C'était par nécessité. Et surtout par amour. Amour pour l'ancienne Métropole et sa culture. Amour de la langue. La francophilie haïtienne a vu le jour au lendemain même de l'indépendance d'Haïti. Les premiers hommes de lettres et les premiers politiques de la nouvelle nation ont voué un véritable culte à la France et à sa langue. Louis Joseph Janvier écrit avec lustre : « Si pour la race noire, Haïti c'est le soleil se levant à l'Horizon, c'est parce que la France est la Capitale des peuples et qu'Haïti, c'est la France noire ». Beau rêve.
Haïti: « Anténor Firmin et la francophilie de l'élite haïtienne du XIXe siècle ». C'est ce thème qui a constitué le fond de l'intervention du professeur Watson Denis de l'Université d'État d'Haïti, ce jeudi 24 mars. Il intervenait à la journée de conférences en hommage à Georges Anglade à l'École Normale Supérieure (ENS), dans le cadre de la quinzaine de la francophonie. Le professeur Denis à démontré, à travers sa communication, que les francophiles haïtiens de la fin du XIXè Siècle et du début du XXè Siècle ont été les pionniers de la francophonie. Une francophonie militante avant-gardiste. Ils apparentent Haïti à la France. « Haïti, fille légitime de la France ».
Pourquoi Firmin ?
2011 ramène le centenaire de la mort d'Anténor Firmin. Ce dernier, « personnage emblématique de la vie politique et de l'intelligentsia haïtienne », est l'un des intellectuels haïtiens les plus influents de la fin du XIXè Siècle. Firmin portait un grand amour à la France et à la culture française. Mais sa francophilie était stratégique aussi. Elle s'inscrivait dans une nécessité géopolitique qui « embrassait bien les questions de politiques culturelle et linguistique, mais aussi elle englobait les activités liées au commerce, les finances et les relations internationales. Ces deux raisons justifient le choix porté par le conférencier sur l'homme dont la dimension de son oeuvre, scientifique, littéraire et politique est à connaitre de tous.
Par nécessité et par amour
Le choix de la langue française, rapporte le conférencier, répondait à une nécessité. « ...Il fallait une langue internationale pour faire connaitre les objectifs et les idéaux de la Révolution haïtienne », explique le professeur Denis. Parce que les nouveaux dirigeants ne connaissaient pas d' « autre modèle de structuration du pouvoir et d'organisation de l'État que le modèle français », ils ont puisé dans la société française des modèles d' « institutions politiques et administratives dans le nouvel État indépendant ». Mais parallèlement à cette résolution impérative, une autre raison venait justifier cette appropriation par la nouvelle classe dirigeante de la langue et de la culture française. L'amour. Un amour inconditionnel voué à l'ancienne France coloniale et à ses valeurs culturelles. Et cet attachement a caractérisé également la première génération d'auteurs haïtiens qui ont tout produit en français. Évidemment.
Frédéric Marcelin, romancier, critique littéraire et homme politique haïtien était de ce lot d'intellectuels qui ne juraient que par la France : « J'aime la France de toute mon âme, de toute la puissance affective que Dieu m'a départie. Je l'admire comme la première nation du Globe.... Elle est et restera le flambeau, l'inspiratrice du monde ».
Historique et politique
Cet attachement des écrivains haïtiens aux valeurs françaises s'est étendu jusqu'au début du XXè Siècle et était devenu plus manifeste, indique le professeur Watson Denis. Les mouvements littéraires de cette époque se sont accordés pour alimenter cette flamme pour tout ce qui était français. La Génération de la Ronde, « un mouvement littéraire et esthétique qui a proposé une intégration plus poussée d'Haïti dans le monde des lettres françaises. Dans la politique, la diplomatie, la culture et les arts en général, la demande a été la même : s'intégrer au monde français ».
La politique et le culturel ont arboré alors une identité qui trouve toute ses racines dans la francophilie. Au regard de cette identité commune, « Haïti a toujours montré une solidarité agissante envers la France, dans ses mauvais jours ».
Cet engouement francophile des intellectuels et politiques haïtiens n'était pas ambitieux. Tout l'objectif se limitait à ressembler à la France. A faire comme la France. Aucune velléité n'était exprimée pour cheminer tout au moins aux côtés de la France dans le grand concert des nations, voire la devancer en arts, en culture, en économie et en relations internationales. « Il n'y a pas de doute, la francophilie haïtienne est un mouvement qui nous porte encore à réfléchir ! », reconnait le professeur Watson Désir. Mais cette francophilie aura tout au moins ouvert la voie à la diversité culturelle. Mais, Haïti, devenir la France noire, était un rêve. Trop plein de couleurs.
Gaspard Dorélien
gaslovery@hotmail.com
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=90620&PubDate=2011-03-24
Commentaire
Il s`en est fallu de peu que cela fut vrai. Mais la France se moquait de défendre ou non le français et ce qui vient avec. Il s`agit-la d`une prise de conscience relativement récente. Ce qui ne justifie pas évidemment toutes les bêtises de nos ex-colonisateurs. La France a ce moment-là n`hésitait pas a mordre la main qui la nourrissait. Pour ceux qui connaissent l`histoire d`Haiti, de 1791 a 1804, notamment, ils voient ou je veux en venir. Firmin est un cas très particulier dont nos spécialistes eux-mêmes ne semblent pas avoir pris conscience. C`était l`un des plus grands anthropologues non pas de la « société d`anthropologie de Paris» à laquelle il appartenait seulement, mais du monde. Quand reconnaîtra-t-on qu`il est l`un des précurseurs les plus importants de notre anthropologie culturelle?Combien de nos compatriotes ont lu au moins «De l`égalité des races humaines»?
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