La bombe K
Haïti: K comme kolera. K comme l'excréta de tous nos fatras. K comme kriz. K comme ka sou ka. K comme toutes les bombes qui peuvent nous anéantir.
Ce jeudi, des manifestants ont bloqué la route 9, à Cité Soleil, pour protester contre le déversement de matières fécales à Truttier, le quartier qu'ils habitent, et qui sert de décharge pour toute la zone métropolitaine. Le camion qui leur a servi de barricade pour entraver la circulation appartient à la compagnie Sanco, entreprise chargée de l'évacuation des fosses septiques du camp népalais de la Minustah situé à Mirebalais, camp accusé d'être le premier vecteur du choléra en Haïti. Les manifestants qui chantaient à tue-tête ''Minustah = Choléra'' se sont-ils rendus compte de la conjonction entre ce camion, le choléra et la Minustah ?
La mission de l'ONU, pour la première fois, fait face à la gestion d'une vraie grenade dégoupillée avec la crise de choléra. Les troupes onusiennes sont en terrain miné depuis le 21 octobre, date de la confirmation que c'est bien le choléra qui tue tant de gens sur le parcours du fleuve Artibonite. La Minustah a une bombe K sous les pieds.
Toujours ce jeudi, les dirigeants de l'Alternative et d'autres regroupements politiques engagés dans une campagne contre les élections ont réaffirmé leur détermination de ne pas prendre part aux prochaines joutes électorales. Ils ont aussi appelé à une mobilisation pour contenir le choléra. Dans une de ses sorties imagées dont il a secret depuis des décennies, Evans Paul (K-Plim) a dénoncé les profiteurs de crise, ceux qui surveillent les veillées funèbres pour faire ripaille et bambocher sur le dos des morts comme certains s'apprêtent à le faire avec cette crise. « Moun k ap fè vèy bèl mèvèy sou lanmò pèp la depi 12 janvye et avèk kolera a », ont été mis à l'index par K-Plim.
Élections, pas élections, est-ce la question ? Un fait est cependant certain : si le processus électoral de 2010 se termine mal, nous aurons, en plus de la bombe sociale qui grossit, une autre bombe entre les mains.
Encore ce jeudi, le Brides a dévoilé les résultats de son dernier sondage. Mirlande Manigat y caracole en tête. Elle conforte son avance. Le candidat muet et immobile de la coalition présidentielle fait du surplace. Nous nous acheminons vers un deuxième tour car personne ne fera, pour la première fois (???), 50 % plus 1 au premier tour. Nous nous acheminons aussi vers des alliances entre candidats qui détermineront la victoire. Le sondage du Brides révèle aussi - mais cela semble moins retenir l'attention - que le parti Inite s'achemine vers une majorité aux deux chambres.
En fait, si tout se jouait ce jeudi, on aurait une alternance présidentielle et la continuité au Parlement. Une cohabitation. Est-ce la prochaine bombe qui nous attend ?
Enfin, ce jeudi, la terre a encore tremblé. La panique a gagné des milliers de gens à Carrefour. La presse a rapporté que des élèves qui n'avaient rien ressenti, avertis par SMS, ont, eux aussi, paniqué, provoquant une belle pagaille dans la zone. Les plus folles rumeurs ont plané pendant des heures sur le nombre de morts. Enfin de compte, il n'y a pas de décès à déplorer. Il est cependant impossible de dire quelle est la magnitude de la secousse. Est-ce une réplique ? Un tremblement de terre ? Nous ne le savons pas à l'heure de mettre sous presse. Sommes-nous mieux renseignés sur ce qu'il faut faire en cas de tremblement de terre aujourd'hui que nous ne l'étions le 12 janvier ? Les mécanismes de secours sont-ils plus efficaces ?
La terre qui tremble est encore une bombe sous nos pieds. Une bombe qui peut nous mettre dans un beau K, K comme cas, encore une fois.
Comme lors du passage de Tomas, seul un miracle pourra nous éviter une hécatombe. Faut-il être alarmiste ? Faut-il tout faire pour ne pas céder à la peur panique ? Difficile de dire quelle est la bonne attitude.
Un fait est certain : pour désamorcer la bombe sociale, sauver la mission de l'ONU, harmoniser le temps politique et gérer les multiples raisons de stresser de la population, la communication n'a jamais eu un aussi grand rôle à jouer que dans l'état actuel de la situation. De plus, avec le choléra, nous dansons sur un volcan, non, sur une latrine.
Frantz Duval
duval@lenouvelliste.com
Commentaire
Communication n'est pas le mot pour designer l'attitude à adopter par les dirigeants haïtiens, mais un minimum de patriotisme. Voilà! Et le reste viendra par surcroit.
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