants dont les costumes sont affublés de noms rappelant ceux de responsables haïtiens.
"C'est une façon pour nous de dire que la justice ne marche pas bien", dit un membre du groupe se faisant appeler "commissaire".
La politique est aussi présente dans le carnaval et, entre deux morceaux de musique, des groupes font retentir les messages des deux candidats au second tour de l'élection présidentielle, prévu le 20 mars.
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=89969&PubDate=2011-03-06
Commentaire
J`ai beau essayer de faire comme tous ceux qui veulent durs comme fer que le carnaval soit une nécessité, je n`y arrive pas. J`ai beau me dire qu`après tout, les morts sont partis, et que les survivants ont le droit d`oublier, d`essayer d`oublier, pour reprendre la vie normale qui sied à tout être humain, QUELQUE CHOSE EN MOI SE RÉVOLTE. Quelque chose me dit qu`il y a d`autres priorités et que si, dans la majorité des cas, les gens semblent préférer le carnaval à travailler laborieusement, autrement, pour reconstruire la vie, c`est parce qu`il y a un manque. Comment puis-je entendre un adolescent, une adolescente me dire ``je vais danser pour ceux qui sont morts de choléra ou dans le tremblement de terre`` et ne pas éprouver la désagréable sensation qu`il (ou elle) a été empoisonné(e)? Ce cirque qui remplace le pain a mauvais gout dans ma bouche. Est-ce encore une manifestation de notre deficit de scolarisation? Un chef d`Etat, un guide, un leader, quelqu`un qui occuperait ce poste pour lequel il faut un minimum de vocation, ayant les qualités requises, aurait convaincu son peuple à faire un autre choix quand même les pressions lui viendraient de toute part. J`entends déjà mes contradicteurs:``il y a aussi l`autre volet. La fonction cathartique de ce carnaval. Qu`on l`admette ou non, l`homme a besoin d`escapades, de tremplins, pour cracher son trop plein d`agressivité, de tension. Le carnaval lui donne le pretexte, l`ennemi (hypothétique) sur lequel decharger ce volcan qui lui ronge les tripes. En Haiti, ce volcan doit etre dans un etat d`eruption intense. Ce substitut lui permet donc de se ``défouler `` pour reprendre la route et continuer ....`` D`accord, mais la grande question ne persiste pas moins dans ma tête ``continuer quoi? de souffrir?``et je n`arrive pas à trouver de reponse satisfaisante. En tout cas, l`arrière-gout amer que rien ne suffira à dissiper dans ma gorge me pousse encore à penser qu`il vaudrait peut-être mieux ne pas se défouler inutilement. Cela permettrait de garder (conserver) cette puissance, cette VIRTUALITÉ pour l`avenir. On pourrait a loisir l`investir d`abord dans la tache ardue d`expulser (heureusement que les elections, c`est demain!)les autorites actuelles et de vraiment entamer la reconstruction(C`est vrai qu`il n`y a jamais eu de construction). J`avoue que là encore, je ne détesterais pas d`entendre une autre voix. J`aurais moins l`impression d`un monologue inutilement pessimiste. D`ailleurs celui sur qui il faudrait cracher son indignation est précisément celui qui offre dans un plateau d`argent ce carnaval alors qu`au milieu même du carnaval il ne serait pas surprenant que quelqu`un ou plusieurs se pâment, faute d`avoir mangé avant d`y assister.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire