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vendredi 12 novembre 2010

EDITO

De qui relève la sécurité nationale ?

Haïti: Quarante-huit heures après l'annonce faite par le directeur général du ministère de la Santé publique et de la Population, le Dr Gabriel Thimothé, de classer l'épidémie de choléra au rang des problèmes de sécurité nationale, aucune disposition de grande envergure n'a été prise jusqu'ici par les autorités gouvernementales. Mis à part les centres de traitement du choléra (CTC) installés dans divers endroits de l'aire métropolitaine et dans le Bas-Artibonite par les autorités sanitaires, le gouvernement tarde à prendre des décisions relatives à ce problème de sécurité nationale.
Pourquoi c'est le directeur général du ministère de la Santé publique et de la Population qui en a fait l'annonce, en lieu et place du président de la République ou du Premier ministre ? Les problèmes de sécurité nationale concernent au premier chef le président de la République et ensuite le Premier ministre. Dans ce cas, s'agit-il d'une décision du ministère de la Santé publique ?
Dans cette galère, l'épidémie continue de faire des victimes et les autorités hésitent encore à prendre les décisions qui s'imposent. Et, à l'étranger, Euro News nous colle l'épithète d'île maudite.
Si la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), par l'entremise des soldats népalais, serait la cause occasionnelle de l'épidémie de choléra, le manque de structures sanitaires à travers le pays en est la cause principale. De l'alerte au choléra lancée par les autorités sanitaires jusqu' au stade des problèmes de sécurité nationale, rien n'a changé dans le comportement quotidien de l'homme de la rue. Les vivres alimentaires continuent d'être étalés à même le sol, près des immondices, dans les différents marchés publics de la capitale, dans l'indifférence totale des autorités sanitaires ainsi que du maire de Port-au-Prince. A Delmas 18, à Pétion-Ville et dans d'autres endroits de l'aire métropolitaine, les immondices répondent aux abonnés présents. A Delmas 31, aussi bien que dans les rues du Canapé-Vert, les porcs font le va-et-vient comme dans le parc d'une section communale reculée. Les entreprises de production de biens de consommation fonctionnent à Port-au-Prince et dans les villes de province sans aucune inspection quelconque. Le commerce d'eau potable n'est toujours pas réglementé.

La République était-elle toujours ainsi ?

Il y a trente ans de cela, personne ne pouvait jeter dans les rues du Cap-Haïtien une miette de pain, sous peine d'être arrêté par un agent préposé à cet effet. Les boulangeries étaient quotidiennement contrôlées et le lait commercialisé pouvait être consommé sans inquiétude. A Port-au-Prince, les rues étaient propres et des agents sanitaires aspergeaient les maisons et latrines des zones résidentielles chaque mois ou tous les trois mois. Le service d'hygiène publique fonctionnait comme les autres entreprises de l'Etat. Un camion portant le nom de « Chalan » conduisait au Centre d'accueil de Carrefour toutes personnes qui marchaient pieds nus ou qui portaient des vêtements en mauvais état à travers les rues.
La situation catastrophique dans laquelle la République est plongée aujourd'hui n'est-elle la conséquence de la mauvaise gestion des affaires de l'Etat et de l'impréparation de nos gouvernants depuis le départ de la dictature des Duvalier ?

Lemoine Bonneau

http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=85573&PubDate=2010-11-11

Commentaire
Monsieur Bonneau, on ne saurait mieux dire, malheureusement! Oui, le pays n'a pas toujours fonctionné comme ça. Le "chalan" guettait les gens qui se négligeaient, bref, on avait une organisation qui, certainement pouvait être améliorée. Maintenant nous n'avons rien. Un territoire abandonné à lui-même ou chacun improvise des méthodes de survie. C'est lamentable! Mais je me pose quand même certaines questions troublantes: le président, dont on connait déjà les grandes caractéristiques, comment dort-il le soir? Le premier ministre, dont j'avais complètement oublié l'existence, je vous le jure, car on en parle même plus, a-t-il le courage de recevoir le salaire qu'implique le fait de porter ce titre? Et évidemment tous ces ministres figurants, continuent-ils d'envoyer l'argent gagné dans les circonstances que nous savons pour payer à l'extérieur, l'étude de leurs enfants, regardent-ils en face leur épouse sans rougir leur faisant accroire qu'ils « se sacrifient » pour le pays? Et l'on me dira que nous ne sommes pas un peuple de comédiens. Si l'honorable (?) Euro News ne rougit pas pour traiter ce pays de "pays maudit", c'est parce que de ce côté-là non plus la décence n'abonde pas. Pourquoi? Où étaient ces gens quand l'Europe bâtissait au Burundi et au Rwanda la politique des ethnies - qui n'avaient jamais connues auparavant l'acuité d'après la colonisation - et qui devaient aboutir à cette série de génocides : Hutu vs Tutsi, Tutsi vs Hutu qui ont donné la nausée à toute l'humanité? Où étaient-il quand Haïti a été forcée de transférer en Europe en moins d'un siècle d'histoire, les 21 (?) milliards de dollars us que nous savons? Où étaient-ils quand chacune des nations européennes qui voulaient s'attribuer une petite part du gâteau, utilisaient l'alibi de commerçants ressortissants de ces mêmes pays-là pour menacer de bombarder Port-au-Prince si une certaine somme n'était versée a tel ou tel commerçant de tel ou tel pays européen? Où étaient ces journalistes honnêtes et objectifs quand des tonnes de déchets toxiques ont été débarquées (de nuit) en Haïti venant des Etats-Unis et qui y sont encore et dont les effets pervers ne sont pas étrangers au risque énorme qui pèse sur ce pays? Ces spéculateurs d’argent pourraient bien justifier leur poste au sein d’un journal ou d’une revue autrement qu’en s’abaissant à faire mentir l’histoire. Ils savent mieux que quiconque que ce que vit Haïti aujourd’hui n’est pas que le résultat de l’incompétence de ses dirigeants, même si cela aussi en fait considérablement partie. A moins qu’il ne leur soit plus simple de mentir que d’aller au fond des choses !

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