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samedi 6 novembre 2010

Haïti-Choléra : Que le leadership national émerge et s’affirme enfin

samedi 6 novembre 2010

Débat

Par Luc Rémy

Soumis à AlterPresse le 30 octobre 2010

Des enquêtes, des enquêtes, des enquêtes… Oui mais, où est donc le Leadership National pour conduire en toute autonomie et en toute compétence politique et scientifique des investigations nationales à l’abri de toute banalisation, de toute manipulation et de toute récupération politique du dossier aux dépens de la Nation haïtienne si longtemps opprimée, piétinée, martyrisée, humiliée et oubliée ?
Des enquêtes scientifiques, a-t-on appris, sont en cours pour déterminer la source de la maladie en Haïti et, éventuellement, dans son pays d’origine. Les Nations Unies, le Center for Diseases Control (CDC) des États-Unis, le gouvernement haïtien et bien d’autres entités étrangères présentes et responsables aussi de la vie des personnes, des animaux et des plantes en Haïti sont en train de faire des prélèvements d’échantillons par-ci, par là. A supposer que des dirigeants haïtiens (ce qui, de toute façon, est quasi certain) soient les responsables de ce fléau, ou que les Nations Unies, via les Népalais ou des nationaux de n’importe quel autre État ayant une présence sur le terrain (ce qui est bien possible) en soient la source, va-t-on nous dire, à nous le “Peuple National”, la vérité pure et sans mélange ?
Certes, nous attendons l’établissement des faits (facts) ; nous attendons les conclusions des investigations ; nous attendons le verdict scientifique. Mais craignons que nous mettions beaucoup de temps à les attendre ; craignons même qu’ils n’arrivent pas, ou, s’ils arrivent, qu’on nous amène à consommer des faits scientifiques "fictifs".
C’est dire qu’il nous faut doubler notre doute scientifique du doute politique que la conjoncture et les pratiques aujourd’hui à la mode du pouvoir d’État en Haïti semblent conseiller. Car elles nous paraissent assez particulières pour qu’elles soient capables de manipuler la science chez nous, tout au moins la divulgation de ses trouvailles…
Ne perdons pas de vue les enjeux connus ou cachés des résultats de ces investigations en cours : les élections haïtiennes de novembre prochain, l’avenir géopolitique et géostratégique d’Haïti, le rôle de la MINUSTAH, la politique du Conseil de Sécurité de l’ONU pour Haïti. Les enjeux, c’est aussi la vision de la Communauté Internationale (CI) pour Haïti et aussi la place et la mission de toute cette "CI" en Haïti ou vis-à-vis d’Haïti, cette CI qui n’est pas arrivée, en quelque vingt ans, à "délivrer" son produit, qui a vu et continue de voir "se détruire sous ses yeux et son leadership le bon vieux Peuple historique d’Haïti, qui n’a pas de solution à la crise politique (ou de gouvernabilité) et à la crise socio-économique du pays et qui ne peut pas (ni ne voit pas comment) se résigner à laisser Haïti ; c’est le procès de la CI en Haïti ; c’est des millions et même des milliards de dollars de réparation pour les victimes... Les enjeux sont gros et vitaux…

Alors, la parole est à l’Occident.

