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jeudi 11 novembre 2010

"On meurt et tout le monde s'en fout"

Gonaïves tourne au ralenti. La mairie continue de ramasser les cadavres par crainte d'une plus grande expansion du choléra. A Bayonette, une section rurale reculée, "beaucoup de malades" ont été signalés. Et, presqu'au coeur de la ville, à Raboteau, les conditions d'hygiène, d'accès aux commodités sanitaires laissent sceptique alors que des manifestants dénoncent : "On meurt et tout le monde s'en fout. " Récit.
Haïti: 10 novembre. Les écoles des Gonaïves sont fermées pour la deuxième journée consécutive. La ville, porte ouverte sur le Grand Nord, tourne même si ce n'est pas à plein régime. Sollicité çà et là par des habitants affolés, le conducteur d'un camion de la municipalité a, avec ses hommes, déjà ramassé 16 cadavres, confie le maire Pierrelus Sainjuste en t-shirt, casquette vissée sur la tête et des baskets confortables aux pieds. Le boulot n'est plus au bureau depuis le début de la crise sanitaire dans le chef-lieu du département de l'Artibonite où vivent plus de 300 000 personnes. Le remplaçant de feu Topa Moïse exhorte les familles des victimes, face aux risques élevés d'être contaminées en touchant le cadavre d'un mort de choléra, « de laisser faire ses hommes ».
Scotché à son téléphone, le maire Sainjuste établit des contacts en vue de trouver une pelleteuse pour creuser une nouvelle fosse commune à Pravil, sur la route menant à Terre-Neuve. « Nous ne sommes pas bien équipés, mais nous faisons ce que nous pouvons, avec les moyens du bord », ajoute Pierrelus Sainjuste informé de la présence de deux cadavres à la première section de Gonaïves et d'un nouveau foyer à Bayonette. Silence. On se croise les doigts en craignant que cela ne prenne pas les proportions de ce qui s'est passé à Raboteau entre le 2 et le 8 novembre : seize morts hospitaliers et plus de six cents malades reçus. Bayonette est en milieu rural ! Cela veut tout dire. Sa population est dépourvue de tout.
« L'information nous est parvenue pour Bayonette », confie sous couvert de l'anonymat un employé de la Direction sanitaire de l'Artibonite transformée en QG de guerre contre le choléra. « Non, je ne peux pas vous parler pour le moment car nous allons avoir dans quelques minutes une réunion avec l'OMS, MSF et d'autres partenaires en vue de déterminer les actions appropriées face à l'évolution de la situation », indique poliment le docteur Dieula Louissaint, la patronne de cette direction, avant de s'enfermer à nouveau dans son bureau.
Coups de gueule
Au bout d'une heure et demie, la tension monte dans le voisinage. « C'est une manif », explique sans affolement un coopérant étranger à son interlocuteur au téléphone. « Pas d'élections avec le choléra », « Haïti n'a pas d'État », « Vaccin pour le peuple », « On chie, on meurt et tout le monde s'en fout », « On n'a pas d'eau potable » », scandent plus d'une centaine de manifestants, des jeunes femmes pour la plupart, devant la Direction sanitaire de l'Artibonite.
« Je vis à Roboteau. On n'a pas d'eau potable, les latrines sont rares et tout le monde s'en fout », crache un jeune manifestant sous le soleil presque au zénith à l'angle des rues Egalité et Louverture dont les places de stationnement sont occupées par les 4x4 de l'UNICEF, de Care, de Winner, de MSF, entre autres.
A Raboteau, on chie en plein air
Au bout de la rue Camayole, on découvre, sur le littorale, La Saline ou, comme l'appelle Ulrick Aneska, un résident de Raboteau, « la latrine du peuple ». « Je viens tout juste d'y faire mes besoins. C'est franchement difficile de trouver un pouce de terrain qui n'a pas d'excréments », poursuit l'homme d'une vingtaine d'années. A deux pas de lui, dans une pièce humide, Sassufi Léveillé, 17 ans, une malade de choléra fraîchement exéatée, encore faible, sollicite de l'aide. Elle a besoin de faire tata. Et comme elle, un autre malade, John Jérome, le fait à quelques minutes de sa maison, à La Saline où, gais, adorables, plus d'une dizaine d'enfants, certains ayant le bedon proéminent, les cheveux roux, nus comme des bouteilles, jouent à même le sol.
Le maire est au courant
« Plus de 25 % de la population de Raboteau utilisent La Saline comme latrine. Ce n'est pas normal. Nous allons travailler avec les ingénieurs de la mairie sur la question. On cherche des ressources et des partenaires », confie le maire Pierrelus Sainjuste, dont la ville martyre en septembre 2004 refait les manchettes de l'actualité à cause du choléra. Une maladie met ainsi en lumière les graves problèmes d'eau et d'assainissement dans la quatrième ville du pays.

Roberson Alphonse
ralphonse@lenouvelliste.com

http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=85509&PubDate=2010-11-10
Commentaire

Y a-t-il une issue? Il est politiquement correct de répondre par l'affirmatif. Mais honnêtement, tant que cette équipe corrompue, aveugle et incompétente est en poste, peut-on rêver d’un résultat positif de n’importe quel effort?

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