Et si l’enquête identifie ceux qui sont au pouvoir en Haïti comme les coupables, la CI, qui leur a souvent décerné des brevets de satisfecit, est-elle prête à les sacrifier ou laisser tomber en acceptant de reconnaitre publiquement, franchement et courageusement leurs responsabilités dans cette épidémie mortelle ? Est-elle prête à assumer les conséquences d’une telle décision ? D’ailleurs, par quel tour magique ces autorités haïtiennes qui ont tout à fait manqué à leur mission de fournir des services à la Nation pourraient-elles échapper à la condamnation dans cette affaire ? La CI est-elle prête à assumer, le cas échéant, sa propre responsabilité pénale de cette faute grave, si elle en est elle-même responsable ; et qui, décemment, va prouver qu’elle l’est ou que des dirigeants haïtiens le sont ? Moralement, diplomatiquement et politiquement, et compte tenu des règles du jeu en cours, la CI est-elle responsable devant la Nation haïtienne si le leadership national n’existe pas ou refuse d’assumer ses propres responsabilités devant cette Nation ? Elle n’y est pas obligée ; mais le leadership national doit l’y obliger.
Car la Nation a droit à la Vérité et à toutes les réparations morales et matérielles qui s’imposent. La Direction Politique de l’État haïtien a l’obligation de prendre en main l’enquête et de la conduire ou la faire conduire avec toute la compétence politique, scientifique et technique que requiert ce grave dossier en vue de garantir le sérieux, la transparence des investigations, la validité externe de leurs conclusions et d’en tirer toutes les conséquences qui s’imposent au bénéfice du Bien Public. Les intérêts des dirigeants de l’État, quels que puissent être ces dirigeants, ne doivent nullement l’emporter sur ceux de la société haïtienne. C’est là une exigence du leadership responsable. C’est là l’une des rançons de la mission de servir son pays, de servir l’État haïtien.
A l’évidence, cette énième tragédie qui s’abat sur Haïti exige une solution de rupture avec les pratiques dirigeantes routinières, négligentes, irresponsables et criminelles vis-à-vis de la Nation souffrante. Exigeons que nos gouvernants et aspirants gouvernants prennent leurs responsabilités très au sérieux. Maintenant même ! Exigeons, pour marquer pour Haïti un départ de société vraiment civilisée où vivent des citoyens responsables, que soient fixées les responsabilités et que soient punis les coupables. Et que rien ne soit plus comme avant. Que des hommes et des femmes capables sautent sur cette occasion malheureuse, mais opportune, pour construire et affirmer ce Leadership National indispensable qui doit se manifester, à l’extrême pointe d’un alliage bien proportionné d’Intelligence, de Passion pour la Chose Publique, de Courage, de Compétence, de Lucidité, d’Audace, d’Energie, de Souplesse, de Fermeté et de Patriotisme dans la Conduite de l’Action publique. Alors, attendons, attendons. Optimistes…
La politique, en tant que l’un des arts les plus difficiles, ne permet pas, dans la conjoncture haïtienne actuelle, au commun des mortels de réunir en lui-même tous ces atouts (d’autres diraient plus justement toutes ces "vertus") mentionnés dans ce texte ; et elle ne nous permet pas non plus de tomber, au premier coin de rue du paysage national, sur cet oiseau rare de bon augure que tous les hommes de progrès appellent de leurs vœux sincères mille fois réitérés. Cet homme ou cette femme existe-t-il ou existe-elle ? Mais si oui, y-a-t-il alors un Diogène qui, lanterne en main, se lance à sa recherche ? Et comment empêcher que Diogène ne se mette à consommer tout son temps dans une recherche interminable détachée de la praxis et des besoins présents de notre société ? Il faut tout simplement le doubler d’un Archimède qui puisse se jeter dans l’eau et proclamer : Eurêka ! Eurêka ! Eurêka ! Et qui nous propose aussi le levier idéal pour l’action.
Par cette allégorie, nous entendons insinuer que la solution à la question haïtienne, la mise en place d’un puissant levier de changement démocratique (de grande qualité et opérant sur la base de grandes quantités) passe immanquablement par la construction d’un leadership collectif ou partagé comme point d’appui. C’est de là que pourra surgir un authentique primus inter pares (le premier entre des égaux) pour coordonner, inspirer confiance, éviter les dérives et les reculs, faire avancer et protéger la barque nationale contre les assauts internes et externes délétères et assurer la validité, la vitalité et la viabilité d’un Projet de Construction nationale- au plan physique et mental- grandiose et réussi. Cela requiert incontestablement la mise en commun de nos énergies pensantes, combattantes et productrices. La réflexion concertée, respectueuse de nos différences et axée sur le primat du Salut de la Nation haïtienne, de l’Homme haïtien et de l’héritage territorial et historique haïtien, la mise en commun de compétences et savoirs divers, la générosité, le respect des règles de civilité qui construisent des compromis généreux, fondés et durables, la mise sous perfusion de l’Ame de la Nation, la mise en place de bouées de sauvetage solides et sures pour naviguer dans les eaux nationales et internationales agitées et remplies d’écueils, le développement et l’entretien de tissus conjonctifs qui assurent la symbiose harmonieuse et efficace entre les masses et leurs leaders nationaux et locaux, voilà quelques-unes des pistes qui semblent pouvoir conduire à bon port, en ce début du 21e siècle, une Aventure collective sérieuse de Pilotage national.

http://www.alterpresse.org/spip.php?article10219

Commentaire
Désirs sincères à vue d'œil mais qui semblent condamnés à ne générer aucune réponse. Ils sont nombreux ceux qui manifestent ce genre de vœux et ont soif de vérités, de réponses, de réactions. Mais qui va répondre? Qui est responsable? Il faut, pour assumer ses responsabilités, une bonne dose d'humilité associée à un fort pourcentage de courage. Quand on se salit, quand on se corrompt, quand on a peur de regarder les autres droit dans les yeux, on a intérêt à s'esquiver, à se cacher, en tout cas, à faire diversion pour détourner les regards de soi. On ne soutient pas le regard du public impunément quand on n'a pas les mains propres. Il y a une confession qui procure - paradoxalement - de la fierté. C'est celle que l'on se voit forcer de faire quand on n'a épargné aucun effort pour accomplir son devoir et que malgré tout on échoue. Mais chez nous, les dirigeants n'échouent jamais. On n'échoue que quand on a un but et qu'on ne l'atteint pas. Voilà la simplicité de notre situation, mon cher Rémy. Je m'excuse d'avoir été aussi simpliste mais est-ce que j'ai le choix?

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